Should have known better

2.1K 237 191
                                    



Je pouvais voir la vie à travers le voile translucide de mon œil. Je pouvais lire les mots des pages, dire qu'ils étaient pleins d'orgueil. La parole coulait sur ma langue comme un fleuve puissant et calme. Je m'étais surpris à me pencher dans cet angle nouveau. Et j'ai vu le monde qui se construisait en bas, dans les fondations de mon âme. A ce moment, tout était clair.

TaeHyung est debout dans le couloir du lycée. Il contemple les lignes courbes, sauvages mais propres, sur son casier. C'est comme si celui qui les avait tracées avait gardé sa volonté d'artiste même dans la hâte. Inconsciemment, ses doigts suivent leur chemin. La couleur rose est tendre à son iris. De près, on ne dirait même pas des mots. Juste la marque indélébile d'une crise de folie, d'une crise d'amour, primitive, sans but, sans vraie signification. Ce n'était pas le énième combat d'une guerre. C'était un appel. Un murmure au milieu des cris. Une main posée sur le ciel, audacieuse. Et TaeHyung y a répondu.

« -Kim TaeHyung ? »

Ses pensées divaguent peu à peu dans des souvenirs proches.

« -Oui, monsieur. »

Il a été convoqué dans le bureau du directeur un peu plus tôt dans la journée. C'était la première fois qu'il le voyait, lui et le trou navrant de sa calvitie. Il lui a posé quelques questions.

« -Vous n'auriez pas – par hasard – une idée de celui ou celle qui aurait pu repeindre votre casier ?

-Non, monsieur, a-t-il répondu..

-Vandaliser le lycée est naturellement contre le règlement.

-Bien sûr, monsieur.

-Mais vous m'assurez ne pas l'avoir peint vous-même ?

-Je vous l'assure. »

Il s'est alors essuyé le nez avec son mouchoir en tissu, l'air dépité. TaeHyung s'est dit que tout en lui était imprégné d'une évidente dépression. Il a alors demandé :

« -Monsieur ? »

Celui-ci regardait ailleurs mais semblait attentif. TaeHyung a donc ajouté doucement, avec une grande passivité :

« -Comme vous ne m'avez jamais demandé de venir avant, je dois comprendre qu'écrire « Pédale » ou « Enculé » sur un casier n'est pas contraire au règlement ? »

Un silence lourd a suivi, durant lequel le directeur a plongé son regard dans celui de l'élève assis en face de lui. Mais ces yeux bruns sur ce visage immobile, vide de tout reproche, ont semblé le mettre suffisamment mal à l'aise pour qu'il se détourne. Alors le silence s'est poursuivi longtemps. Très longtemps. Jusqu'à ce que TaeHyung prenne une inspiration et pose une main sur la table.

« -Vous savez monsieur, les gens écriront toujours sur les murs. Que ça vous plaise ou non. Parfois, on a beau peindre et repeindre par dessus, ça reste visible malgré tout. C'est tout simplement ce qu'on appelle la conscience. »

TaeHyung a un sourire en repensant à la scène. Le sang de l'homme a quitté son visage d'un coup, avant d'y retourner aussi vite et d'affluer dans ses joues. Il n'a pas été collé. Il aurait dû. Mais le directeur devait s'en vouloir un peu. Il semblait plutôt honteux en lui demandant de quitter la pièce. TaeHyung n'est pas en colère. Il se sent même plutôt bien. Il détache lentement ses doigts des traits de peinture et jette un regard dans le couloir. Il ne fait pas très beau dehors, mais TaeHyung aime ça. Il aime cet air d'orage et de pluie fraîche. Il aime savoir que quoi qu'il arrive, il fera beau ce soir. Les gens marchent autour de lui. Ils continuent leur vie. Alors il s'éloigne du mur et se mêle à leurs déambulations.

L'Empire des Lumières / SOUS CONTRAT D'ÉDITIONWhere stories live. Discover now