Le brieffing est le plus étrange auquel j'ai assisté. Alban, Will et Geoffrey sont attentifs aux points abordés par Thomas, comme d'habitude semble-t-il, mais dès que Thomas tourne le dos, je vois les trois paires d'yeux se diriger sur moi aussitôt et me fixer comme si j'étais le lapin blanc sortant du chapeau du magicien. Je leur souris bêtement en haussant les épaules à chaque fois. J'aimerais pouvoir me téléporter sous ma couette à cet instant.

La réunion achevée, j'attends que les trois curieux quittent la pièce pour alpaguer Thomas :

- Nan, mais t'es malade ?

- Non je vais très bien. Pourquoi ?

- C'est ça, fait le malin en plus ! Qu'est-ce qui t'a pris ? Tu crois pas qu'on aurait pu en parler avant ?

- On aurait pu, oui, mais je sais que pour m'épargner tu aurais opté pour une relation ignorée de tous. Je n'ai pas peur du regard des autres Gaby. Je suis heureux d'être avec toi et j'ai envie que la terre entière le sache. Et puis, au moins comme ça, les futurs bouffons y réfléchiront à deux fois avant de te draguer.

- Je ne te savais pas si possessif... Je lui indique, encore énervé.

- C'est une découverte pour moi aussi, figure-toi !

Je pousse un long soupir avant de reprendre :

- Bon ben maintenant c'est fait de toute façon...Retournons travailler avant que les trois gus ne s'imagine des trucs tordus.

- Attend !

Thomas me stoppe alors que ma main se pose sur la poignée de la porte. Sans me laisser le temps de répondre, il saisit mon menton et tourne mon visage vers lui pour m'embrasser tendrement.

Je suis surpris par cet élan d'affection :

- Thomas ! On est au boulot là ! Dis-je en le repoussant doucement.

- Quoi ? y a une loi qui interdit les bisous au travail ? Répond-t-il le regard malicieux.

- T'es...Vraiment, t'es pas croyable, tu sais ça ? Allez au boulot sale gosse !

J'ouvre la porte cette fois en grand. Geoffrey, Will et Alban s'étalent à mes pieds et se relèvent aussitôt, déguerpissant aussi vite que des souris surpris par un bruit.

Je me frappe le front du plat de la main, dépité par cette situation devenue incontrôlable tandis que Thomas éclate de rire derrière moi.

*

C'est hallucinant. Les mecs peuvent bien critiquer les nanas en les traitant de reines du commérage : il n'a pas fallu 24h pour que la nouvelle concernant Thomas et moi parvienne au 6e étage.

Maintenant, j'ai droit à des coups d'œil réguliers tantôt curieux, tantôt amusés pratiquement tout l'après-midi. J'ai même des collègues, qui pris sur le fait de m'observer, lèvent les pouces articulant silencieusement un « Good job » Sérieusement, vivement que cette journée se termine ...

Sur le chemin du retour, je raconte mon après-midi ubuesque à Thomas qui se retient manifestement de ricaner. Je lui claque le bras de la paume de la main en pestant contre lui :

- C'est pas drôle ! C'est hyper gênant. Je suis devenu une véritable attraction au boulot et c'est entièrement de ta faute !

- Hey ça fait mal ! Dit-il en rigolant. Allez, allez, ils vont se calmer. Tu verras dans quelques jours plus personne n'y prêtera attention.

- Mouais...

Je fais seulement semblant de bouder car en réalité, même s'il ne m'a pas dit qu'il m'aime, ce qu'il a fait aujourd'hui est la plus belle preuve d'amour qu'on m'ait donné.

*

Il avait raison, il a suffi de quelques jours pour que mes collègues se lassent de moi et passent à autre chose. Plus personne n'est choqué à présent, ou presque, de nous voir quitter le travail ensemble, main dans la main. Le peu qui nous regardent un peu de travers sont vite refroidis par le regard assassin de Thomas.

L'activité a repris normalement, j'ai juste droit de temps en temps à un bisou furtif et inopiné à l'abri des regards. Je commence à me faire à tout ça, j'y prends même gout, n'ayant jamais connu cela auparavant. Dans mes relations précédentes, ce n'est pas que je n'étais pas tactile ou affectueux, mais vivre un véritable amour partagé change tout, vraiment tout.

A présent, son visage est la première et la dernière chose que je vois chaque jour. Nous préparons le dîner ensemble en discutant, parfois en se taquinant. La première fois qu'il m'a rejoint sous la douche était ... Comment décrire un tel moment ? C'était tellement sensuel, passionné, son corps contre le mien, nous caressant l'un l'autre, faisant l'amour sous l'eau chaude ruisselant sur nous, les fines particules d'eau nous enveloppant telle une bulle hors du monde.

*

Je ne sais pas pourquoi, il me demande ce soir, en sortant du boulot, de me rendre à une adresse qu'il me donne, au lieu de rentrer ensemble. Je ne cherche plus à poser de questions quand il agit de la sorte, je sais d'avance que c'est peine perdue.

Arrivé sur place, je vérifie que je suis bien au bon endroit : je me trouve devant la devanture d'un restaurant. La façade en bois est joliment travaillée et les lumières semi-tamisées à l'intérieur donnent une atmosphère chaleureuse et accueillante. Je demande à l'accueil si une réservation est faite au nom de M. Richard Thomas. L'hôtesse me le confirme et m'accompagne à une table située en mezzanine où Thomas m'attend déjà. Le cadre est hyper sympa dans un genre campagnard chic. Je m'installe face à lui et l'interroge en chuchotant :

- Pourquoi on vient ici ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Et surtout pourquoi on n'est pas venus ensemble ?

- Parce que généralement, quand on se rend à un rencart, on se donne rendez-vous quelque part pardi !

- Un... rencart ?

- Oui ! C'est officiellement notre premier rendez-vous !

- Je ne comprends pas... Je veux dire, on sort ensemble à présent, alors pourquoi ?

- J'ai réalisé, qu'à part aller au travail et rentrer à la maison, nous ne sommes jamais sortis sinon. J'ai envie de faire les choses correctement à partir de maintenant. Tu trouveras que je suis peut-être vieux jeux, mais je tenais à avoir un vrai premier rendez-vous avec toi. Tu trouves cela bête ?

Sur le moment, à part de le dévisager, je ne trouve pas les mots pour lui répondre. Et finalement une seule phrase me vient sans y réfléchir :

- Mais où étais-tu tout ce temps ?

- Je t'attendais. Répond-t-il avec douceur.

Ses mots me transportent à tel point que des larmes me montent aux yeux. Il tend sa main vers mon visage et essuie délicatement une larme qui s'en échappe avant de reprendre :

- Je n'avais pas idée à quel point je t'attendais...   

Le ChallengeWhere stories live. Discover now