Le chasseur de fantômes

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Le chasseur de fantômes
© Rose P. Katell
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Le miroir du vestibule renvoya une image satisfaisante à Théodore Martin, qui s'autorisa un sourire ravi. Rien ne le mettait de meilleure humeur que l'instant escompté où il recevait le fameux coup de téléphone, celui qui ne manquait jamais d'arriver lorsqu'on avait besoin de ses services.

Il jubilait ; même les plus sceptiques finissaient par l'appeler tant sa notoriété grandissait dans les environs, une notoriété qu'il entretenait grâce à de nombreux prospectus.

Il se recoiffa à l'aide de sa main, puis se pencha afin d'ouvrir le tiroir du meuble installé sous la psyché. Il y attrapa une paire de lunettes rondes aux verres émeraude et la glissa sur son nez. Sa vue était excellente, cependant l'excentricité de l'accessoire augmentait sa crédibilité. À croire qu'exercer un métier « dingue » nécessitait une allure qui le hurlait... mais qu'importe ! si un look loufoque lui permettait de gagner la confiance de ses clients, il était prêt à sacrifier son style.

Ses baskets chaussées, il enfila la redingote qu'il avait dénichée en brocante, puis empoigna sa valise brune sans se soucier des fils et câbles qui en débordaient. L'heure était venue de se diriger sur le lieu de sa nouvelle tâche, où il se devinait très attendu – les personnes qui mandaient sa présence étaient impatientes de le voir s'activer.

Théodore referma sa porte d'entrée derrière lui et s'éloigna de son logis d'un pas calme et mesuré. L'habitation du couple Simon-Leroy se situait dans son quartier, aussi avait-il choisi de s'y rendre à pied ; il ne doutait pas que plusieurs regards indiscrets le surprendraient en train de déambuler dans les rues, chuchotant à son passage, et toute publicité était bonne à prendre – les rumeurs sur sa profession, fussent-elles vraies ou fausses, contribuaient grandement à son petit commerce.

D'un œil distrait, il observa les alentours. Le ciel était dégagé, le soleil réchauffait les visages des quelques promeneurs et égayait les ruelles d'ordinaire monotones. Il aurait souhaité un temps plus nébuleux, car bénéficier d'un coup de pouce de la météo lui apportait un aspect théâtral qu'il affectionnait beaucoup. Néanmoins, il ne se plaignit pas : la caresse de l'astre diurne était plaisante et sa balade le détendait.

Lorsque Théodore songea à la liasse de billets que son intervention allait lui rapporter, sa quiétude se transforma en une excitation qu'il eut du mal à contenir.

Il adorait sa vie !

La demeure des Simon-Leroy lui apparut. Il s'agissait d'une vieille bicoque autrefois fastueuse, le genre de maison que les familles habitaient de génération en génération – le genre de maison qu'il préférait.

Théodore approcha et s'engagea dans l'allée pavée. Les occupants se tenaient sur le seuil. Osaient-ils encore pénétrer chez eux ? Rien n'était moins sûr. Leurs traits exprimaient un mélange d'angoisse fébrile et d'espoir.

Il les salua d'un signe du menton et se réjouit des œillades qu'il intercepta sur ses vêtements, du jugement rapide dont il était la victime. Son entrée en scène avait produit son effet, ses gagne-pains du moment étaient intimidés. Le reste serait un jeu d'enfant !

Le chasseur de fantômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant