Carcerem

Je t'ai vue

Mes paupières semblent aussi lourdes que du plomb. Je n'arrive pas à ouvrir les yeux. J'ai l'impression de dormir depuis très longtemps, et pourtant je me sens fatiguée. J'inspire doucement et je sens l'air ambiant chatouiller mes narines. J'essaye d'écouter ce qu'il se passe autour de moi, mais je n'entends qu'un bruit sourd, la mélodie du néant, comme si je n'étais entourée de rien, ni de personne. Seulement, je sens bien que je suis allongée sur quelque chose de moelleux, et il s'agit sûrement d'un lit. Le lit de qui ? Comment suis-je arrivée là ? Je me sens perdue. J'essaye de me souvenir de la moindre chose, mais rien ne vient, le vide, un trou noir. Je commence à paniquer, et j'ouvre les yeux.

J'entends une alarme sonner à côté de moi, et un homme s'approche doucement. Je n'arrive pas à bouger plus que mes yeux.

- Mademoiselle, comment est-ce que vous vous sentez ?

Je ne réponds pas, ne trouvant pas ma voix. Je le regarde simplement, je le questionne de mes yeux inquiets, et il me sourit.

- Vous ne vous souvenez plus de rien n'est-ce pas ? Vous avez reçu un gros coup sur la tête. Tout va bien, nous avons toutes les informations essentielles sur vous, nous vous les communiquerons, et vous vous souviendrez de tout.

- Suis-je Anju ?

- Anju ? Non, vous ne vous appelez pas Anju. Vous avez dû faire de nombreux rêves lors de votre coma, mademoiselle. Votre mémoire vous joue des tours.

J'essaye de me relever délicatement afin de m'asseoir et de reprendre entièrement mes esprits. Ma vision est à moitié troublée, et j'ai la tête qui tourne.

- Ne faites pas de mouvements trop brusques. Vous venez à peine de vous réveiller.

- Où suis-je ? Qui suis-je ? Pourquoi ai-je reçu un coup sur la tête ? Dites-le moi je vous en conjure...

- Du calme. Nous voulons tout d'abord que vous vous reposiez. Ensuite seulement, nous vous dirons tout ce que vous voudrez.

Je me sens stressée, mais j'essaye de rester calme. Je n'ai pas d'autre choix que de me détendre. Alors, je me rallonge, et je referme les yeux.

Je vois un visage, flou. Je ne sais pas qui est cette personne. Est-ce mon imagination ? Est-ce que je la connais vraiment? Est-ce mon reflet ? Est-ce quelqu'un de ma famille ? L'image se brise en millier de fragments. Son visage ne m'apparaît plus. Je ne m'en souviens plus. Qui était-ce ? Comment était cette personne ? Je ne sais pas...

Une larme coule le long de ma joue. Je ressens un manque, une colère, une infinie tristesse s'emparant de moi, sans que je ne sache pour quelle raison ces émotions envahissent mon corps. Je me remets droite, assise, et je me lève, sur mes jambes tremblantes, ne tenant pas en place. Je ne veux pas rester ici à ne rien faire, en attendant que le temps passe, en attendant que l'on daigne me rendre mon identité.

- Vous êtes têtue. S'il vous plaît, nous faisons cela pour votre bien.

- Je vais très bien, merci ! Alors maintenant, dites-moi ce que je veux savoir !

- Bien, mais asseyez-vous s'il vous plaît.

Je me suis assise sur le matelas derrière moi, et il s'approche de la porte d'entrée de la chambre.

- Vous pouvez entrer.

Je vois alors arriver deux adultes, un homme et une femme, bien habillés, bien coiffés. Ils sont élégants, et la femme du couple m'offre un sourire aussi radieux que mystérieux.

- Anna...! Ma fille chérie !

Je fronce les sourcils. Je suis perdue. Anna... ? Ce nom ne me dit rien, vraiment rien. Mais cette façon, dont elle tente de me regarder... Il doit s'agir de mes parents. Je ne veux pas les rendre mal à l'aise.