Terres brûlées

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Ne craignez pas le feu, mais la portée de ses brûlures.

Il est depuis toujours notre meilleur allié et notre pire ennemi. Nous chérissons en notre sein ses lueurs qui tranchent l'âpreté des ténèbres et de la glace. Dans la plus profonde nuit pouvons-nous ainsi dormir sereinement, en attendant que les flammèches aillent réveiller l'astre du jour.

J'avais la chance, moi aussi, de posséder un âtre au milieu de mes terres : fier protecteur, ses flammes fendaient vents et intempéries pour accomplir leur mission. Le soleil aux rendez-vous, la flore pouvait prospérer et remercier le feu de senteurs variées. Un écosystème harmonieux dont on pouvait prédire la bonne croissance.

C'est alors qu'insidieusement les pluies ennemies devinrent plus fréquentes. À terme, la terre régurgitait cette abondance, et les gouttelettes devinrent poignards. Les flammèches s'élevèrent moins haut pour ne plus s'élever du tout. Captivé par le cœur du feu devenu ma seule lueur, je ne réalisai que tardivement la gravité de la situation. Ce n'est que quand le givre devint glace et que la nuit devint ténèbres que je compris que le feu se mourrait.

Je contemplai mes terres avec autant de craintes que de questions : comment un Eden pouvait dépérir ? Et qui le voudrait ? Mais plus urgent que de comprendre le pourquoi des choses, il fallait y remédier. J'examinai donc les fleurs dans le but de regaillardir l'écosystème de leurs senteurs vivifiantes. Mais rien. Ni senteurs, ni couleurs chatoyantes. Rien d'autre qu'une agonie convenue que j'étais le seul à ignorer. Je sentais leurs efforts se transformer en Résilience, je voyais leurs bourgeons qui n'écloraient jamais.

Devant les cendres de ce qui était une oasis en devenir et trempé de la pluie qui me consumait, je me résignai à payer le prix de la survie. Que faire de fleurs qui n'embaumeront jamais les terres d'effluves sucrées et rassurantes ? Alors oui, je pris le brasier et incendia la flore ! Tant d'efforts pour que le lieu ne devienne que la pâture de ténèbres froides ? Non. S'il n'y aura pas d'Eden, il n'y aura pas d'Enfer non plus.

Ainsi de cette fournaise déchaînée plus rien ne poindra : ni ténèbres, ni bourgeon.

Terres brûléesWhere stories live. Discover now