Charles partit pour au moins deux ou trois jours et ma cheville ne me faisant plus vraiment souffrir, en conséquence de quoi, je ne m'imaginais pas rester toute seule au manoir avec Paul à mon service. En l'absence du maître des lieux j'avais envie de réintégrer mon petit appartement. Avant toutes choses, je devais prévenir Paul que j'allais m'absenter et, surtout, qu'il était hors de question qu'il mette Charles au courant de quoi que ce soit. Mon très récent et très colérique petit ami prendrait ça pour une sorte d'abandon alors que ce n'en était pas du tout un.

Pour les cours du matin, c'était déjà trop tard alors, j'en profitais non seulement pour me préparer un sac à dos pour passer ces quelques jours chez moi, mais aussi pour prendre rendez-vous chez mon médecin pour comprendre comment une entorse pouvait guérir aussi rapidement. Je réussis à avoir un rendez-vous pour le lendemain. Tout se déroulait parfaitement, mais avant de partir je devais faire le point avec Paul.

Je déboulais dans la chambre de Charles, dévasté de la veille, car Paul y ramassait encore les derniers débris. Lorsqu'il me vit avec mon sac sur le dos, il esquissa une drôle de grimace.

- Vous partez ? s'étonna-t-il.

Au ton qu'il avait employé, on aurait dit que j'étais une horrible petite profiteuse qui préférait attendre que son homme parte pour prendre à son tour la poudre d'escampette. C'était terriblement vexant.

- Oui, mais seulement le temps que Charles n'est pas là ! corrigeai-je. Je ne veux pas rester dans cette grande maison toute seule.

- Monsieur Potens va être très contrarié par votre départ.

- Paul je ne m'en vais pas pour toujours ! grognai-je. Je retourne juste à mon appartement pour quelques jours. Aux dernières nouvelles je ne suis pas prisonnière.

Cette situation commençait fortement à m'agacer.

- Comme vous l'avez fait remarquer, Charles risque d'être contrarié donc ce n'est pas la peine de lui en parler !

- Je ne suis pas sûr que...

- Paul, clamai-je en lui coupant la parole. Je pense que Charles n'a pas besoin qu'on le brusque davantage et moi j'ai des choses à faire chez moi donc vous allez mentir ou sinon garder le silence.

Paul secoua brièvement la tête en signe d'affirmation. Je savais que je le mettais dans une position délicate, mais j'avais moi aussi besoin de faire ma vie, d'autant plus quand Charles n'était pas présent. J'avais bien l'intention, de sortir avec Gab et de m'amuser un peu. En quittant le manoir, j'échappais à la surveillance de Paul et donc à celle de Charles. De plus, j'avais mon rendez-vous hebdomadaire chez ma psychologue jeudi.

- Puis-je vous laisser Squeezy ? Je pense qu'il ne supporterait pas de réintégrer un espace aussi exigu que mon appartement. Vous pourrez le laisser sortir dans le parc, je suis sûr qu'il adorerait ça.

Paul secoua une seconde fois la tête sans oser prononcer un mot. Il avait l'air très ennuyé, sans doute tiraillé entre sa loyauté envers Charles et ses ordres de faire tout ce que je lui demanderais. Voilà deux recommandations qui s'avéraient aujourd'hui trop contradictoires.

- Très bien, pas un mot à Charles ! réitérai-je. J'aurais besoin de mes clés de voiture.

Je vis dans le regard de Paul de l'hésitation. Ça ne dura pas très longtemps, mais assez pour que je la perçoive. Croyait-il qu'il allait me retenir ici juste en refusant de me donner mes clés de voiture ?

- Avec votre cheville, je ne suis pas certain que cela soit une bonne idée Mademoiselle Maggie ! Je peux vous conduire où bon vous semblera si vous le désirez.

Il n'était vraiment pas bête celui-là. Il avait compris qu'il ne me retiendrait pas ici, alors, il se disait sûrement que me transporter où que j'aille était un bon moyen de garder un œil sur moi.

- Mon pied va très bien, je peux conduire toute seule !

- Malheureusement je crains de ne pas pouvoir vous les donner. C'est Monsieur Potens qui les a !

- Vous vous fichez de moi ? grondai-je au bord de la crise de nerfs.

- Je n'oserais pas ! se défendit-il. Souhaitez-vous que je vous conduise ?

- Non, ça ira ! crachai-je en faisant volte-face.

Si Charles s'imaginait qu'il allait pouvoir maîtriser mes déplacements, il se fourrait le doigt dans l'œil. Je pris mon téléphone dans ma poche et composai le numéro de Gabrielle, folle de rage.

- Coucou ma belle ! claironna-t-elle presque instantanément. On se voit pour manger un bout ?

- Avant toutes choses je vais avoir besoin de toi !

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Charles est parti à l'un de ses voyages d'affaires et son homme à tout faire me retient prisonnière.

Bon, "homme à tout faire" c'était un peu insultant mais bon Dieu ce qu'il me tapait sur le système à cette heure-ci.

- C'est une plaisanterie ?

- Plus ou moins ! Tu crois que tu pourrais venir me chercher chez Charles ?

- Pas de problème, mon cours avec le grand Charles Potens a été annulé ! J'arrive tout de suite.

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