Dernier mois de paix

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Témoignage de monsieur Händler :

Après des semaines de marche dans la plaine, nous avons vu apparaître les contours saillants d'une grande ville dépasser d'un mamelon. En nous approchant, pas de doute. Une ville si imposante ne pouvait être que Verlier, la plus grande ville industrielle. Ses usines l'avaient propulsée bien au-delà des autres cantons.

Nous sommes arrivés du côté du fleuve qui bordait l'est de la ville, en traversant par le grand pont de pierre. Au bout, deux immenses portes en bois massif sont ouvertes. À ses côtés flottent au vent des drapeaux, l'emblème de Verlier. Il est entièrement fait d'un noir très profond, et sur la partie inférieure vient s'ajouter une bande de couleur or, avec un haut en dents de scie.

En entrant, l'endroit est gigantesque. J'ai de la chance de pouvoir venir visiter cet endroit pour mon travail. Des hauts bâtiment s'élèvent au loin, en vieilles pierres. On voit la cathédrale au sommet du mamelon, point culminant de la ville. C'est vertigineux. Devant nous se trouvait une grande place où les pêcheurs déchargent le poisson. On sent les odeurs maritimes si fraîchement qu'on se croirait à côté de la mer, pourtant tellement lointaine. Des gens crient dans tous les sens, qu'on achète leurs fruits de mer. Les quais sont joyeux, festifs, vivants. Mais nous n'avons pas pu nous arrêter, nous étions attendus à la mairie. Nous nous sommes alors enfoncés dans le centre-ville.

Je suis monsieur Händler, représentant de commerce de Ferracier. Il s'agit d'une ville minière assez loin d'ici. Mais malgré la distance, la qualité de la production de Verlier nous pousse à commercer avec ses habitants. Et il faut dire que bien qu'ils disposent de ressources presque illimitées, ils sont complètement dépendants de nous au niveau des métaux et du charbon. Le convoi que je dirige apporte mille tonnes de fer, et la même quantité de charbon pour faire tourner les usines.

Ce n'est pas bien facile de manœuvrer des charrettes aussi longues que les nôtres dans ces petites rues. Quand nous venons, nous avons à passer par un quartier que j'aime beaucoup, celui des artisans. C'est assez amusant de les regarder travailler, cloîtrés dans leur étroit atelier, sur leurs toutes petites machines. Celles-ci sont toutes faites d'un simple arbre, qui tourne à grande vitesse autour de son axe. Le reste du travail est effectué à la main. Il y a quelque chose d'authentique quand on les regarde. Et en effet les artisans sortent souvent travailler dehors, car ils servent d'attraction aux touristes. Leurs jolies créations sont exposées sur des étagères. Petits personnages, ustensiles de cuisine, voire meubles parfois.

Nous sommes arrivés sur une place plutôt animée, et nous nous y sommes arrêtés. De là, on surplombe le grand quartier industriel qui compose presque toute la partie ouest et nord-ouest de la ville. Impossible de le confondre. De grandes volutes de fumée s'échappent d'énormes cheminées d'usine. De là sortent en masse planches, palettes, poutres, tables, armoires, commodes, qui vont être distribués partout en ville et dans le monde ! D'ailleurs nous repartiront avec nos charrettes remplies de ces productions. Cette grande machinerie est un prodige de technologie ! On y produit cinq fois plus que ce qu'il faut à l'humanité pour vivre !

En reprenant la route, je me suis senti fier d'appartenir à la ville, qui fait que tous ces moteurs puissent tourner. Nous sommes rapidement arrivés à destination. Là-bas, le maire nous attendait déjà. Nous avons été accueillis comme des rois. Il faut dire qu'à cause de la distance, nos échanges sont rares. On m'a déroulé le tapis rouge, en me priant d'entrer me reposer dans la mairie ; tandis que mes hommes seraient dirigés vers les entrepôts. Le bâtiment est imposant. Toujours de ces mêmes vieilles pierres qui lui donnent un aspect rustique. Mais tout taillé de diverses formes gracieuses, ainsi que de hautes colonnes qui s'élèvent jusqu'au troisième étage. Sur la façade, toujours les drapeaux, noir et or en dents de scie.

À l'intérieur, la décoration est originale. Du sol au plafond, sur une hauteur équivalente à deux étages, tout est recouvert de planches de bois calcinées. Un épais tapis de laine noir, amène à un bureau au fond de la salle. Un tapis brodé d'or sur les côtés. Des brodé en dents de scie. Verlier est en effet très fier de son emblème. Le flan droit de la salle est entièrement recouvert d'une grande bibliothèque. De sublimes étagères polies, taillées et vernies, accueillent des milliers d'ouvrages à la couverture en cuir rouge ou noir. Probablement des registres de la ville, et d'autres choses du genre.

Le maire m'a invité dans son bureau personnel, derrière une porte dans le coin. Celui-ci est plus petit, mais tout aussi confortable. Il m'a installé dans un canapé, et nous avons parlé affaires. Le discours habituel en somme. Puis on m'a donné une chambre dans un hôtel, pour y loger jusqu'à mon départ.

De là où je suis, je peux voir les usines qui travaillent toujours. Jamais elles ne s'arrêtent. Ah ! Verlier ! Une ville unique. Aucune autre ne rivalise face à sa puissance. C'est vraiment une ville incroyable ! Hélas, dans une semaine je devrai rentrer à Ferracier. Non pas que je sois fâché de retrouver ma ville natale, au contraire même ! Mais je ne peux m'empêcher de me sentir quelque peu mélancolique de partir d'ici.

Au plaisir de te revoir de nombreuses fois Verlier, ville de la grandeur !

La Waldkriegحيث تعيش القصص. اكتشف الآن