23. Fraternité

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Alors.. c'est vrai ce que les autres disent ?

Qu'est-ce-que les autres disent ?

Le silence. Anxieux. Gêné. Et le bruit métallique de mon pouce qui roule sur la pierre de mon briquet, foutant le feu à une cigarette que je coince aussitôt entre mes lèvres, nerveux.

J'inspire longuement, un sourire entaillant mon visage alors que le brasier s'engouffre dans mes poumons, les gonflant de fumée noire, les brûlant tendrement, avant de les compresser, ma gorge implosant dans une quinte de toux horrible qui brise notre mutisme.

Ils disent que t'as buté ce type l'autre coup. Ils disent que.. Ils disent que tu lui as explosé le crâne sur la zone de combat.

Je tire sur ma cigarette encore une fois, fixant le sol, à quelques mètres sous nos deux corps. Perchés sur la fenêtre brisée du Tombeau.

Si je ferme les yeux, ma tempe me lance, mais je revois Jaemin. Je le revois, étendu dans l'herbe, sa peau brillant d'éclats de lunes se dessinant sous son T-shirt. Si je ferme les yeux, je sens mes doigts glisser le long de ses veines, et son épiderme se couvrir d'un frisson douloureux qui lui arrache un sourire merveilleux.

Si je ferme les yeux, je me sens l'aimer à nouveau. L'aimer de tout mon être. L'aimer dans le vide. Sans retour. Mais l'aimer encore. Toujours.

Un épais nuage gris s'échappe de mes lèvres, et si j'ouvre les yeux, je suis de retour dans la ruelle sombre où j'ai grandit, assis près de Patience, qui n'ose plus me regarder.

Les autres ont raison.. pour une fois, je marmonne, les yeux asborbé dans la contemplation d'une tâche de sang qui s'écoule sur le pavé sale, filtrant silencieusement de la faille d'un sac poubelle.

Il soupire, se tournant difficilement vers moi, ne sachant plus quoi dire, détaillant seulement mon visage tuméfié caché par l'ombre de ma casquette découpée dans le soir. Et ce masque que j'ai du enfiler pour me mêler à la foule que côtoie Jaemin chaque jour. À son arrêt de bus.

Ca ne te ressemble pas, Jeno, dit-il, appuyant sur la corde sensible en utilisant ce prénom qu'il est l'un des seuls à connaître. Tu n'es pas comme eux. Tu ne peux pas avoir fait ça.. Tu n'es pas un assassin.. C'est pas possible! Qu'est-ce-qui t'as pris, putain !

Sa voix tremble, énervée, déçue. Et je ne lui accorde aucun regard, laissant la nicotine parcourir mon sang, me berçant comme a su le faire le garçon lumière, avant de m'abandonner à la colline. Il y a de ça une heure. Peut-être plus. Je ne sais plus. Mais je veux le revoir. Encore une fois.

Jeno ! S'emporte Patience, cognant ma main pour en faire tomber mon mégot qui virevolte dans l'air glacial et se noie dans la vague écarlate qui baigne le béton. Pourquoi tu l'as buté ?

Parce que le Boss voulait du beau spectacle.

Mais depuis quand tu l'écoutes ? Depuis quand bordel !

Touché.

Je sens ses doigts s'enfoncer dans mes joues, aggripant ma peau pour tourner mon regard dans ses deux cieux noirs. Il presse bien plus fort lorsqu'un de ses doigts atteint un hématome gonflé au niveau de ma machoire. D'habitude, ça le fait rire de me rappeler que mon style de combat est suicidaire et me cause bien trop de blessures. Mais cette fois, ses lèvres sont closes, cadenassées.

Depuis qu'il veut me buter dès que je monte dans son bureau, j'articule, les mains de Jisung tombant mollement le long de son corps, une lueur étrange frémissant sur sa cornée.

「 Hargne - Nomin 」Where stories live. Discover now