Chapitre 3

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Une odeur âcre de brûlé force Gregor à ouvrir les yeux. Il est allongé sur le sol, au milieu d'un chaos de conteneurs. Des papillons de nuit dansent devant ses pupilles. Il tousse et tente de se relever. Peine perdue.

Il n'entend rien d'autre qu'un sifflement sourd. Il essaie de se ressaisir.

Des pétarades lointaines, comme celles de fêtes foraines, lui font comprendre que ses tympans commencent à revivre.

Une fusillade a éclaté. Il ne faut pas traîner, au risque de croiser la trajectoire d'une balle perdue !

Gregor tente de se redresser quand soudain la silhouette de l'homme en blouse blanche surgit devant lui. Gregor ne réagit pas. Sa tête tourne, comme s'il avait abusé d'une drogue. Ses yeux zooment et dézooment. Il a l'impression de nager dans un rêve de pixels. Tout est flou.

Focus, s'intime Gregor mentalement.

Dans une main gantée, l'homme tient la mallette noire aperçue plus tôt.

Que me veut-il ?

C'est au moment où il tombe à genoux près de lui que Gregor voit une tache rouge s'épanouir sur la blouse blanche, au niveau de la poitrine.

Le visage de l'homme maculé de sang ressemble à une peinture morbide. Son regard est trouble.

Il lance à Gregor un caverneux « quiiii es-ttttu, ttttoi ? », qu'il reçoit en écho. Son crâne va exploser.

Gregor s'affale sur le sol, perd conscience l'espace d'un instant. Quand il s'éveille à nouveau, le docteur approche de lui une seringue à l'aiguille si longue qu'elle le terrifie. Il a relevé la manche du pull de Gregor. Ce dernier essaie de se débattre. Mais l'aiguille se plante dans une veine.

Gregor sursaute violemment et, par réflexe, lance son poing vers le visage de l'homme. Dans le mille. Il s'écroule sur le sol, évanoui, ou peut-être mort. C'est la première fois que le réfrac assomme quelqu'un. La mallette est ouverte près du corps du médecin, vide.

En grimaçant, Gregor retire la seringue. Il se redresse après avoir ramassé son smartphone dont l'écran est lézardé et tente une sortie en mode furtif.

La seule issue possible est la brèche fumante dans la cloison de l'entrepôt. Il jette un oeil à droite : les gardes masqués tirent sur des soldats en treillis. Les cobayes sont morts, allongés sur leur siège de torture.

En revanche, plus aucune trace de l'homme au masque. Il s'est évaporé.

Un soldat aperçoit Gregor alors qu'il traverse la pièce en courant. La surprise se lit sur son visage. Il ajuste l'adolescent.

Gregor a à peine le temps de comprendre le danger qu'une balle venue de nulle part atteint le soldat en pleine tête. Quelle horreur !

Gregor franchit comme il peut la brèche dans la cloison, elle débouche directement sur l'extérieur où la nuit a pris ses quartiers. Il se retourne et croise fugitivement le regard de l'homme masqué, caché derrière une caisse à moitié détruite. L'homme le voit mais reste immobile. Gregor croit deviner un sourire derrière le masque. Cette image lui donne la chair de poule.

Il s'élance vers la clôture, son instinct lui dicte les étapes d'une fuite éperdue. Atteindre les grillages qui bordent l'entrepôt, retrouver l'endroit où il a cisaillé la clôture...

Il y est presque...

Soudain, une main fine mais puissante l'étreint. Se referme sur sa bouche. L'homme masqué ? Pris d'une peur panique, Gregor envoie des coups de coude et de talon à l'aveuglette. Un hurlement de frustration jaillit de sa gorge, que la main sur ses lèvres fait taire.

Un bras enserre son cou, l'étouffe.

Sa vision se brouille. Puis il sombre dans les ténèbres. À nouveau...

Cent VisagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant