Chapitre 1 : Si j'étais un instant... je serais le passé

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Albà

Trois semaines plus tard.

Les derniers clients partent enfin, ce qui signe pour moi l'autorisation de plier bagage. Je travaille au White Liberty depuis 3 ans. C'est un speakeasy sur le thème des années 30 où se mêle cabaret, cigarette et bourbon. La clientèle est plutôt chic et trié sur le volet. C'est le principe même d'un bar secret. Il faut avoir été invité et connaitre le mot de passe.

Notre couverture, une librairie ouverte de nuit. Tout au fond, entre le H et le G se trouve un petit bouton et un interphone. Si vous avez le mot de passe, vous avez le sésame pour entrer ici.

Ce bar clandestin est un des plus réputé de Paris et a ouvert ses portes en 1960. Il se transmet de père en fils, depuis trois générations. J'ai rencontré Adrien alors que je travaillais dans un endroit peu fréquentable de la capitale. Un bar à strip-tease qui n'exploitait que ma plastique. C'est ce que j'ai trouvé de mieux lorsque je arrivée ici. Il faut dire que ma vie n'a pas vraiment laissé de place pour obtenir des qualifications. Sans que je ne sache pourquoi il a décelé en moi un potentiel, au-delà de moi voix. Quand il m'a proposé de travailler pour lui en tant que serveuse et chanteuse je ne savais pas trop dans quoi je m'embarquais. Je n'avais jamais entendu parler du White Liberty. L'endroit où je bossais n'avait strictement rien à voir avec ces lieux chics. Pourtant je n'ai pas hésité une seconde à tout plaquer.

Depuis je ne suis devenue barmaid tout en gardant ma place dans le show. Je suis une des rares chanteuses de cabaret du club, avec Victoria et Katerina. Au début elles m'ont vu comme une menace, mais elles ont vite compris que nous avions toutes les trois notre place.

— Albà, on file, m'indique Victoria au moment où je range la dernière bouteille.

— Bien à demain les filles.

Elles vivent toutes les deux en coloc. Elles m'ont proposés de me joindre à elle mais je tiens trop à mon indépendance. Les soirées entre filles ce n'est pas trop mon truc. Je fais l'effort de temps en temps parce que je les aime bien. Mais je préfère vivre seule.

Je suis épuisée. J'ai la flemme de repasser par les loges pour me changer. Je suis venue en voiture pour une fois, je peux donc rentrer en tenue. De toute façon à l'heure où je rentre je ne risque pas de croiser grand monde. Je suis la dernière à partir, alors je sors par la porte de derrière avant de la verrouiller. Mon sac de fringues sur l'épaule, j'emprunte la petite rue qui mène à ma voiture garer plus loin. Mes talons claquent sur le bitume et quelques gouttes commencent à poindre.

— Bianca ? m'interpelle une voix masculine.

Cette voix.

Je le reconnaîtrais entre toute. Parmi des centaines. Il m'est impossible d'oublier la voix de celui qui a été ma prison durant des années. Là-bas, en Espagne. Celui que je pensais aimer.

Mon cœur se serre dans ma poitrine. Je suis au bord de l'asphyxie. Pourtant que je n'ai pas cessé de marcher, au contraire, j'ai même accélérer le pas. Je refuse de le voir, ni même de lui parler.

— Bianca, c'est toi ? demande-t-il tout bas.

C'est un mirage. Un simple mirage. La fatigue me fait halluciner voilà tout.

J'atteins ma voiture, me précipite dedans et verrouille les portes. Je me retourne dans tous les sens, aucun homme à l'horizon. Je n'ai pas été suivi. Je crois que le manque de repos me joue des tours. Pourtant je suis presque certaine que cette voix était réelle. Les souvenirs mes reviennent tous, comme un raz de marée et les larmes commencent à dévaler mes joues.

Je me suis jurée de plus le laisser m'atteindre, mais il est mon unique faiblesse. Je l'ai aimé si fort, j'étais prête à donner ma vie pour lui, pour sauver la sienne. Avant de me rendre compte qu'il ne me rendrait jamais la pareille, à moins que je ne disparaisse.

SANS DESSOUS NI DESSOUSWhere stories live. Discover now