chapitre3

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( Severus)

C'est l'image de la mort qui me ramène au présent, qui m'arrache à ce souvenir, d'autant plus que la porte viens de s'ouvrir, laissant apparaître mon hôte. Je met un certain temps à revenir de mes pensées et à me remémorer la réalité. Tout est si nouveau pour moi, être laissé seul dans ce monde. Normalement, lorsque je reviens de mes longues escapades dans mon univers fabuleux, je trouve toujours quelqu'un qui m'attend pour s'occuper de moi. Ici, c'est différent, je suis seul.

Mais étrangement ce personnage me rappelle un père, mon père, trop tôt disparu, trop tôt pris par ma seule amie. Je l'avait pourtant supplié, je lui avait pourtant tout abandonné. J'étais prêt à tout pour le sauver. Mais elle n'a rien voulu savoir, rien voulu entendre, ni mes supplications, ni mes promesses, ni mes appels désespérés. Peut de temps après la conversation que j'ai évoqué avant, elle a enlevé mon père, elle m'a privé de sa tendresse. Et depuis ce jours là je passe plus de temps dans mon monde magique que dans le monde des vivants. Ma mère erre seule, désespérée, pour elle la vie est un supplice et elle poursuit son chemin sans but. Mais moi je n'ai pas la force de la soutenir, et elle ne me comprend pas. Elle ne comprend pas mon absence de sentiment. Elle ne me pardonne pas que je sois resté le même alors qu'elle sombre lentement dans les abîmes, le cœur solitaire. Elle me considère comme un sans âme,un être dépourvu de sentiments. Mais elle ne peut pas comprendre mon secret. Elle n'est pas digne de ma confiance.

Le bibliothécaire s'approche de mon lit, s'assoit précautionneusement, comme la première fois, et commence à parler, de sa voix toujours si douce et envoûtante.

"Je pense que tu as eu le temps d'observer la situation. Tu dois savoir que tu es chez moi le bienvenu et que c'est un honneur pour moi de t'accueillir dans ma demeure. Mais tu n'y restera pas indéfiniment. Tu es ici dans une partie cachée de l'univers, une partie où seul les êtres magiques peuvent parvenir. Tu es l'un d'eux. Tu fais maintenant parti de notre communauté, tu devras donc te plier à ses lois et ses règles. Tout jeunes garçons doit être scolarisé dans l'école de magie, afin d'y apprendre les rudiments de son art. Il n'y a qu'une école. C'est un pensionnat. Je ne te verrais donc plus. Cependant, tu bénéficiera d'un traitement spécial car tu n'es pas né ici, tu ne connaît rien à ce monde. Je commencerait donc à t'expliquer certaines choses le temps que tu te remettes de tes émotions, puis je t'enverrais dans cette école..."

J'entends sa voix mais je ne comprend plus ses paroles. J'entends comme un appelle venu du fond de mon âme, un appel désespéré, suppliant mon cœur. Je ne peux résister. La tentation est trop forte, le désir trop puissant. Tout à coup mes yeux se fixent, mes pupilles s'agrandissent dans leurs orbites, ma tête se fige, mon corps se raidi. Ça y est, je suis parti. Mon esprit est en vogue, un retour dans mon univers. Je hume à plein nez la douce odeur de ma prairie en fleurs, si désirée. J'écoute avec délice le pépiement des oiseaux. Je touche avec joie l'herbe grasse et légèrement humide, rafraîchi par la rosée. Je savoure avec plaisir un fruit trouvée dans un arbre majestueux. Et je regarde avec extase le magnifique paysage s'ouvrant à mes yeux. Tout y est. Tout est là. C'est mon monde. Mais, étrangement, tout ces sensations déjà si enivrante semblé légèrement atténuées.  Perplexe, je regarde autours de moi et me rappelle soudain la raison de ma venue. Je me rappelle le cris désespéré sortant des tréfonds de mon corps.

Il n'y a qu'une solution, je la connais mais en même temps je la redoute. Je sais d'où proviennent ces cris mais je ne sais pas si j'ai envie d'y aller. Cet endroit, je n'en parle jamais, je ne l'évoque jamais, je n'ose même pas l'imaginer. C'est le seul endroit qui n'est pas magnifique dans mon monde. Et encore, cela dépend de ce que l'on entend par beauté. On peut en déceler une sorte dans cet endroit, une sorte de beauté sombre, maléfique. Une sorte de beauté que l'on retrouve dans la mort. Je n'ai jamais compris cette cachette, je n'ai jamais compris pourquoi elle se trouvait là, pourquoi elle venait troubler l'ordre de mon monde. Mais maintenant je sais, je sais pourquoi il est là, je sais que c'est lui qui m'appelle. C'est comme si ce lieu était vivant, habité par une sorte d'entité ténébreuse. Je sens aussi comme un lien qui nous relie, qui unie nos destins.

Presque inconsciemment, je me dirige lentement vers cette chose qui m'appelle, guidé pas sa voix. Je traverse ma verte prairie, et, pour la première fois, je suis morne et non plus en proie à cette joie profonde qui m'atteint en temps normal.Mes pas me conduisent, j'avance toujours, toujours. Je ne sais où je vais. Mais je sais que j'y vais. Je sens que j'approche. Au loin, à l'horizon se dessine la silhouette d'une noire forêt,  une forêt comme jamais encore je n'en avais vue. Grande, majestueuse mais sinistre. Elle m'inspire la répulsion et non l'attirance habituelle que j'éprouve devant ces joyaux de la nature. Mais, toujours guidé par la voix, je m'aventure malgré moi au milieu des arbres. Je suis comme avalé par l'immensité du lieu. A peine ai-je fait un pas que déjà je suis cerné par de grands chênes. Je ne vois plus l'endroit d'où je viens.

Je ne vois plus que des arbres, partout des arbres. Plus moyen de revenir en arrière. Il me faut avancer. Je vois comme des ombres passer à mes côtés, tourner autour de moi. Dès ombres qui me font penser à mon amie, ma seule amie. C'est peut être elle qui chasse les autres. Car ma meilleure amie, ma compagne de joie comme de chagrin, celle avec qui je partage tout n'est autre que la mort en personne. Une bien étrange amie mais une amie tout de même. Peu de gens la connaisse vraiment, et le peu que j'entends dire sur elle n'est pas des plus réjouissant. Mais il n'y a pas que du mauvais en elle. Elle a juste le mauvais travail, celui que tout le monde repousse. Mais si on regarde en elle au delà des apparences, on découvre sa véritable personnalité,  qu'elle cache aux yeux de tous les vivants. Elle enlève des vies mais ce n'est pas un plaisir pour elle, ce n'est pas sa motivation. Elle apporte aux personnes qu'elle visite un sentiment de liberté incontrôlable. Elle vient délivrer les personnes enchaînées à ce monde. Car la vie comme vous l'imaginez n'est qu'une étape. Et mon monde est un exemple de ce qui attend les personnes que mon amie vient prendre. C'est pour ça que je la connais bien, parce que nous nous comprenons. Et, contrairement aux autres, je sais qu'elle veut notre bonheur et non notre malheur.

Le Livre MauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant