Lorsque le jeune homme se réveilla,son doigt lui démangeait atrocement. Lorsqu'il regarda son index, il fût surpris de voir une trace de morsure comme une petite paire de dents aiguisés s'était plantée dans sa chair. Peut-êtres'était-il cogné le doigt contre sa table de chevet en dormant ?Ou bien s'était-il mordu lui-même dans son sommeil ? Ce qui expliquerait le rêve effrayant de cette nuit.

Aleksandre passa sa journée chez sa voisine, une dame d'une quarantaine d'années, qui était également sa professeure de piano depuis qu'il avait huit ans. Lorsqu'il rentra le soir, le vent soufflait et le soleil s'apprêtait à tirer sa révérence, ses rayons de lumière orangés zébrant le ciel sans nuages. Il ne pensa plus au rêve de la nuit dernière et oublia également sa blessure au doigt.

Cependant, la nuit venue, il ressentit une sorte de frisson lui parcourir le corps malgré la fenêtre fermée et l'absence de courant d'air. Il se sentait observé. Il mit du temps à s'endormir et lorsque le sommeil lui parvint, il refit le même rêve que la nuit dernière. Paralysé sur son lit, il tentait de crier mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il entendait la plante humanoïde ramper sur les dalles de sa chambre. Dans la pénombre, il vit la créature se hisser lentement sur son lit et sentit ses crocs se planter dans sa chair.


Il se réveilla en sursaut, la respiration haletante. Scrutant autour de lui, il s'aperçut qu'il faisait jour. Les rayons de soleil éclairaient la chambre à travers les longs rideaux violets qui se laissaient bercer par la brise matinale.

Devant le miroir, le jeune homme découvrit son teint plus pâle que d'habitude et les cernes qui se dessinaient sous ses yeux. Ses cauchemars l'empêchaient d'avoir une bonne nuit de sommeil et cela se ressentait fortement sur son visage ainsi que dans son corps. Aleksandre était fatigué.

Il descendit prendre son petit déjeuner en compagnie de son père qui lisait le journal et de sa mère, occupée à préparer les toasts. Même s'il n'avait pas vraiment faim, Aleksandre commença à manger son plat en mâchant lentement à chaque bouchée et jetant des coups d'œil à la couverture du journal de son père, assis face à lui.

En reportant son attention sur son plat, son regard atterrit sur son pouce et il eût la stupéfaction d'y voir une trace de morsure. Soudain, il lui vint à l'esprit qu'hier soir, avant de se coucher, sa fenêtre était fermée, or ce matin, au réveil, les fenêtres étaient légèrement entrouvertes. Les yeux écarquillés, le jeune homme resta un moment,les yeux fixés sur son doigt rouge et gonflé.


Le soir suivant, Aleksandre prit le soin de fermer les volets et les fenêtres avant de fouiller la chambre de fond en comble vérifiant chaque recoin. De nombreuses pensées défilaient dans sa tête et une petite voix lui disait que ce n'étaient que des cauchemars, qu'il avait dû mal fermer les fenêtres et qu'il avait dû se mordre le doigt lui-même dans son sommeil.

Ses mains enveloppées dans des moufles en laine, il se posa dans son lit et ramena la couverture sous son menton. Cette nuit, il dormirait avec la lampe de chevet allumée même si cette histoire était stupide et que ce n'était forcément qu'un rêve, mais juste au cas où... Le jeune homme n'avait pas sommeil, ses yeux étaient ouverts scrutant l'obscurité de la chambre dans lequel il était plongé.

De temps à autre, il lui semblait entendre des chuchotements mais ils provenaient sûrement de la chambre de ses parents qui se trouvait de l'autre côté du mur. Bien que luttant contre le sommeil, son corps engourdi finit par sombrer dans l'inconscience et ses paupières tombèrent lourdement malgré lui.


Un petit « boum » le sortit brusquement de son sommeil. Se redressant rapidement sur son lit, il constata l'absence de lumière de la lampe de chevet mais lorsqu'il essaya de rallumer celle-ci, elle ne fonctionnait pas. Le cœur battant à tout rompre, Aleksandre se leva et courut vers l'interrupteur de la chambre.

Les volets et les fenêtres étaient toujours clos. Tout semblait être normal. Mais lorsqu'il observa plus attentivement, il remarqua de petites miettes de couleurs marron éparpillées sur le sol. Il s'en approcha lentement. De la terre.

Un grincement se fit entendre derrière son dos et c'est à ce moment-là qu'il la vit. Une créature hideuse et repoussante, une plante rabougrie avec une peau marron verdâtre toute ridée. De longues feuilles vertes grasses sortaient du sommet de son crâne et des pattes minuscules rallongées par des racines l'aidaient à faire ramper son petit corps. Une paire de yeux perçants le fixaient et des dents pointus sortaient de sa gueule avide. Aleksandre pût même apercevoir le sang séché – son sang,au coin de ses lèvres inexistantes.


Le lendemain, ne voyant pas son fils durant toute la matinée, Madame Evergreen monta à l'étage et frappa à la porte de sa chambre. Pas de réponse, la pièce était vide. Le lit était défait et les fenêtres et les volets étaient à moitiés ouverts. Aucune trace, aucun signe.


Quelques jours plus tard, Aleksandre fût déclaré porté disparu, évaporé dans la nature.


(Nouvelle fantastique écrit pour Rémy, mon frère de cœur!)

La mandragoraWhere stories live. Discover now