Chapitre 1

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Némée

Une dizaine de soldats romains entouraient les deux gladiateurs qui s'étaient rapprochés pour leur faire face comme un seul homme. Calliandra sentit son dos cogner contre celui de Tibalte et elle s'immobilisa, le souffle court. Elle avait jeté ses épées en signe de refus et commençait sérieusement à le regretter. La foule demeurait silencieuse et semblait attendre les ordres de l'empereur qui s'était redressé, contrarié, le visage dur. L'homme, grand et mince, leva son bras et tendit la main en direction de Tibalte et Calliandra, esquissa un sourire méprisant et déclara d'une voix forte :

- Soldats de Rome, votre empereur vous ordonne de vous replier. La force romaine ne s'abaissera pas à combattre de vulgaires esclaves désobéissants. Donnons-les en pâture aux fauves ! Faites entrer Némée et les lionnes dans l'arène et vous, citoyens de Rome, observez comment meurent ceux qui refusent de plier sous ma volonté.

La foule acclama les paroles de Domitien et montra son impatience dans un torrent de cris. Les soldats obéirent et s'éloignèrent en formant un rang ordonné. Le bruit de leurs pas en cadence résonna même après leur disparition dans les galeries souterraines du Colisée. Calliandra parvint à trouver le regard de Rufus qui semblait partager entre la colère et l'envie d'arrêter l'empereur dans sa décision. Le sénateur voulait voir Tibalte mourir et non le précieux rubis qu'il n'avait de cesse de convoiter. Par sa faute, il allait assister à un spectacle terrifiant. Les combats entre les fauves et les prisonniers condamnés étaient d'une violence innommable. Il s'agissait d'une mise à mort pure et simple. Les souffrances étaient extrêmes, les hurlements intenses et des rivières de sang nourrissaient le sable. Les chances de survie étaient inexistantes et la vie s'échappait lentement sous les crocs acérés des lions affamés qui se délectaient de cette opportunité pour rassasier leurs entrailles de chair fraîche.

- Nous devons nous battre, dit Tibalte, à l'affût, redoutant l'entrée des animaux par les trappes mises en place sur le sol de l'arène.

- Je ne me battrai pas contre toi ! rétorqua Calliandra en roulant sur le sable pour récupérer ses épées.

Lorsqu'elle se redressa, elle pointa ses deux lames en direction de Rufus et le défia du regard avant de s'adresser à la foule :

- Je suis la fille de Pluton, cria-t-elle. Les fauves ne me font pas peur, l'arène ne me fait pas peur, Rome, elle-même, ne fera pas trembler mes glaives. Qu'ils entrent !

La foule poussa un hurlement à déchirer les cieux. Les hommes tapaient des pieds contre les gradins, les femmes criaient et l'arène parut trembler sous l'impulsion des corps frénétiques et impatients.

- Que fais-tu ? l'interrompit le celte en saisissant son bras. Tu veux que l'empereur nous fasse enchaîner à provoquer ainsi ?

- Spiculus m'a toujours dit de gagner le cœur de la foule. Ils veulent assister à un spectacle, ils veulent voir des héros. J'assouvis leurs désirs. Si nous tuons tous les lions, la foule se rangera de notre côté.

- Domitien fera venir ses soldats. Nous sommes condamnés, tu n'as pas encore compris ? Si tu veux vivre, il faut que tu me combattes.

- Alors je vais mourir. Mais en combattant auprès de toi et non contre toi.

Des grains de sable se mirent à tourbillonner légèrement, le ciel s'obscurcit et un nuage noir et menaçant assombrit le Colisée. Les cieux grondèrent si fort que des murmures inquiets s'élevèrent des gradins et de la tribune impériale. Domitien haussa les épaules lorsque Rufus se pencha à son oreille et il planta son regard dans celui de la gladiatrice. Il la dévisagea de longues secondes sans ciller. Il avait beaucoup entendu parler de Calliandra. Il connaissait les rumeurs qui couraient sur elle et il s'était montré très satisfait en apprenant qu'elle combattrait aux jeux en son honneur. Lorsqu'elle était entrée dans l'arène, sa chevelure flamboyante l'avait saisi, la légende était vraie. Calliandra avait alors tourné son visage vers la tribune et le vert étincelant de ses yeux avait convaincu l'empereur, elle n'était pas vraiment humaine, il irradiait d'elle quelque chose d'indéfinissable entre la force et la fragilité, la violence et le calme, la souffrance et la paix. La voir ainsi défier son autorité et faire réagir les Dieux eux-mêmes lui semblait impossible et pourtant, elle venait de le faire.

Calliandra, la gladiatrice: le messager de Vulcain Tome 2Where stories live. Discover now