2 - Les couleurs du vent

Depuis le début
                                    

Inconsciemment, mon esprit prit un aller simple pour l'Allée des Embrumes, là où résidaient mes souvenirs les plus enfouis, que j'aurais préféré oublier. Je me suis revu au milieu de mon adolescence, boutonneuse à souhait, quittant mes parents et le domicile familial pour ma journée de cours au secondaire. Si j'avais su ce qui allait se passer, je n'y serais jamais allé. Je ne les aurais jamais quittés.

Tout était de ma faute. C'est depuis ce jour que tout a véritablement basculé dans ma vie. Son visage était empli de remords, pendant que le mien était tourné vers l'après plutôt que vers le présent.

J'aurais dû partir avec eux... Mais je suis partie avec elle, et cela s'est produit.

Ma rencontre avec la mort.

Soudain une violente bourrasse de vent me fouetta l'arrière de mon corps. Sursautant, je m'arrêtant net dans ma pratique. Calmant ma respiration tout en baissant le volume de ma musique, détournant mon regard vers le sol. Quelques instants plus tard je fis volte-face, un souffle glacial s'engouffra à l'intérieur des fissures des tôles d'ardoise qui nous servaient de plafond.

Passant une main dans mes cheveux en ravalant lentement ma salive. Je quittai les lieux immédiatement. L'inconvénient de ce pouvoir était qu'il était facile à activer, mais difficile à éteindre.

Continuant ma marche sur le campus, je fis une pause dans un endroit frais, m'installant dans un fauteuil en essayant tant bien que mal de me détendre, le cellulaire à la main. Malheureusement, cela fut de courte durée.

— Excuse-moi, c'est toi la fille qui frappait dans le sac à la salle de sport ?

Levant les yeux vers la personne qui me parlait, j'ai été quelque peu surprise de voir l'une des jumelles que j'avais croisées plus tôt. Cheveux blonds et les yeux vairons, un doré et l'autre noisette.

— Oui, pourquoi ?

La deuxième arriva avec deux cafés dans les mains et tendit l'un à sa sœur.

— Avais-tu beaucoup de colère à évacuer ? Se demanda la deuxième.

— Pas... spécialement... répondis-je, détournant le regard vers mon téléphone.

Elles se regardèrent toutes les deux avant de surenchérir.

— En tout cas, tu avais l'air...

— ... combative, conclut l'autre.

—Merci ? ajoutai-je, grimacant légèrement, ne sachant pas quoi répondre d'autre.

— Moi, c'est Geneviève, annonça celle de droite.

— Trixie, lâcha sa sœur.

Haussant les sourcils avec un sourire gêné. Et moi, c'est merci à plus tard, pensai-je.

— Et toi ? reprit la première.

... C'était inévitable.

— Rashel, répondis-je avec un sourire forcé avant de prendre une gorgée de ma boisson.

J'attendais tant bien que mal qu'elles disparaissent de ma vue, mais cela tardait à arriver. Je bus mon moka d'une traite et feignis aussitôt d'avoir un rendez-vous pour les semer.

— Je m'excuse, je dois y aller, bye !

Je m'enfuis aussi rapidement que l'éclair hors de la salle. Craignant qu'elles me suivent, je coupai court au parc de la veille.

Le parc Brébeuf.

J'évitais de nouer trop de liens amicaux ou de connaissances avec les gens du coin. Je ne me sentais nulle part en sécurité. Aussitôt le calme et la tranquillité retrouvés, j'aperçus au loin un magnifique coucher de soleil accompagné d'une douce brise d'air frais, observant l'événement depuis un banc près de la rivière des Outaouais. Je pris quelques instants pour savourer ce moment figé dans le temps.

Perle grise - nuages d'automne |EXTRAIT|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant