Comment dire ? - Poème libre de Leoicileo

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Nous marchons tous deux sur le trottoir humide. Il a du pleuvoir récemment. Nous venons de sortir. Elle marche avec entrain et délicatesse. Je ne peux m'empêcher de la regarder. Le Chemin Vert est à côté de nous. Nous marchons l'un à côté de l'autre parlant de tout et de rien. Ces petites choses qui nous rapprochent toujours un peu plus chaque jour. Ces petites choses qui montrent qu'on a toujours à apprendre de l'autre. Ces petites choses personnelles qui sortent de nos bouches avec une facilité déconcertante. Elle sourit, je rigole, elle me parle et je la regarde. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'elle mène la discussion. Je réponds et elle m'écoute avec respect. Enfin, j'en ai l'impression. Elle semble aussi m'écouter avec envie. Enfin, c'est ce que j'espère. Nous continuons notre marche décontractée. Heureux de pouvoir lui parler, je l'écoute avec passion. Chaque mot qui sort de sa bouche me semble si délicat, si bien trouvé, si élégant. Je me sens si petit et elle, je la sens si grande. Quelle ironie alors d'être plus grand qu'elle. Je la domine par ma taille, c'est certain. Pourtant, elle me surpasse, elle m'envahit et me rend fou. Pas une mauvaise folie qui mène à de pauvres actes sacrificiels. Non, point du tout. C'est plutôt une attirance toute particulière qui me relie à elle sans que je puisse faire grande chose pour l'empêcher.

Elle me parle de ses projets, de ses passions, de sa vie. Si méconnaissable elle me semble alors. Et pourtant, nous nous connaissons plutôt bien. J'ai toujours désiré parler avec elle, même simplement la voir. Le seul fait d'être à ses côtés me comblait.

Elle marche. Et j'adore cette marche, sa marche. Ses cheveux ondulent dans le vent, sa peau fine et douce brille avec la lumière du jour. Ses vêtements sont si bien portés.

Nous parlons tout au long du chemin et là, une idée terrible me traverse soudainement l'esprit : lorsque je serais arrivé à la bouche de métro elle me quittera et je ne pourrais plus la voir. Il faut que je profite de ce temps. Chaque minute, que dis-je, chaque seconde compte. Elle parle et je lui réponds et la conversation me semble si longue et j'en suis entièrement comblé. Elle me regarde dans les yeux. J'ai toujours cru en la puissance d'un regard et du regard. Et ce regard posé sur moi, son regard ; il me semble si insistant, si profond, si calme, si tendre. J'aime ce regard. J'espère qu'elle pense la même chose vis-à-vis de celui que je lui lance. On m'a toujours confié que j'avais de très beaux yeux. Je ne m'en suis jamais vraiment vanté parce que je ne l'ai jamais véritablement cru avant d'être un jour réellement complimenté. Et depuis, je crois fortement en la puissance et en ce que peut dégager un seul regard, un simple regard. Un regard qui veut tout dire.

Oui, voilà c'est cela. Tout dire. Mais comment dire ? Par le regard et les gestes ? C'est difficilement compréhensible. Non, je dois lui dire par la parole. Car oui, la communication est une des qualités de l'homme en plus du regard. La communication nous est permise par notre bouche, nos lèvres et nos cordes vocales. Et la communication nous permet de parler avec d'autre et d'exprimer des choses. Exprimer des sentiments. Exprimer ce que l'on a au plus profond de son cœur. Exprimer ce genre de choses innocentes, qui pour certain est dépourvue de virilité mais qui pour d'autres, dont je fais partie, offre de la sensibilité et de l'amour. Mais je n'y arrive pas. Je peux lui parler de la pluie, du beau temps mais de ça ! Impossible. Je n'y arrive pas. Mes lèvres se ferment et ma bouche refuse de s'ouvrir lorsque je pense à cette idée. Mais cette chose m'obsède. Cette chose devient bien plus important : c'est mon ressenti, mon sentiment, mon secret que je suis allé cherché au fond de mon petit cœur qui bondit de joie lorsque je lui parle. Depuis le début de la discussion, cette pensée m'obsède et mon cœur vibre, s'exalte, cherche à s'extirper de mon corps et comme le ferait un oiseau en cage s'envoler. Mais ici l'envol commence par un engagement. Un engagement à lui faire part de mes sentiments. Mais je ne peux pas.

Alors, dans ce cas, comment lui dire ? La communication, c'est la parole, certes. Mais c'est aussi la chanson et puis aussi l'écriture, non ? Tiens oui, l'écriture. Et si tu en profitais pour utiliser l'écriture. Et alors, dans ma tête, je réfléchis à toute allure. Nous avançons toujours et un silence s'ensuit. Il me paraît si sage ce silence. Car oui, la communication, c'est aussi possible par le silence et le rapprochement de deux êtres. Par le regard et les gestes, on peut faire passer des choses à l'autre. Et alors je me mets à siffler. Soit pour paraître détendu alors que c'est tout le contraire. Soit pour casser ce silence alors qu'il faudrait en profiter. Je ne peux plus la regarder et j'essaye de trouver quelque chose d'intéressant à lui raconter mais plus rien ne vient. Plus rien. Parfois, j'aimerais que ce soit mon cœur qui s'exprime à la place de mon esprit. Et la c'était le moment. Nous arrivons à la fin du parcours. Je vois de loin la bouche de métro. Nous sommes près de Nation. Je reconnais les alentours. Et je tourne sur moi même.

« Quel idiot ! On dirait une caricature à faire le crétin comme cela, ressaisi-toi bon sang ! »

Elle me dévisage. Elle me regarde. Je la dévisage. Je la regarde. Nous ne disons plus rien. Là, seul le silence nous rassemble. Nous ne disons plus rien. Ses yeux. Rien que ses yeux s'emparent de nouveaux de moi. Je sais que c'est la fin du voyage et que nous allons devoir nous séparer ici. Mais je ne veux pas. Je ne veux en aucun cas mettre un terme à cela. En aucun cas. Je reste planté là. Triste bougre ! Un pigeon est à côté de nous. Il s'entête à se poser sur des fils de fer. Stupide ou déterminé ? Enfin, je tente de reprendre mais les mots sortent de ma bouche sans que je n'ai pu les retenir et je m'exclame : « Bon, enfin bref... » Et je viens de rompre le lien. Je viens de tout fiche en l'air. Et elle m'embrasse sur la joue et puis elle part. Elle m'avait regardé avant. Je l'ai vu. Elle désirait quelque chose. Où alors, était-ce simplement mon esprit qui me jouait des tours ? En tout cas, ce qui est sur, c'est que je sais comment lui dire. Je sais comment tout dire. Comment lui dire ce qui se cache dans mon cœur. Je vais lui écrire et tout sera parfait. J'entre dans le métro et tout au long du chemin de retour, je pense à elle. Je revois son visage, son corps et son regard à qui je vais bientôt écrire. Et je souris. Et tout au long du chemin du retour, je pense à ce que je vais écrire. Et mon cœur s'excite de nouveau et le désir d'écrire monte si fortement en moi que je parle déjà à voix haute, que je dis déjà ce que je veux écrire. Et j'écris, et j'écris, et j'écris...

Comment dire ?Where stories live. Discover now