Ne pouvant pas monopoliser ma chambre chez ma mère car les préparatifs du mariage sont tout ce dont ils parlent à longueur de journée, mon père m'a gentiment invité (il m'a plutôt forcé) à l'accompagner lors d'un de ses voyages. Ce n'était pas des vacances, loin de là. S'il se déplaçait c'était exclusivement pour le travail et rien d'autre. Ses supérieurs hiérarchiques, bien qu'ils soient peu, en profitent bien souvent d'ailleurs. Car ils savent très bien que rien ne retient mon père en Corée. Pas de famille handicapante, pas de femme, pas d'animal de compagnie, seulement un gosse de dix-huit ans un peu chiant, présent une fois sur deux et pas très bavard.


C'était presque logiquement et le sourire aux lèvres qu'il a accepté de voler jusqu'à Los Angeles durant les fêtes de fin d'année. Surtout après Noël. Ce n'était pas comme si le paysage risquait d'être dégueulasse, je le savais parfaitement. Mais je ne pensais pas moi aussi m'envoler en sa compagnie quand il m'en a touché deux mots au téléphone.


Mais il semblait heureux d'enfin pouvoir passer un véritable moment avec moi. Et je me sentais un peu mal d'avoir tant râlé en apprenant la nouvelle. Il est vrai que ça doit faire depuis leur divorce que je n'ai pas passé de temps dévoué pleinement à mon père.


J'essayais de faire des efforts pour ne pas trop tirer la tronche mais c'était bien plus fort que moi, je le savais. J'avais tendance à me rappeler dans l'immédiat qu'il était supposé travailler durant ce séjour et qu'une fois sur le sol américain, il allait me délaisser pour ses tonnes de paperasses habituelles.


Si voyager me rendait sceptique d'avance, c'était bien entendu sans compter l'avion qui se dressait entre le point de départ et celui d'arrivée. Un obstacle de taille, en effet. Je ne savais pas véritablement à quoi m'attendre, n'ayant jamais quitté le pays une seule fois de toute mon existence. Mais je m'étais accroché très fort -peut-être même trop- aux extrémités confortables de mon siège lors du décollage en première classe. Si l'on m'avait dit, deux semaines plus tôt que j'allais m'envoler pour l'Amérique du Nord, je ne l'aurais jamais cru. Ça me semblait tout à fait inenvisageable. Et pourtant, c'était la réalité.


Malgré mes premières réticences, j'étais tout de même fier de moi. D'avoir osé dire oui (je n'avais pas pu dire non). J'étais convaincu que le déplacement de mon père en cette fin d'année allait faire bonne impression. Il m'en avait parlé plusieurs fois sur la route de chez lui à l'aéroport d'Incheon. La mobilité est vivement recherchée par son entreprise et il avait entendu plusieurs femmes en discuter dans les couloirs de la boîte lors de la pause café. Beaucoup d'employés profitent des fêtes pour poser les jours de congés non utilisés et précautionneusement récoltés au cours de l'année afin de pouvoir passer de petites vacances avec leur famille. Mon père n'avait pas spécialement ce problème, notre famille n'en était plus une et nous avions perdu le goût aux fêtes depuis bien longtemps.


C'est d'ailleurs le lendemain -du jour où il a surpris deux collègues en parler- qu'on l'a accosté en lui offrant un aller-simple en première classe pour Los-Angeles. J'étais l'exception. Bien sûr, je n'entrais pas de le tarif mais ça importait peu selon mon père. Tout ce qu'il souhaitait -d'après ses yeux pétillantes que je n'avais pas revu depuis des années au moins-, c'était passer un petit peu de temps avec son « fils adoré ».


Même si les conditions n'étaient décidément pas les meilleures et que le vol n'a été que panique totale du décollage à l'atterrissage même, j'étais désormais bien plus qu'heureux d'avoir de nouveau les pieds sur terre. Décidément, je n'avais pas la moindre idée de comment j'allais bien pouvoir remonter dans cette machine infernale pour faire le voyage inverse. Ça risquait d'être un grand moment. Voler n'était décidément pas fait pour moi du tout. Et pourtant, mon père continuait à prétendre que c'était seulement l'effet de la première expérience, la première fois. J'étais sceptique.


Taekook fête la fin d'année ⛄️Where stories live. Discover now