Chapitre 1

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PDT LUCAS (photo de Akif Kidil)

Je n'avais vraiment pas du tout envie de venir à cette foutue soirée et pourtant j'y suis bel et bien allé. Et maintenant, je me retrouve à devoir m'enfiler cinq shots de vodka. Et en plus je dois le faire plus rapidement que mon adversaire. Comment je m'en suis retrouvé là ? Je me le demande bien moi aussi. En réalité, c'est tout simplement à cause de mon meilleur ami, Matteo, qui me trouvait un peu "trop sobre" à son goût. Du coup, il a simplement crié "QUI VEUT SE BOURRER ?",  et un mec s'est présenté, le tour était joué. J'ai bien tenté de refuser son stupide défi, mais à peine l'eût-t-il proposé que les invités m'acclamaient déjà. Comment aurais-je pu refuser et puis ma fierté est entrée en jeu, du coup j'ai bien été obligé de me laisser entraîner dans ce défi à la con.

Mon adversaire est un grand blond, type surfer. Il a l'air d'être habitué à ce genre de stupide fête. Je croise son regard, il est vide, dépourvu d'émotions, je vacille, j'étais comme lui avant. Je ne fais définitivement pas le poids face à lui. Matteo lance le compte à rebours. TROIS...DEUX... Les chiffres s'engouffrent dans mon esprit et font ressortir de lointains souvenirs. Ce souvenir remonte à deux ans, quand j'avais encore goût aux fêtes. La saveur brûlante de la vodka me revient en bouche. Mon estomac se noue, c'est cette nuit là que ça s'est passé.

UN... Le signal de départ retenti et me sort de mes pensées. Je prends un verre, y trempe ma bouche. Un léger picotement se fait sentir sur mes lèvres gercées. J'incline la tête en arrière et fait mine de boire goulument. Le liquide coule et vient mouiller mes vêtements. Je n'en avale pas une goutte pourtant personne ne semble remarquer ma supercherie. Je ne bois plus d'alcool depuis maintenant deux ans, depuis cette nuit là. Pourtant j'arrive à le cacher du moins je crois que personne n'est au courant. Après trois malheureux verres les gens ne différencies déjà plus l'eau de la vodka, on pourrait leur faire croire n'importe quoi.

Le mec en face de moi remporte le duel haut la main. Je le félicite et m'éclipse discrètement chercher un verre d'eau. J'ai à peine fait un pas qu'une main attrape mon épaule et me stoppe dans ma lancée. Je fais volte face et toute la foule semble me hurler "UN GAGE, UN GAGE" à tue tête. Ils ont quel âge sérieusement, ils pouvaient pas tout simplement me laisser tranquille. En tout cas ça faisait absolument pas partie de mon plan ça ! J'essaie de trouver une solution rapide mais rien ne me vient à l'esprit. Ça y est, je n'ai pas d'autre choix que d'accepter. Je m'avance. La foule ne semble pas réaliser qu'elle a mon sort entre ses mains. Je suis en panique totale mais ne laisse rien paraître. Mon visage est impassible, mon regard dans le vide, j'ai l'air d'une vraie statue, ou d'un mort-vivant, à voir. La foule semble avoir fait son choix. Matteo s'avance tel le meneur de la troupe. Il hurle pour que sa voix se fasse entendre sous tout ce brouhaha et cette musique bien trop forte pour mes oreilles.

- Nous avons délibéré et ton gage est d'entrer dans la maison d'un inconnu, me dit-il tout sourire.

- Matteo ? Tu te fous de moi là ?m'emporte-je. Tu sais que c'est hors la loi ? C'est une violation de domicile.

Je me demande si l'on est ami parce que des fois on dirait vraiment pas. Matteo oublie occasionnellement qu'il y a des règles dans ce monde et que l'on a pas le droit de faire tout ce que l'on veut. Heureusement que je suis là pour le rappeler à l'ordre.

- Lucas, arrête un peu tu veux ? C'est pas comme si je te demandais de tuer quelqu'un. Avant, t'étais pas comme ça, mec. Où est passé le Lucas drôle, imprévisible et intrépide ? Allez fais-le, ça te rappellera le bon vieux temps. Si tu le fais pas pour toi, fais-le au moins pour moi, ton bon vieux pote.

C'est pour ça que je l'adore, il pourrait convaincre n'importe qui de faire n'importe quoi. Il a raison, avant je l'aurais fait sans hésitation mais il s'est passé quelque chose depuis. Je ne peux pas revenir en arrière, je ne pourrais jamais le faire. Eh puis, ce n'est pas un mal, je suis devenu une personne responsable et sérieuse. Je ne fais plus de conneries, certes je ne m'amuse plus mais au moins il n'y a plus de dégâts. Je me sens obligé d'accepter ce gage sinon on va me prendre pour un trouillard. Pour une deuxième fois dans la soirée, ma fierté entre en jeu.

- Bon, c'est d'accord, annonce-je d'une voix mal assurée. Je vais faire ton gage insensé.

Ses lèvres se retroussent en sourire.

- Merci mon pote.


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