Prologue (2)

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Les Frimarkis ont une culture qui les démarque de tout peuple que nous avons pu croiser. Leurs coutumes sont particulièrement barbares et violentes.

Ils vivent en petites communautés regroupant de deux à cinq groupes familiales et comptant entre vingt et cent cinquante individus. Si la communauté grandit au-delà, ce qui est exceptionnel, elle se fragmente et une partie s'en va fonder un nouveau village. Chaque communauté vit sur une presqu'île rattachée au continent ou sur l'une des plus grandes îles. Leurs habitations sont faites de pierres et de bois, parfois isolées avec de la terre ou, plus souvent, du torchis. Elles hébergent en général un couple avec des enfants ou un ensemble de personnes plus âgées et plus jeunes, les derniers veillant sur les premiers qui en échangent leur dispense leur savoir sous forme, essentiellement, de tradition orale. Il n'y a pas de monnaie sur ces terres et l'art se pratique surtout pendant les longues journées d'hiver, sous forme essentiellement de culture, de musique et d'une forme de danse dont je n'ai su saisir les règles, ni la grâce. Les chants sont essentiellement barbares et primitifs, la sonorité ayant souvent bien plus d'importance que le sens des mots, si tant ait que des mots sont prononcés.

La vie est séparée en deux périodes : l'été et l'hiver. Si l'hiver, les activités que je viens de citer sont pratiquées, l'été, la vie est radicalement différente et bien plus rude. Les journées commencent avec l'aube et se finissent au crépuscule. La terre du nord est particulièrement difficile à cultiver car il n'y a guère que quelques semaines pendant lesquels les plantes peuvent pousser. En conséquence, elle réclame de nombreuses mains et beaucoup d'efforts qui sont rarement réellement récompensés. Si la plupart des tâches sont compartimentée par les codes de ces sauvages, le travail des champs n'en fait pas partie, montrant l'importance primordiale qu'ont ces lopins de terre à peine fertile pour ces communautés. On y trouve aussi bien des hommes que des femmes et parfois même des personnes âgés ou des enfants. Pour le reste, l'été, les hommes vont dans la forêt pour couper le bois pour l'hiver. Les troncs bruts sont transportés par la mer jusqu'au village et lorsque l'hiver arrive, tout le monde, hommes et femmes, se saisit qui d'une hache, qui d'une scie, et débite ces monceaux de bois afin d'en faire du chauffage. Un autochtone m'a dit une fois que rien n'est plus sacré qu'une forêt selon ses propres mots : « on ne meurt pas immédiatement d'un ventre vide, mais le froid vous tuera en une heure ». En conséquence, il semblerait que jamais la forêt ne soit complètement rasée sur les parcelles exploitées et que ces dernières changent chaque année et même plusieurs fois dans l'année.

Preuve du manque d'intelligence des gens du nord, ce sont les femmes qui pratiquent la chasse. Les proies sont peu nombreuses et si le Glaricz est une proie à leur taille, les femmes peinent souvent à ramener les rares Siverns qu'elles parviennent à prendre, même si l'apport de nourriture de ces prises exceptionnelles est suffisamment important pour leur donner un semblant de courage, si bien que je n'ai jamais entendu parler d'une chasseuse qui ait abandonné sa proie dans les bois. Encore qu'aucune ne s'en serait vantée, assurément. Lorsqu'elles ont un enfant, cependant, les femmes du nord occupe la place qui est la leur en restant au village pour allaiter leur enfant et préparer des vêtements à partir des peaux qui sont récupérés sur les diverses proies. Une fois l'enfant sevré, cependant, il est confié aux anciens de la communauté, qui lui apportent leur savoir et lui apprennent leurs coutumes, tandis que la femme repart battre la campagne.

Si en soi, cette répartition des tâches est stupide, car nous savons tous que la femme n'a ni la force de tenir une arme, même un arc, ni la sagacité suffisante pour s'en servir, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas trop difficile d'accepter ces coutumes lorsque l'on se souvient que Frimarkis est une terre plus que difficile à vivre et qu'elle a pu, en conséquent, brider l'intelligence de la race d'homme qui vit là-bas.

Oui, je dis bien race car tout comme les rats qui vivent dans les déserts du sud, ces hommes sont différents de nous. Leur peau est d'une blancheur stupéfiante si bien qu'ils pourraient presque, par moment, surtout lorsque cette brume presque omniprésente se lève, passer pour des spectres. Leurs cheveux sont également différents. Ils n'ont ni la couleur sombre qui est la nôtre ni même cette couleur de carottes des chiens des îles mais ils sont au contraire d'une nuance dorée si claire qu'elle paraît parfois blanche. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir certains jeunes arborer une chevelure bien plus blanches que celle que les plus vieux hommes de chez nous n'auront jamais. Leur taille aussi diffère. J'ai été surprise par cette dernière. Alors qu'il aurait été plus logique pour leur survie que la nature leur façonne des corps petits et robustes pour résister au froid, ils sont au contraire particulièrement grands et élancés. Je dois admettre que je n'ai jamais croisé un être adulte, homme ou femme, que je puisse dépasser. Peut-être cette taille leur permet-elle de ne pas sombrer dans la neige, encore que certaines congères puissent sans peine engloutir un homme, même le plus grand de ces Frimarkis.

Mais cela serait là un tel gâchis... de viande.


Shield MaidenWhere stories live. Discover now