Chapitre 7 : La tombe

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- Vous voulez dire qu'ils sont morts ?

Elle afficha un air impénétrable :

- Je veux seulement dire que ça fait un bout de temps qu'on ne les a pas croisés.

Isis garde le silence et je m'efforce de retenir mes poings qui tremblent. La marchande reprend :
- De toute manière, s'ils ne sont pas morts, ils ont fui. Et étant donné que les soldats organisent d'immenses battues pour les retrouver, ils sont de toute manière condamnés.

- Pourquoi y a-t-il tant de soldats ici ?

A la remarque d'Isis, je me retourne de tous les côtés. Je ne vois pourtant rien ni personne qui puisse ressembler à un soldat. La dame affiche une mine surprise :

- Des soldats ? Mais de quoi parlez-vous ?

- Ne faites pas comme si vous ne saviez pas. Ils ont beau être en civil, ils restent soldats.

La femme se rembrunit :

- Je ne vois pas de quoi vous parlez. Et même s'il y avait des soldats, ils veillent simplement à notre sécurité. Maintenant je vous demanderai de partir, d'autres clients attendent.

- Nous y allons. Merci pour les tomates.

Isis agite la main et m'entraîne à nouveau dans une rue sombre.

- Cette femme mentait, sur les soldats, tout du moins. Et maintenant, je crois savoir où trouver de vraies informations. On dit bien que la vérité sort de la bouche des enfants.

Nous tournons pour une autre rue encore plus étroite que la première. Un enfant y joue seul à faire rebondir le ballon contre un mur. Isis s'approche de lui, il serre son ballon entre ses bras et fait un pas prudent en arrière.

- Laissez-moi tranquille !

Isis s'agenouille :

- On ne te veut pas de mal. On veut juste savoir deux-trois choses. Je te donnerai des tomates.
Comme pour prouver ses paroles, elle étendit les mains. A la vue de la nourriture, les yeux de l'enfant s'allumèrent d'une étrange lueur. C'est ça, la faim ? Le petit s'avança, un peu tremblant :
- Tout ?

- Tout.

Il sourit :

- Vous voulez quoi ?
- Qu'est-ce qui s'est passé depuis que la princesse a été éjectée du Trône ?- Les gens ont attaqué le palais. Il paraît qu'il y avait plein de traîtres dans le palais, qui ont aidé à tuer le roi et la reine. Je crois que c'est vrai, moi, parce qu'il y a pas longtemps un monsieur qui disait qu'il savait qui était les traîtres a été pendu. Et ensuite un drôle de monsieur qui ne quitte jamais son masque a pris le pouvoir.

Je frissonne. Le « drôle de monsieur » qui a tué mes parents.

- Est-ce que tu as remarqué des changements de la part des soldats ?- Ah oui, madame. Ils essaient de se déguiser en nous pour mieux nous surveiller, mais on n'est pas dupes. Ils punissent le vol par la mort, et aussi les simples affronts. Et ils nous piquent notre nourriture. La semaine dernière, ils ont arrêté mon copain Rémi parce qu'il avait volé trois choux. Je crois qu'ils l'ont enfermé. Des fois, quand ils marchent plus droits ils crient des trucs sans sens, quand ils sont...

Il fait une pause comme pour se souvenir d'un mot.

- Saouls ! Eh ben, quand ils sont saouls, ils tapent tous les gens qu'ils croisent, et une fois j'en ai vu un... avec... une madame... qui criait...

Il secoue la tête comme pour chasser une image.

- Du coup plus personne sort le soir. On a trop peur.

- Et la princesse ?

- Quoi, la princesse ?

- Est-ce qu'elle est vraiment morte ?

- Pourquoi vous voulez savoir ça ?

- Pourquoi pas ?

- Nan. Elle est pas morte. Je le sais bien, moi, j'étais même venu à la cérémonie avec mon bâton pour lui taper dessus si elle tombait. Je l'aime pas trop. Je crois pas qu'elle en ait vraiment quelque chose à faire de nous.

- Et donc ?

- Et donc quand elle est tombée, elle est pas tombée de mon côté, j'étais un peu triste. J'ai couru très très vite pour aller vers elle. Je suis arrivé quand elle venait à peine d'atterrir. Et après quelqu'un de masqué est venu et a assommé les gens les plus proches, avant de récupérer la dame et de s'enfuir. Quand les soldats sont arrivés, ils ont dit qu'on devait dire à tout le monde que la princesse était morte, et qu'elle le serait de toute façon bientôt. Et ils ont dit que si on le faisait pas ils pendraient nos familles. Du coup la rumeur s'est répandue, et maintenant tout le monde dit qu'elle est morte. C'est pas vrai. C'est tous des menteurs.

Il termine d'une voix hésitante avant de demander :

- Je peux avoir mes tomates ?

Isis lui les tends et il murmure un merci. Mon amie commence à fouiller dans sa poche et lui tend un portemonnaie brodé.

- Garde l'argent mais débarrasse-toi de la bourse. Je ne l'ai pas acquise de manière très légale.

Le petit la prend et l'entrouvre. Il laisse échapper un hoquet de stupéfaction.

- M...merci madame.

Et il tourne les talons avant de s'enfuir dans la ruelle.

Nous faisons demi-tour et je reste silencieuse. Est-ce que tout le monde pense comme lui ? Et surtout... est-ce que tout le monde a les côtes saillantes de la même manière ? Je prends enfin la parole :

- C'est... atroce. Je ne comprends pas comment les soldats peuvent infliger ça à une population volontairement.
Elle ouvre de grands yeux :

- Tu n'avais... jamais vu quelqu'un qui avait faim ?

- Non.

- Je veux dire... tu sais que la faim était déjà là à l'époque où tu étais princesse, non ?

Face à mon silence, elle se rembrunit et dit d'une voix amère :

- Je suppose que personne n'avait faim, dans ton palais doré.

Je lui presse l'épaule :

- Isis. Je... je suis désolée. Je veux dire...

Elle sourit doucement :

- Ce n'est pas ta faute. Excuse-moi d'avoir été cassante. C'est juste que je fais partie des gens qui... n'obtiennent pas leur nourriture de la même manière. Nous avons plein de ressources dans la forêt, mais certaines choses y sont introuvables. Souvent je vole. Mais que les riches.

- D'ailleurs, à qui avais-tu volé la bourse ?

- Je sais pas. Un bourgeois. Cet idiot la gardait accrochée à son pantalon.

Le silence s'installe. Une question franchit mes lèvres, presque contre mon gré :

- Depuis combien de temps penses-tu que cette mascarade était prévue ?

- Pardon ?- Il y avait des traîtres à l'intérieur même du château, le petit nous l'a dit. Et l'action des soldats était trop organisée pour être spontanée. Et cet homme au masque, il n'aurait pas pu se placer au pouvoir sans avoir de sérieux alliés. Et il est arrivé comme par hasard au bon moment.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?- Ce que je veux dire, Isis, c'est que cet homme avait tout prévu. Qu'il avait juste besoin d'un élément déclencheur, de quelque chose qui placerait le royaume en position fragile. Qu'il savait que j'échouerais.

*J'aurais besoin d'une nouvelle cover, est-ce que vous auriez quelqu'un à me conseiller ? :)*

Valandia. T1_MauditeWhere stories live. Discover now