- Combien je vous dois ? grognai-je agacée et pressée de pouvoir partir d'ici.

- Rien ! C'est gratuit ! déclara la serveuse en me gratifiant d'un clin d'œil complice.

- Quoi ? Non, non, je veux payer ce que j'ai commandé ! Dites-moi combien je vous dois, insistai-je au bord de la crise de nerfs.

- Dites-moi seulement si le jeune homme du bar est une aventure ou pas et vous ne me devez rien !

- Quel jeune homme ? m'étonnai-je en ne comprenant pas un mot de ce qu'elle me disait.

- Le garçon avec qui vous êtes sur le magazine !

- C'est une blague j'espère ? fulminai-je. Si ça ne vous fait rien, je préférerais payer !

- Tenez ! me dit-elle en me tendant le petit sac de papier Kraft avec ma barre de céréale et mon gobelet de lait d'amande. Les VIP ne payent jamais, leur image apporte déjà beaucoup à l'établissement.

- C'est là que vous vous trompez, la repris-je. Je ne suis personne !

- Bien sûr que si, vous êtes la petite amie de Charles Potens !

Alors là j'hallucinais. Je n'en pouvais plus de me battre avec cette fille qui refusait que je paye ma consommation. Je remis mes lunettes et pris ma commande pour ne pas faire d'esclandre et ne pas attirer plus encore l'attention sur moi. Je laissai un billet de cinq euros sur le comptoir et dû m'asseoir sur ma monnaie. Je quittai le coffee-shop en pétard et rentrai bien à l'abri dans ma voiture.

La situation commençait à me dépasser. J'aurais tellement voulu en parler avec Charles, mais comme il ne répondait déjà pas à mes messages il était inutile de lui demander quoi que ce soit. Têtu comme il était, je n'aurais pas de nouvelles de lui avant qu'il ne rentre.

J'arrivais à la fac dans les temps et dû traverser le hall de mon bâtiment qui, bien qu'il ne soit pas aussi grand et impressionnant que celui du département de médecine, abritait tout autant d'étudiants. Je le traversais d'un pas sûr, ignorant les regards qui se posaient sur moi. Je n'avais qu'une hâte, me réfugier dans un coin de l'amphi dans lequel j'avais cours, à l'abri de la plupart des gens. Je me collai contre un mur et posai mon sac à côté de moi pour que personne ne s'y asseye. Je commençai mon petit-déjeuner tout en révisant en attendant que notre professeur ne débarque avec ses dix minutes de retards habituelles.

Je commençais à peine à me sortir toute cette histoire de la tête et à me concentrer que quelqu'un débarqua à côté de moi en me jetant mon sac sur les genoux. Un peu plus et mon lait d'amande tout chaud aurait fini sur le sol. Je n'étais pas vraiment d'humeur à être indulgente et magnanime. J'avais déjà façonné sur mon visage une moue qui aurait découragé n'importe qui ayant eu la mauvaise idée de s'installer à côté de moi, quand je découvris qu'il ne s'agissait en réalité que de Gontran. Aujourd'hui, avec Charles, Gontran était à peu près le seul dont j'aurais accepté les extravagances.

- Ah c'est toi ! soufflai-je avec soulagement !

- On devait fixer une date toi et moi ! se plaignit-il.

- Oui c'est vrai, mais c'est un peu compliqué en ce moment.

- Pourquoi ? demanda-t-il en arrachant un bout de ma barre de céréale pour l'enfourner dans sa bouche après quoi il fit une horrible grimace de dégoût.

- Mon petit ami et moi on a un léger différent et je n'arrive pas à me faire à l'idée que je puisse me retrouver à la une des magazines.

- Tu t'es prise pour Madona ? me taquina-t-il.

- Pas du tout, m'empressai-je de répondre offusquée. C'est juste que...

- Ah les hommes ! Moi aussi j'ai un petit copain et ce n'est pas pour ça que je joue les starlettes. On a un exposé à préparer. Quand est-ce qu'on se voit ? trancha-t-il.

Gontran me faisait rire. Mes petits problèmes perso ne l'intéressaient absolument pas et ça faisait du bien. S'il réagissait ainsi, c'était clairement parce qu'il n'avait aucune idée de quoi je lui parlais. Apparemment, il ne lisait pas les magazines people et c'était tant mieux. Enfin quelqu'un de normal.

- D'accord, que dis-tu d'aujourd'hui ?

- Chez toi ?

- Euh, ben... Si tu veux, conclus-je.

En y réfléchissant, je préférais largement être en terrain connu, dans mon appartement, plutôt que chez un étranger, aussi gay soit-il.

- 18 h 30 ? proposa-t-il.

- Ça me va ! Je nous prépare à manger ?

- J'apporterai quelque chose si ça ne te dérange pas ! Ce que tu manges est parfaitement atroce.

- Tu exagères c'est très bon pour la santé !

- Permets-moi d'en douter.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now