Jeno.. écoute-moi, s'il te plait... murmure-t-il, ses paupières tournées vers le sol. Rien n'a changé... Regarde nous. Regarde-moi. Je suis toujours là. Je ne suis pas partit... je ne veux pas partir.

Tu devrais.. je marmonne, instable, toujours tremblant entre ses mains qui consolent et cajolent le monstre qui a tué pour lui. En son honneur.

Non.. Je ne partirais pas. Parce que je n'ai pas peur de ce qu'il y a là, affirme-t-il, ses doigts se posant lentement contre mon cœur qui éclate sous ma poitrine, à l'abris de son armure d'os fragiles. Je n'ai pas peur, Jeno.

Il marque une pause, relevant ses prunelles mordorées dans les miennes, soutenant mon regard dont les vagues lentement s'endorment.

Et tu ne devrais pas avoir peur. T-Tu peux m'aimer. A-Aimes-moi, si c'est ce qui te rend heureux.. c'est tout ce que je veux. Je te l'ai promis. Je me fiche de la façon dont tu le feras. Je n'ai pas peur. J'ai confiance en toi. T-Tellement confiance que je t'ai laissé faire ce pacte avec moi. Mes démons contre les tiens...

Ses doigts se crispent contre les miens. Et la voie lactée sous ses longs cils vacille.

Il le revoit. L'homme. Celui qu'il a tué. Il le revoit, et lentement il me laisse lui échapper, cachant ses mains dans ses poches.

J-Je sais que ce n'est pas facile de faire face à ce qu'on a toujours craint.. Je sais ce que ça fait. J-Je sais à quel point ça fait mal. J-Je sais ce que s'est d'e-etre dévoré par le même sentiment horrible. À genoux au moindre contact. Pleurer au moindre regard posé sur toi. Trembler, sursauter, hurler de peur.. parce que quelqu'un te touche l'épaule. J-Je sais ce que ça fait. E-Et de ça j'ai peur. Mais je sais que tu vaincras ce qui me ronge. J-Je.. Si j'ai déposé ma plus grande peur entre tes mains.. c'est parce que j'étais prêt à affronter la tienne.

Immobile, je ne décris aucun geste, anéantit par ses mots qui font éclorent des dizaines de fleurs de sang sur mon torse. Des bourgeons palpitent dans ma poitrine et s'épanouissent à mesure que sa voix berce les terreurs qui ont si longtemps empêché le petit garçon de trouver le sommeil.

Tu sais.. j'avais peur de toi. Mais j'avais peur de tout le monde. E-Et ce jour où tu t'es jeté sur eux.. j'ai compris que je n'avais plus à te craindre. J'y ai pensé des nuits entières. Comment t'aider. Comment t'adresser la parole, pour recoudre cette sale plaie sur ton visage. Comment te remercier de m'avoir laissé la vie sauve. M-Mais je ne savais pas comment faire. T-Tu étais c-comme lui. Tu avais le même regard. M-Mais un jour je l'ai vu changer. C-Ce regard là. Et j'ai fini par croire en toi. J'ai cru en toi.. parce que tu m'hypnotisais. Au lieu de me faire fuir, tu m'attirais. Je ne pouvais rien faire. J'avais besoin de te savoir en vie. Et plus les jours passaient.. plus ta vie comptais pour moi. J-Je ne sais pas ce que je ressens m-maintenant. M-Mais je sais que tu es différent d'eux. Des autres. C'est pour ça que je veux que tu sois celui qui me délivre de ces chaines qui m'empêchent de vivre. S-Si tu y arrives.. alors je saurais te rendre heureux. Je te le promets.

Une perle de lumière glisse sur sa joue et s'écrase sur sa cuisse. Je ne dis rien. Comme à mon habitude, comme je l'ai toujours fait, je l'écoute, je l'observe et je le comprends. Il n'y a plus rien d'autre que lui. Lui, nu de mes peurs. Lui, dont le bonheur ne me rebute plus. Lui, dont la claire lueur m'attire et lie Hargne à Jeno dans un tissu de mots noueux.

T-Tu es le seul qui me connaisse vraiment.. mes parents ne sont pas au courant. P-Personne ne sait. Personne ne pourrait comprendre. Mais toi.. t-tu sais ce que je ressens n'est-ce-pas ?

Le soutient que quémandent ses grands yeux humides de diamants brutes fait battre mes paupières, lui assurant sans ouvrir les lèvres que je sais ce que le vie peu voler à une âme. Lui affirmant que la vie m'a dérobé l'innocence et la tendresse qu'il me faudrait pour comprendre ce que j'éprouve lorsque je le vois pleurer, impuissant.

「 Hargne - Nomin 」Where stories live. Discover now