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Après une matinée chargée, Adrian, Jeffrey et Theresa sortirent déjeuner dehors dans les jardins de la tour de Londres. C'était un moment de calme où ils laissaient derrière eux le travail. Adrian avait parfois l'impression de retrouver Hunt et Millais avec lesquels ils refaisaient le monde. Certes, Jeffrey et Theresa étaient moins idéalistes et moins adeptes de l'art pour l'art mais il passait avec eux de moments agréables qui allégeaient son fardeau. Alors qu'ils discutaient de ce qu'ils envisageaient de faire ce week-end, Adrian sentit son portable vibrer dans sa poche. Il le sortit mais avant qu'il n'ait pu regarder de quoi il en retournait, Jeffrey lui tomba sur le dos :

« Pas de boulot à table, c'est la règle. Sinon tu payes le désert. » lui rappela-t-il en avalant une tomate cerise.

« Parce que tu penses que tu pourrais encore avaler quelque chose après tout ce que tu as déjà dévoré ? » se moqua Adrian.

« Hum...je prendrai bien un roulé à la cannelle et... oh ! Oui ! une religieuse au café de chez laDurée. » lista-t-il le regard rêveur.

« N'oublie pas un abonnement à la salle de sport alors Dearie. Il fait suffisamment chaud sans que je doive dormir en plus à côté d'une marmotte qui fait ses réserves pour l'hiver. » se moqua Theresa.

-Pourquoi une marmotte ? Pourquoi pas un ours ? s'offusqua Jeffrey

-Parce que pour être un ours, il faudrait déjà que tu sois viril, Dearie. Et désolé, même si tu as les poils, ta petite brioche que j'adore, soit dit au passage, ne fait pas de toi un homme viril.

- Ah ! Tu veux que je sois viril, femme. » grogna Jeffrey en faisant ressortir son accent gallois.

Il fit tomber son épouse sur le dos et se pencha sur elle en l'emprisonnant entre ses bras avant de la chatouiller de sa barbe et de l'embrasser sans se sentir gêner le moins du monde, provoquant chez Theresa un fou rire. Adrian ne fit aucun commentaire face à leur comportement quelque peu puéril. Au contraire, il était même heureux que cette époque laisse à ses amis la possibilité de se montrer pleinement l'étendue de leurs sentiments.

Une soudaine angoisse le prit : et si...et si Lizzie avait refait sa vie ? Et si elle avait quelqu'un avec qui partager une vie simple, débarrassée des démons de la peinture ? Pourrait-il s'y faire ?

Elizabeth méritait d'être heureuse, bien sûr. Elle avait amplement le droit de fuir leur passion qui les avait détruits tous les deux. Mais...cette époque lui laissait tout de même la possibilité de se battre pour la reconquérir. L'urgence de la retrouver se fit plus grande. Mais il ne pouvait rien faire de plus pour l'instant. La suite de son avenir était entre les mains de Mary Addington. A nouveau son portable émit la sonnerie le prévenant d'un message sur sa boite vocale. Profitant que ses deux collègues profitent d'un moment d'intimité, il composa le numéro de cette dernière.

Sa voix le figea. Ses derniers mots enflammèrent son esprit et ses espoirs. Oubliant où il se trouvait, il s'empressa de recomposer son numéro.

En attendant qu'elle décroche, il se leva et s'isola en tournant le dos à ses amis. Il avait envie de crier sa joie au monde entier. Il avait envie de courir la retrouver, de la prendre dans ses bras et de l'embrasser toute entière...

« Allô ? »

Il ferma les yeux, submergé d'émotion à l'entente de sa voix.

« Allô ? Qui est à l'appareil ? »

« Lizzy... »

« Je crois que vous devez faire erreur, Monsieur. »

« Non, je... »

Le dernier portraitWhere stories live. Discover now