Le Challenge

Chapitre 1 - Le challenge

Un mug de café à la main, je saisis mon portable et annonce que je suis aussi de la partie ce soir. Une bonne nuit de sommeil supplémentaire aurait été bien plus raisonnable mais rien que de penser les voir me fait oublier tout bon jugement. Nous avons tous entre 27 et 29 ans et si individuellement nous sommes sérieux en société, une fois réunis, nous nous comportons comme de vrais gosses.

Nous avons convenu de nous retrouver dans le centre-ville pour 18 h au « Chamboultout », un bar qui est notre QG. Toutes nos soirées commencent là-bas, après en général ça devient souvent n'importe quoi. Ce soir ne dérogera pas à la règle, j'aurai assez vite fait de m'en rendre compte.

Je passe l'après-midi à faire des courses, un peu de ménage et autres bricoles puis je prends le temps d'un bon bain avant de me préparer pour sortir.

Je ne sais pas si cela vient du fait de mon prénom qui peut prêter à confusion sur mon genre, Gabriel, mais j'ai une allure un peu androgyne que j'aime parfois cultiver aussi. Je mesure 1,73m, je suis assez fin sans être squelettique pour autant, j'ai de grands yeux noisette, et les cheveux mi- longs châtains. Dans la rue, on m'a parfois interpellé d'un « hey mam'zelle » avant que le dragueur à deux balles, généralement alcoolisé,  ne se rende compte de son erreur. Je n'ai pas de style vestimentaire à proprement parler, je m'habille en fonction de mon humeur ou de mon envie tout dépend du moment. Mais j'avoue, j'ai une petite obsession pour les fringues et j'aime prendre soin de moi en général.

Ce soir, j'opte pour une tenue un peu plus rock'n roll : un jean noir près du corps avec une chaînette argenté en guise de ceinture, un t-shirt col V gris foncé, et un gilet sans manches noir également. Je complète mon ensemble avec un pendentif, une bague et mes larges bracelets aux poignets qui ne me quittent jamais. J'enfile mes Doc et me voilà en route.

*

Nos retrouvailles sont aussi bruyantes que d'habitude. Nous nous racontons les news des deux derniers mois et deux mois sans se voir, on a de quoi parler à nous six. Très vite le premier toast arrive, oui on a tendance à trinquer pout tout et n'importe quoi. Si on démarre sagement par de la bière, au bout de deux ou trois heures on passe souvent à la téquila ou à la vodka. Pierre, le proprio du bar, nous connaît bien et nous chouchoute souvent en nous déposant sur la table un plateau avec ce qu'il a sous la main à grignoter : du fromage, de la terrine, des gâteaux salés, peu importe, il a bien compris que cela nous permettait de rester plus longtemps !

Je sens que je vais devoir lever un peu le pied si je veux continuer la soirée. Je sors fumer histoire de prendre un peu l'air et me dégriser. Chris me rejoint presque aussitôt pour se plaisir que nous nous accordons qu'en sortie. Nous discutons sur la terrasse profitant de l'ambiance de la rue quand les autres sortent également.

Jérem, comme à son habitude, est motivé pour trouver une nouvelle connerie à faire. Ses yeux pétillent dans ce cas mais pour le moment je vois bien qu'il ne s'est pas encore décidé sur quoi. Il est le meneur naturel de la bande et c'est souvent lui qui donne le ton de la soirée. Tous semblent d'accord pour se rendre dans une boite près d'ici qui s'appelle Le Bronx. Les murs sont recouverts de graffs et vous donnent l'impression de danser dans une ruelle. La musique y est bonne et surtout elle n'est pas fréquentée par les jeunes boutonneux.

Nous repérons une table et commandons une bouteille de vodka. A peine installés, Max nous abandonne et part en quête de sa future proie, la pauvre, encore une qui déchantera le lendemain. Nous trinquons, parlons de tout et de rien, dansons et nous marrons d'un rien.

Soudain, je vois les yeux de Jérem étinceler, il balayait la salle du regard jusqu'ici et semble avoir enfin trouvé ce qu'il cherchait :

- OK, les gars, on va jouer.