La course des dégonflés

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Aussitôt rentré chez moi,je nettoie mes éraflures et boit un verre de lait. En montant vers ma chambre, je remarque une ombre sur le mur : une silhouette en tablier de cuisine à 4 pattes sur le sol semblant ramasser quelque chose. Ca doit être ma mère qui a fait tomber son plateau. Ce que je vois en arrivant en haut c'est que c'est mon père qui se trouve en tenue de femme à 4 pattes. Je le sais qu'il est complètement soumis mais là ça peut pas être plus clair. Ce n'est pas à lui de porter le tablier. Peut-être qu'un jour les hommes feront les tâches ménagères. Si c'est le cas, mon père est bien avancé sur son temps.

Il me dit que maman est souffrante. C'est pour cela qu'il lui apporte à manger au lit, mais il s'est cassé la gueule. On éclate de rire. Il faut le voir à 4 pattes en tenue de femme avec sa voix de poule mouillée. Je veux lui dire qu'il faut qu'il se ressaisisse car ça m'agace de voir mon père comme ça, mais je n'en trouve pas la force.

Mon père est venu dans ma chambre pendant que je me reposais. Je l'ai alors questionné au sujet de la mission qui m'attend. Une question sur l'honneur, presque philosophique, à savoir : Doit-on faire quelque chose de dangereux si il en va de notre honneur ?

Il me dit qu'il faut y réfléchir, alors j'enlève la couverture qui masquait ma chemise tâchée de sang. Son visage se crispe. Je peut lire qu'il est désespéré et que ce nouveau déménagement ne change rien. C'est alors que je réitère ma question. Encore une fois, j'ai la même réponse. Cette fois il détaille, il explique pourquoi ne pas prendre de décision hâtive. Ca m'énerve et je lui en pose une autre : que faut-il faire pour devenir un homme ? Et là je lui ordonne de ne pas contourner la question. Il le fait encore.D'après lui je rigolerai de tout ça dans 10 ans. Il ne comprend vraiment rien. J'enfile un t-shirt blanc et quitte la chambre en emportant ma plus belle veste rouge. Ma mère entend le désordre puis s'affole en apprenant par mon père que j'avais du sang sur moi. Mon père me cherche dans la maison. Je prend une part de gâteau sur la table et quitte la maison en voiture.

Quand je suis arrivé, tout le monde était déjà là à m'attendre, dont mon ami Platon. Il est tout de suite venu m'encourager. Je le trouve un peu spécial. Il me connait à peine et me donne son soutien inconditionnel dans mes épreuves. Il est peut-être amoureux de moi. Je soupçonne cela à la façon qu'il à de me parler, à son regard et à ses manières.Je me fais peut-être des films. On verra comment ça évolue.Revenons-en à la course. Buzz (c'est comme ça que s'appelle le chef de la bande) vient à ma rencontre et me conduit voir les voitures volées qu'on utilisera pour la course. Ma jolie voisine est encore là. J'espère lui montrer qui est le vrai homme. On tire à pile ou face pour le choix de la voiture. Mon pressentiment s'est confirmé,Buzz m'a confié qu'il m'appréciait. J'ai bien fait de lui tenir tête pour gagner son respect. Il me reste cette dernière épreuve pour être officiellement reconnu comme un « homme ». Le but du « jeu » est simple. On fonce en voiture vers la falaise, le dernier qui s'éjecte de la voiture avant qu'elle tombe a gagné. Ma voisine (qui s'appelle Judy) vient au chevet de buzz avant le départ et l'embrasse sur la bouche. Ca m'énerve et me donne une motivation supplémentaire. J'observe Platon, debout le long du parcours, il a peur pour moi. Moi je suis stressé en attendant le départ. Mais ce qui est sûr c'est que je suis motivé. Motivé à conquérir le respect et un cœur. Le cœur de Judy, qui s'apprête à donner le départ de la course.

En jetant un dernier coup d'oeil du côté de Buzz, je m'aperçois qu'il est en train de se coiffer, comme si ça allait lui être d'une quelconque utilité.Comment peut-on être aussi imbu de sa personne ? Mais il ne faut pas que je me disperse alors je reste fixé sur mon objectif,regardant les gestes de Judy, la cigarette au bec comme anti-stress.Elle dit d'allumer les phares, et d'un seul coup, toutes les voitures des spectateurs présents le long de la voie allument le parcours.C'est presque beau, mais je ne me disperse pas.

L'heure du départ sonne. Je jette ma cigarette par la fenêtre et accélère, tout va très vite.Le bord de la falaise avance vers moi plus vite que prévu. Je parviens à m'éjecter quand je pense qu'il est temps. Je m'attendais à ce qu'on félicite moi ou Buzz mais la foule accourt vers le bord de la falaise. Je questionne quelqu'un et on m'explique que mon adversaire n'a pas sauté. Sa voiture s'est écrasée en bas. Ca en est fini pour lui. Tout le monde le comprend et tout le monde s'en va en vitesse. Un ami de Buzz m'engueule comme si c'était moi qui avait eu l'idée de jouer à ça. Judy regarde le vide avec détresse et je la comprends. Je lui tend la main (qu'elle accepte) pour la ramener vers l'arrière et vers ma voiture. Il n'y a plus personne je vais donc la raccompagner chez elle. Platon est avec nous aussi.

Au moment où je la dépose devant chez elle on se regarde dans les yeux. Mon instinct me dit que c'est possible alors je me lance, que son mec se soit tué ou pas j'aurai fait la même chose. Je lui pose une question : « tu veux voir une brave gosse ? ». Elle acquiesce, alors je sors un miroir de poche pour le placer de façon à ce qu'elle y voit son visage. Judy rougit. Je pars en lui décochant mon clin d'oeil charmeur et en lui laissant le miroir.

Platon veut que je passe la nuit chez lui car il souffre de solitude, notamment de l'absence de ses parents. J'ai bien compris qu'il avait quelque chose qui cloche ce jeune. Je l'aime bien mais je ne suis pas son père, on se verra demain.

Je rentre chez moi et boit du lait. C'est un peu mon rituel. Mon père s'est endormi sur le fauteuil du salon, certainement en attendant que je rentre. Epuisé,je m'apprête à m'endormir tout habillé sur le canapé. J'aurai aimé qu'on me laisse dormir mais ma mère m'a entendu rentrer et accourt dans le salon. C'est bizarre, elle n'a plus l'air du tout souffrante. Peut-être qu'elle profite de la soumission de mon père pour se faire servir au lit. Bref, avec le boucan que fait ma mère en entrant dans la pièce, mon père se réveille aussi. Je lui réitère ma fameuse question restée sans réponse en ajoutant avec honnêteté que je suis mêlé à une sale affaire. Par cette occasion, je me questionne aussi moi-même : Jusqu'où faut-il aller pour son honneur ? Pour se faire accepter ?

Je leur explique tout le déroulement du jeu. Ca a entraîné la mort de quelqu'un. Même sic'est un connard, je ne peut garder tout cela pour moi. Ils ont vu l'accident à la télévision. Ma mère panique et s'emporte mais ils me laissent finir. Je termine par dire que c'était une question d'honneur, pour ne pas être considéré comme un dégonflé. C'est alors que sur ma lancée, j'en déballe toujours plus, racontant ce qui me hante : devoir être obligé de prouver que je suis un dur à cuire pour être accepté, à chaque déménagement. Ce qui m'attire des ennuis à chaque fois. Ce qui fait qu'on déménage et ce qui fait que je n'ai jamais fait quelque chose de bien depuis des années. Evidemment, l'ambiance ne reste pas calme et on se met tous à crier. Je veux aller prévenir la police car je me sens responsable mais mes parents m'en empêchent pour me protéger, me disant que je ne suis pas le seul impliqué.

En parlant de déménagement,ma mère annonce qu'elle souhaite à nouveau déménager. Ca en est trop. Je pense que je suis juste une excuse quand le couple veut se donner un nouveau départ. Voilà des années que rien ne va entre eux et que je supporte les cris et les disputes à la maison. Comment voulez-vous que ça aille bien quand le mari a peur de sa femme ?Je le mets au défi de lui tenir tête. Il fait tout le contraire et baisse la tête. Alors je m'emporte contre lui jusqu'à l'étrangler au sol. Ne voulant tout de même pas le tuer, je le lâche et quitte la maison en détruisant de mon pied un de leurs tableaux moches pour montrer qu'ils sont snob. Mais rien ne va chez eux.



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⏰ Last updated: Nov 12, 2018 ⏰

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Au revoir PlatonWhere stories live. Discover now