Le scientifique

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[Extrait de l'article « La Révolution technologique européenne : pour qui ? Pour quoi ? » de Robert Fritz dans le Federal Post Journal daté du 15 avril 2033]

Depuis un certain temps déjà, l'industrie technologique européenne semble n'avoir aucune limite et révolutionne la vie de ses citoyens dans leur quotidien. Le passage des Compact Disc et cartes de stockage aux puces de silicium était déjà un grand pas, aujourd'hui, une nouvelle étape de transformation de notre futur voit le jour. L'Agence Spatiale Européenne nous a abreuvés de communiqués dernièrement, et la grande annonce de la semaine dernière a fait l'effet d'une bombe !

Peu de gens le savaient avant l'annonce du 7 avril, mais notre industrie a donné le jour à une technologie qui nous fait définitivement entrer dans le XXIe siècle. Nos ingénieurs, physiciens, chimistes, le fleuron de la recherche européenne, nous présentent enfin le fruit de sept ans de labeur. La technologie révolutionnaire surnommée « Technologie Furie » a commencé à dévoiler son potentiel lors d'une démonstration organisée à Velo, en Région Grecque. L'Eurocorps a démontré en grande pompe sa supériorité technique en dévoilant les capacités d'un métal artificiel conçu en Europe, le Kalanium. « C'est impressionnant », nous confie le Major Stopakis, « mais vous n'avez pas encore vu nos oiseaux ». En effet, les modèles présentés au cours de la manifestation étaient de petits véhicules de reconnaissance, ainsi qu'un tour d'horizon des nouvelles armes personnelles qui équiperont nos fantassins dans un avenir très proche. Pas de quoi hystériser les foules, mais manifestement curieux. Il y avait également un module de démonstration permettant de constater les avancées prodigieuses que l'on doit à notre Agence Spatiale Européenne : des bobines magnétiques qui permettent à l'engin de léviter tout en lui permettant d'esquiver à une vitesse qui, il faut le reconnaître, a surpris la plupart des journalistes conviés pour l'occasion. « Les modèles de combats seront bien plus gros », a précisé le major, « Mais nous en fignolons les derniers détails avant une réelle démonstration de force. »

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Il existe encore peu de sources autres que les déclarations officielles traitant de cette nouvelle technologie, mais il est cependant intéressant de feuilleter le nouveau livre de Yann Vanderboot « Europæ 2.0 » sur les avancées techniques et technologiques de la Fédération de 2006 à nos jours. Sa rétrospective méticuleusement documentée et richement accompagnée de nombreuses entrevues avec les personnages ayant marqué ces années, revient avec impartialité sur les premières années après le Millenium Crash, jusqu'au boom provoqué par l'essor économique sans précédent des États-Unis d'Europe. Certaines entrevues éclairent d'un jour nouveau les arcanes de cette nouvelle Technologie Furie. La publication des extraits suivants a été permise par l'auteur.

Notes : Le livre de Yann Vanderboot « Europæ 2.0 » devrait être autorisé à sortir le 9 mai aux Éditions Bleu et Or. Merci aux Éditions Bleu et Or pour l'exclusivité de ces extraits.

Notes : Les questions et réponses de ces entretiens sont les opinions de leurs auteurs et ne reflètent pas la politique éditoriale du Federal Post Journal. Tout commentaire agressif ou défédératiste ne sera pas publié dans le droit de réponse.

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Je suis accueilli dans un bureau spartiate, décoré de quelques photos et d'une maquette du système solaire. Je me trouve au cœur des structures de l'Agence Spatiale Européenne pour y rencontrer Paulo Kalan, l'inventeur du Kalanium. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, pourtant je suis agréablement surpris, le professeur a servi du thé.

Yann Vanderboot : Bonjour. Professeur Kalan, quelle est la nature de vos découvertes ?

Professeur Paulo Kalan : Je vais essayer de faire simple, et ce n'est pas gagné ! (rire.) Depuis plusieurs années nous [ndlr : l'ESA) travaillions sur le projet européen d'exploration martienne. Lorsque nos sondes et nos robots du programme Æxplorer ont découvert de la glace sur la planète rouge, nous savions qu'il était devenu impératif de passer à la vitesse supérieure si l'Homme voulait progresser dans la connaissance de Mars. Nos principaux écueils étaient toujours la durée du voyage, et la faible probabilité de retour. L'ESA s'est employée à développer de nouveaux moyens de propulsion, ainsi que des matériaux composites capables de résister à un crash en catastrophe sur Mars en cas de problème.

YV : Et vos recherches ont abouti sur ce nouveau métal...

PK : Pas tout de suite. Nous avons d'abord conçu un système de bobines magnétiques qui génèrent une propulsion basée sur les champs magnétiques. Malheureusement, leur efficacité dans l'espace n'était de loin pas aussi brillante qu'en atmosphère. Pourtant cet échec n'était pas vain, il nous a permis de concevoir des engins à propulsion et à répulsion, ce que nous appelons de la propulsion mixte. Il fallait donc trouver notre nouvelle source d'énergie, et c'est là, après des années de recherches, que nous avons pu obtenir le Kalanium.

YV : Il porte votre nom, c'est vous qui l'avez développé ?

PK : Une bonne partie, oui... Mais j'avais des collaborateurs, évidemment.

YV : Évidemment. Quelles sont les applications probables du Kalanium ?

PK : Elles sont innombrables ! Le programme Mars 2035 a été validé dès les premiers tests, nous avons fait mouche ce jour-là. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce n'est pas un métal ordinaire. C'est un métal artificiel, et le seul fait d'avoir réussi à stabiliser un tel métal est déjà une prouesse en soi ! Mais il s'est avéré être un vrai couteau suisse. Nous avons d'abord fait des essais où l'on avait préalablement enrichi le Kalanium, et ces essais furent... détonants.

YV : J'ai cru comprendre que plusieurs personnes avaient été tuées dans la première explosion kalanique. Est-ce vrai ?

PK : C'est... grandement exagéré. Il y a eu des blessés, certes, mais aucun mort, je vous le garantis ! Il faut dire que nous ne nous doutions pas à quel point ce nouveau type d'énergie dépassait tout ce que nous avions vu jusque là. Même en petites quantités ! Nos drones sur Mars allaient pouvoir quintupler leur autonomie, par exemple, parcourir des kilomètres en quelques minutes plutôt que cinquante centimètres en un mois, vous imaginez la différence engendrée pour nos recherches ? Avec quelques drones, nous pouvions espérer baliser l'emplacement d'une base habitée, et dont l'énergie serait une pile au Kalanium... Nos nouveaux espoirs semblaient infinis... Et la cerise sur le gâteau advint alors que nous cherchions de nouvelles applications : nous avons remarqué avec émerveillement que notre enfant était un métal ultrarésistant en alliage, pour un poids raisonnable.

YV : L'Armée vous a demandé de travailler dans ce sens, non ?

PK : Effectivement, nous avons reçu un financement inespéré afin de développer du blindage et des armes à base d'alliage de Kalanium... (Visiblement mal à l'aise, il se mordille discrètement les lèvres) Nous avions besoin de cet argent pour Mars 2035, vous savez, l'ESA n'est pas riche comme Crésus, beaucoup d'autres projets n'ont rien donné, notamment le programme temporel.

YV : Le... programme temporel ? Comme une machine à remonter le temps ?

PK : Plutôt une alternative au voyage hyperspatial, qui s'appuyait sur nos découvertes récentes sur les Ondes de Torsion. Le but n'était pas vraiment de voyager dans le temps, mais de voyager en temps suspendu, vous me comprenez ? Les allers-retours de nos missions vers Mars auraient été, comment vous expliquer cela... instantanés, si vous voulez. Je ne peux pas vous en dire trop ni entrer dans des détails, la relativité est plutôt rébarbative... Quoi qu'il en soit, ce projet fut un gouffre financier, et l'argent du Ministère de la Défense et de la Guerre était vital à ce stade de nos travaux...

YV : On dirait que ça ne vous enthousiasme pas plus que cela.

PK : Je n'ai pas le droit de m'attarder sur ce genre de sujet, disons seulement que j'aurais préféré entreprendre dès maintenant Mars 2035 au lieu de... autre chose... (Il me montre du doigt la photo de groupe accrochée derrière son bureau) Je me souviens de l'équipe au complet posant avec notre Président Markus Tramper... Notre équipe a eu droit à une plaque en marbre pour « entrer dans la postérité », nous a dit monsieur Tramper. Je ne sais pas ce qu'il adviendra dans les prochains temps, j'espère seulement que nous l'aurons mérité, cette postérité.    

[Pax Europæ] - C'est possibleDonde viven las historias. Descúbrelo ahora