Atralean II - L'enfant Des Marais Perdus

VI. La sorcière du Marais.

À Atralean, il n'existait qu'une personne qui était capable de manipuler la Séraphine et qui en possédait en quantité suffisante. Recluse dans les terres sombres, à la limite du marais central et du marais perdu, Neimeri, la Sorcière du Marécage, était la seule qui en avait le pouvoir. Peut-être à cause du fait qu'elle était une Première, tout comme Alaster. Ou peut-être cela venait-il de sa nature ?

Car elle était une sorcière, une vraie, contrairement à Ignea que l'on appelait ainsi seulement car l'on ne connaissait pas sa véritable nature. Neimeri tirait sa magie de la nature et plus particulièrement d'Atralean. Ses pouvoirs occultes lui conféraient tant de capacité qu'il lui était possible de réaliser des choses dîtes... Impossibles. Cependant, elle était si puissante qu'Alaster avait jugé bon de la reléguer à l'écart de tous, condamnée à vivre dans une petite chaumière effrayante. Elle n'était autorisée à sortir et à se balader que pour ramasser ce dont elle avait besoins pour ses sorts ou ses potions. Il n'était pas rare que certains habitants du marais viennent la voir pour profiter de sa magie et de ses dons. Le prix à payer était cependant souvent élevé et c'était Neimeri qui le fixait. On ne pouvait s'y soustraire sous peine d'un châtiment bien trop important. Et cela, pas même Alaster n'avait pu le défaire.

Neimeri n'était pas cruelle, elle était seulement comme tous ici et pourtant bien plus dangereuse : elle en savait plus que quiconque.

Elle avait un jour été mère d'une fille qui était devenue la sorcière aux corbeaux. Ravenna était puissante mais elle n'avait pas respecté son devoir, chose fatale dans le marais maudit. Alaster le lui avait fait payé. La sorcière n'avait pas pleuré sa fille mais la déchirure que cela avait causé l'avait empêchée de pratiquer la magie durant une lune. Une lune privée du contacte des forces noires d'Atralean. Cela pouvait sembler interminable pour une sorcière dont la seule source de divertissements étaient ses incantations.

Cela faisait plus de quatre siècles que la mystérieuse femme n'avait pas vu le seigneur d'Atralean. Puis il était mort. Quand à la jeune Dame, âgée de tout juste quelques siècles, c'est à peine si elle se souvenait d'autre chose que de ses yeux noirs, si noirs que Neimeri avait cru affronter le néant au travers lorsqu'elle l'avait rencontrée. Évidemment, elle n'avait pas prêté attention au reste. Ignea était celle qui pouvait la sauver. Et elle y était presque parvenue, inconsciemment.

Il était certain que l'humaine n'était pas encore au fait de tous les secrets du marais à cette époque. Car jamais Ignea ne libérerait Neimeri si elle savait. La Dame était intelligente et si différente d'autrefois, que la sorcière du marécage doutait de voir un jour son rêve le plus fou être réalisé : être libre. Cependant, elle préférait sa captivité ici plutôt que de se retrouver enfermée dans les entrailles d'Atralean avec ses autres frères et sœurs, ces monstres apocalyptiques. L'idée ne l'enchantait absolument pas.

Tout ceci expliqua donc la surprise de Neimeri quand elle vit Ignea franchir le pas de sa porte, suivie de deux chiens et d'un enfant.

Cela elle n'avait su le prédire, mais elle savait comment en tirer profits. Car la Dame semblait bien déterminée. Et peut-être même un peu effrayante. Cela n'inquiéta pas outre mesure la sorcière : elle avait vu des créatures bien pires durant sa si longue existence.

*

Alouan ne savait pas trop où Ignea l'avait traîné. Cette chaumière ronde au toit en ruine et entourée d'un jardin où poussaient toutes sorte d'herbes ne lui disait rien qui vaille. D'autant plus quand il reconnu certaines plantes. Mais le pire fut lorsqu'il pénétra dans ladite chaumière. L'intérieur était encombré par des plantes et des ustensiles en tout genre qui pendaient du plafond, les tables étaient recouvertes d'objets plus étranges les uns que les autres.