Chapitre 4: Légère confusion

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- La porte est barrée, m'obstiné-je.

- J'ai la clef.

Quoi? Il a la clef d'un vieux vestiaire qui date sûrement de l'âge des dinosaures? Mais, que fait Alex de ses journées, mis à part faire des trucs flippants dehors à la pluie et collectionner les clefs de vieux vestiaires?

- Je l'ai... (Il enfonce la clef dans la vieille serrure et la porte s'ouvre en grinçant. Il me fait signe d'entrer.) Les dames d'abord.

- T'es vraiment idiot, soupiré-je avant de passer devant lui.

Alex m'emboîte le pas et ferme la porte derrière lui. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, il ne fait pas très noir, dans cette pièce. Je m'assois sur un des vieux banc en bois du vestiaire. Il est de couleur vert forêt usé, et ses murs sont longés par des casiers en bois: certains sont défoncés, d'autres ont perdu leur porte - et je n'ai pas envie de savoir comment. Au fond de la pièce, il y a des cabines de toilettes et de douches, devancés de quelques lavabos surmontés de vieux miroirs sales.

Je regarde Alex et attends qu'il prenne la parole. Mais le garçon est simplement là, à tâtonner le mur avec sa main. Je pouffe de rire.

- Que fais-tu, Alex? Je ne sais pas ce que tu fiches là, mais viens t'asseoir.

- Je cherche l'interrupteur, maugrée-t-il. Il fait un noir fou, ici...

- Que veux-tu dire? m'inquiété-je. On y voit parfaitement bien.

- Jenn, je te dis que c'est l'obscurité totale, ici.

Je regarde Alex, qui fixe le vide. Il ne voit pas où je suis. Je fronce les sourcils et dis-je, très lentement:

- Alex... je vois parfaitement. Je ne comprends pas.

Mes paroles sont suivies d'un long silence. Je vois clairement à la figure d'Alex que quelque chose cloche chez moi. Puis, il murmure:

- Ta morsure, Jenn... montre-moi ta morsure.

Je me lève et allume l'interrupteur. Je reste un bon moment aveuglée par l'éclairage, puis j'ouvre les yeux et découvre Alex et qui me contemple avec anxiété. Je fais glisser les mèches de cheveux qui camouflaient ma plaie et je lui montre mon cou.

- Seigneur... s'étrangle Alex. Elle a pratiquement disparu.

- Pardon? m'exclamé-je.

- Je te le jure.

Je cours à un des vieux miroirs du vestiaire et me regarde dedans. Plus de blessure. Non. Mais à la place, une Jenn blême aux cheveux foncés. Je reste un moment accotée devant mon reflet. J'ai besoin de reprendre mes esprits. Alex me rejoint. Il dit quelque chose qui me surprend au plus haut point:

- Jenn... retire tes verres de contact.

Il sait. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais il sait. Tremblante, je m'effectue. Je retire du mieux que je le peux ce qui cachait mes véritables yeux. Je reste dos à lui, incapable de lui faire face et lui montrer ce que je suis devenue. Que suis-je devenue, d'ailleurs? Et pourquoi? Je formule cette dernière pensée à voix basse malgré moi:

- Pourquoi...? Pourquoi moi?

- Jenn, tu es née comme ça. Tu ne savais simplement pas.

Je n'y tiens plus. Je fonds en larmes. Ça peut sembler ridicule, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je recule et m'effondre sur un banc, la tête dans mes mains. Ma vision est brouillée par mes larmes, ma voix est prise d'un hoquet lorsque j'essaie de formuler des excuses ou des explications à ma réaction. Pourtant, Alex ne se moque pas de moi, ou ne raille pas sur mes pleurs: au contraire. Il vient s'asseoir à mes côtés sur le banc et passe son bras ferme dans mon petit dos. J'accote ma tête sur son épaule et déverse mes larmes pendant plusieurs minutes. À ce moment précis, j'ai l'impression de connaître le gars à côté de moi depuis toujours. Pourtant, on ne s'est rencontré qu'hier. Je me sens plus près d'Alex présentement que je ne suis jamais sentie avec Kat, ou toute autre personne de l'école.

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