« Qui a charcuté le visage des gamins hier? »

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Comme beaucoup d'autres enfants, tu es allé à la crèche. Mais tu n'en es pas ressorti indemne. Un jour pas comme un autre, l'un des enfants s'est mis en tête de griffer profondément tous les autres ou presque au visage. Vingt-quatre ans plus tard, tu en portes encore les stigmates. Imaginez le papa d'une des gamines débarquer le lendemain avec un coupe-ongle et hurler : « puisque vous êtes incapables de me dire qui a fait ça, je vais couper à ras les ongles de tous les enfants ici présents ». Il l'a fait.

Arrive alors la maternelle et ton premier passage à l'école privée Alex le Pénitent. Tu n'y feras que la petite et la moyenne section, avant de rejoindre l'école du village où tes parents venaient de faire construire une maison. Tu te fais assez facilement de nouveaux copains, mais pas vraiment d'amis. Si tu ne vas pas vers les autres pour leur demander de jouer avec eux, ils ne viennent pas te chercher. En tant que nouveau venu, tu étais cantonné à la fabrication de poudre blanche pendant les récréations, le bien le moins précieux étant donné qu'il s'agissait juste de faire des tas de poussière. Certains avaient le luxe de fabriquer des bâtons de bois décorés ou de tailler des pierres. Le capitalisme est partout.

Dès ton plus jeune âge, tu comprends que tout n'est que négociation. Tu affiches le numéro de la protection de l'enfance sur le frigo familial et n'hésites pas à menacer tes pauvres parents de les appeler quand ils ne répondaient pas à tes caprices. Au lieu de te mettre une baffe ou une fessée, ton Papa chéri d'amour te mettait des droites verbales dans la salle de jeux. Drôle d'endroit pour calmer un gosse, non ? Ça fonctionnait du tonnerre pourtant. Tu repartais avec ta baguette magique entre les jambes. « Je ne te dispute pas, je t'explique » te disait Papa à chaque fois. Heureusement qu'une de tes Mamies chéries t'emmenait te défouler au trampoline plus que de raison. Cela permettait de canaliser un peu l'animal qui sommeillait déjà en toi.

Tu effectues ta scolarité dans l'école du village depuis la grande section jusqu'à la fin du CE2. Tu étais gardé par ta voisine qui était nounou. Tu rentrais manger chez elle tous les midis et tu dois reconnaître que c'était une excellente cuisinière. Mais seul son mari avait droit au sirop de grenadine et au dessert lacté au café. C'est sûrement pour ça qu'aujourd'hui tu adores le café et tout ce qui en a le goût. Tu commences à comprendre comment fonctionne le monde au cours de ta dernière année dans l'école du village. Ton maître de CE2-CM1 t'a demandé un jour de « fermer ta gueule », après avoir mis une baffe à un autre élève. Tu as aussi vu sa femme, directrice de l'école et maîtresse des CM2, mettre un coup de genou sauté dans le derrière d'un élève. Ils sont partis à la fin de l'année. Toi aussi.

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