J'étais et suis resté un mec franchement perdu.
On me voyait flou. C'est un peu ça.
J'étais un adolescent, donc ce n'était pas si anormal.
J'avais l'impression de subir au lieu de vivre tranquillement avec mes émotions.
De mauvaises colocs quoi.
Plutôt désagréables je dirais même.
Mais vous savez quoi ?
J'ai toujours eu l'impression que le fait de les ignorer telles des objets qu'on laisse traîner, sans jamais les ramasser, ça me soulageait.
Mes émotions m'étranglaient. J'étouffais par leur faute. Je les subissais. Leur air irrespirable. Leurs attaques piquantes.
De jour en jour, ce souffle difficile à sortir promenait un goût de haine contre moi-même.
Et cette haine était une émotion. Ironique.
Il y avait tant de choses que je haïssais dans la vie.
La mienne n'était pas facile.
Et je ne pensais pas comme les autres jeunes de quatorze ans, se plaindre de futilités m'était inutile.
Non. Moi, je vivais avec ma mère dans un carton.
De réfrigérateur, pour être précis.
Alors, tout les soirs, je pensais à ces gens heureux, faisant la fête, qui dormaient profondément dans leur lit, ou encore à un concert...
Et je rêvais.
J'oubliais ce trou où je vivais, m'envolant loin de Paris, parfois dans l'espace, parfois à Rio, Tokyo, Bali, Amsterdam, San Francisco...
La vérité, c'est que j'étais seul sur une planète.
Ma planète.
Je me perdais souvent là-bas.
Le temps d'un instant, j'aimais juste ressentir une sensation de bien-être.
Quelque chose qui cherchait à me rassurer.
Du réconfort et de la douceur. De l'amour.
Et un jour, cette dernière s'est présentée à moi, cette foutue émotion.
Elle est venue sous la plus belle des façons.
Elle avait une robe bleue et un air égayé, une odeur de cannelle que j'aimais.
Et de ses doigts fins, mon cœur, elle l'a empoigné.
