Chapitre 19 - La raison ou le cœur

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Nos retrouvailles sont un peu gauches, ne sachant pas vraiment comment nous comporter : nous avons l'air de deux parfaits empotés. Nous serions deux inconnus se rencontrant pour la première fois, nous ne nous sentirions pas plus gênés. C'en est grotesque, je ne sais même pas comment le saluer tout d'un coup : je fais quoi, je lui serre la main ou je lui fais la bise ? La situation est tellement comique que nous éclatons de rire, conscients de la pression inutile que nous nous infligeons. Éric est le premier à prendre la parole après notre fou rire :

- Que dirais-tu de commencer par prendre un verre, je pense que ça, on devrait pouvoir le gérer sans complication ?

- Très bonne idée ! Je réponds amusé.

L'atmosphère enfin détendue, nous entrons dans le bar. L'intérieur n'est pas très grand mais possède une belle et grande mezzanine en plus du rez-de-chaussée. Murs en pierre, cadres en bois et photos de vieilles scènes de concert donnent une déco chaleureuse. Pour gagner de la place, il n'y a que de petites tables hautes sur pied avec des tabourets. Nous choisissons de nous installer sur la mezzanine afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble.

Plusieurs groupes amateurs défilent sur la petite scène offrant divers styles musicaux : pop-rock, funk, blues, soul. Les groupes sont plutôt bons et je me laisse gagner par l'ambiance joviale du bar.

Nous partageons gaiement nos impressions sur les musiques et les groupes et ces échanges légers sont la bouffée d'air frais dont j'avais besoin.

Éric est d'une attention touchante avec moi : me prenant par l'épaule lorsque je risque d'être bousculé par une personne jouant des coudes pour se frayer un passage ou encore prenant l'initiative d'aller nous chercher de nouvelles boissons au bar. J'admets que ce début de soirée est vraiment agréable et que la compagnie d'Éric est très plaisante.

Nous profitons d'une pause des musiciens pour sortir prendre un peu l'air. Encore une fois, Éric se montre prévenant passant devant moi pour fendre la foule, qu'il y a à présent dans le bar, et me faciliter ainsi le passage. Ce n'est que dehors que je me rends compte qu'il m'a pris la main pour descendre de la mezzanine. Il a dû le faire instinctivement car il est tout aussi surpris que moi quand il réalise qu'il tient fermement ma main dans la sienne. Je le taquine alors gentiment :

- Je crois que ça va aller maintenant, je devrais pouvoir m'en sortir mais tu crois que je dois mettre un papier autour du cou avec ton numéro au cas où je me perds ?

- Vas-y moques-toi ! On essaie d'être galant et voilà comment on est récompensé. Nous, les gentlemen, vivons nos derniers jours c'est bien triste. Répond-il l'air désabusé et théâtral.

Nous partons à rire une fois de plus.

*

Nous discutons joyeusement quand j'entends une voix m'appeler :

- Gaby ! Gaby ! Mais oui c'est toi, qu'est-ce que tu fais ici ?

Je me retourne, reconnaissant de suite cette voix :

- Salut Chris, comme tu vois je prends un bain, patate !

- Mon dieu que tu es drôle ! Oh Éric, salut, je ne t'avais pas vu ! Vous êtes ensemble ?

- on est sortis au même endroit, oui. Tiens-je à préciser sans laisser le temps à Éric de commenter. Et toi alors, tu es de sortie aussi ? T'es tout seul ?

- Heuu en fait non...

C'est alors qu'Alban nous rejoint deux bières à la main.

- Gaby ? Bonjour ! C'est marrant de se retrouver comme ça !

- Vous êtes ensemble ? Dis-je étonné

- on est sortis au même endroit aussi ! Me répond Chris avec un clin d'œil.

Je roule des yeux puis lui lance un regard interrogateur. Il se contente de hausser les épaules et de me tirer la langue. Plus tard, va falloir qu'on discute un peu tous les deux ...

Après avoir fait les présentations entre Éric et Alban, nous poursuivons la soirée en leur compagnie sur la terrasse, au son des concerts qui ont repris dans le bar. Nous passons un bon moment ne parlant que de choses frivoles.

*

Nous nous quittons tard dans la nuit après une soirée amusante et bien plus divertissante que je ne pensais. Chris repart avec Alban tandis qu'Éric me raccompagne en voiture.

Arrivés en bas de chez moi, je remercie Éric pour cette soirée. Nous nous sentons à nouveau un peu empruntés, dans l'habitacle de sa voiture, ne sachant pas trop comment nous saluer. Éric me prend au dépourvu lorsqu'il se penche vers moi et dépose un tendre baiser sur ma joue :

- Désolé mais j'avoue que j'ai envie de faire ça depuis un moment.

Il plonge son regard dans le mien puis poursuit :

- Tu es d'accord pour qu'on se revoie ? En tout cas, je le souhaite vraiment tu sais.

N'importe qui à ma place, fondrait devant son charme et serait désarmé face à son regard si doux. Je n'y suis pas du tout insensible et ma raison me crie de me laisser séduire par un homme si gentil mais mon cœur bataille férocement : chaque battement me souffle le nom de Thomas. Il est pourtant tellement adorable à cet instant. Je finis par trouver le courage de lui confesser :

- Je n'ai pas été tout à fait honnête avec toi et pardon d'avance pour cela. J'ai dit que ne sortais avec personne, ce qui est vrai d'ailleurs, mais je suis amoureux de quelqu'un pour dire la vérité. J'ai accepté ton invitation car c'est un amour à sens unique et qui n'a aucune chance de devenir réciproque. J'avoue que maintenant j'ai un peu honte car j'ai l'impression de t'avoir utilisé comme échappatoire et tu ne mérites absolument pas ça. Je suis vraiment désolé pour cela.

- Gaby, je le savais déjà, enfin je m'en doutais assez fortement mais ce n'est pas grave. Je suis prêt à attendre si tu le veux bien. Continues de regarder cet homme peu importe, j'attendrai que ton regard se détourne de lui et se porte enfin sur moi. Tout ce que je te demande, c'est de ne pas me rejeter d'emblée. S'il te plait Gaby, laisse-moi cette chance...

Je suis bouleversé par ses mots et je ne peux être que touché par son air suppliant. Je lui souris et répond dans un souffle :

- D'accord...

***

Le week-end me semble incroyablement long. Rien ne parvient à retenir mon attention, ni un livre, ni la télé pas même mes dossiers.

Je repense à ma conversation de l'autre jour avec Léna. Nous étions restés des mois sans prendre de nouvelles l'un de l'autre, j'ai donc été très surpris de l'appel de mon ex. Elle profitait d'un rendez-vous dans le quartier pour me proposer de déjeuner ensemble.

Nous nous étions séparés en bon terme et c'est donc avec plaisir que j'ai accepté son offre.

En revanche, ce à quoi je ne m'attendais pas, c'est la tournure qu'a pris notre conversation et depuis je ne cesse d'y penser. Ses paroles revenant comme un boomerang dès que je tente de les chasser. Ce qu'elle m'a révélé m'a paru absurde sur le moment mais maintenant, plus j'y songe plus je dois admettre l'évidence...    

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