Une collocation difficile

Depuis le début
                                    


- Tu veux encore de la salade ? Demandé-je au gosse en lui tendant le saladier.

- Je veux bien, merci.

Comme chaque midi, nous déjeunons au haras, avec Jerry et Sophie. Une discussion plutôt animée du couple nous met mal à l'aise, Sam et moi. Nous restons silencieux en déjeunant, tandis que Sophie gueule avec toute sa rage sur Jerry, qui se retrouve toujours sans défense devant sa femme. L'amour est une faiblesse à laquelle je ne me confronterai jamais, hors de question. Nous mangeons vite, et quittons le chalet sur la pointe des pieds.

- Ouf ! S'exclame alors Sam. J'ai cru qu'on allait se prendre des projectiles perdus.

- Ça n'est jamais arrivé jusque-là.

- Tant mieux. Qu'est-ce qu'on fait cet après-midi ?

- Hum... Joyce et Panther sont au pré. On a bien travaillé ce matin, donc si tu veux on peut rentrer.

- Ok !

Je lui donne une tape amicale sur le dos et nous nous dirigeons, souriants, vers la voiture.


- Tu t'es bien installé, à ce que je vois, dis-je doucement.

Je suis appuyé contre l'encadrement de la porte ouverte de la chambre de Samuel. Ce dernier s'est allongé et lit tranquillement. La pièce est meublée d'un grand lit, d'une armoire et d'un bureau. C'est tout ce qu'elle contenait avant son arrivée. Maintenant, plusieurs petits bibelots lui apportent une touche de jeunesse. Des posters, des photos et des tableaux sont accrochés au mur. Un ordinateur portable et quelques romans sont posés sur le bureau.

- Je me sens bien ici, dit-il simplement.

- Tant mieux, c'est le but. Je peux entrer ?

- Fait comme chez toi.

Piqué dans ma curiosité, je m'avance vers le mur où sont scotchées une dizaine de photos. Je les examine une à une, repérant sur certaines le regard noir de mon colocataire. Pendant ce temps, il arrête sa lecture et m'observe attentivement, tandis que je pointe le doigt sur l'une d'entre elles. Elle est placée au milieu de toutes les autres, et me semble être la plus importante pour lui.

- C'est ma famille, intervient Sam en se levant. Nous étions en forêt, pour un pique-nique à Pâques. C'était une belle journée...

Le gosse semble se perdre dans ses pensées, son regard s'est attristé, et je tente comme je peux d'ignorer ce nouveau pincement au cœur, bien plus fort que les précédents.

- Au centre, tu as mes parents, désigne-t-il. Judith et Patrick, moi, je suis celui qui est entre eux et les deux gamines devant moi sont mes petites sœurs, Ruby et Saphyr, des jumelles.

- Vous aviez l'air heureux.

- On l'était, c'est le mot.

Il détourne le regard et s'apprête à quitter la pièce quand je l'intercepte en lui attrapant le poignet. Le tirant d'un coup sec, je l'attire vers moi et resserre mon étreinte sur son dos. Sa tête vient se nicher naturellement dans mon cou. Mais qu'est-ce que je fous ? Samuel semble d'abord surpris, puis il se laisse aller un instant contre moi en me tenant les bras. Finalement, il s'éloigne et affiche un petit sourire.

- Merci.

- Sam...

- Quoi ?

- Il faudrait peut-être que... Tenté-je de dire.

- Non ! Je ne veux pas les voir !

- Ne dis pas ça ! Tu sais très bien que c'est faux ! Tu as besoin d'eux et ils te manquent ! Sinon, tu n'aurais pas toutes ces photos...

Il me fusille du regard, avant de quitter la pièce en trombe. Je le talonne, bien décidé à ne pas lâcher le morceau.

- Arrête de me suivre, Aidan, grogne-t-il alors que nous pénétrons dans la cuisine.

- Non, pas tant que tu n'auras pas reconnu le fait que ta famille te manque.

Le gamin soupire bruyamment en s'asseyant sur l'une des chaises. Il me lance un regard prédateur, je crois que je viens de me faire réprimander.

- Evidemment... Qu'ils me manquent. Surtout mes petites sœurs... Avoue-t-il dans un souffle.

- Pourquoi ne pas aller les voir ?

- Mes parents m'ont dit que si je partais, ce n'était pas la peine de revenir. Je ne serais pas le bienvenu. Je préfère m'effacer, pour ne pas faire souffrir davantage Ruby et Saphyr.

Ses poings sur la table sont tellement serrés qu'ils en tremblent, son regard est baissé et sa bouche ne forme plus qu'un trait dur. Je me sens impuissant... Je reste un instant fixe, debout devant Sam, qui se tait. Lorsque je vois des larmes perler aux coins de ses yeux, je suis incapable de rester et pars m'enfermer dans ma chambre.

Bon sang ! Ce gosse ne rate jamais une occasion de me mettre mal à l'aise, c'est perturbant. Depuis qu'il est arrivé au haras, il n'a fait qu'occuper mes pensées, en toute circonstance. Samuel Reed... Je sors mon ordinateur portable.

Une demi-heure plus tard, j'ai obtenu les informations que je voulais, mais je suis maintenant dans une impasse. Qu'est-ce que je dois faire ? Et s'il m'en voulait ? Je peux toujours essayer, et s'ils m'ignorent, je n'en parlerai pas à Sam. Ouais, fais donc ça. Je prends une grande inspiration et quitte la chambre. Dans l'entrée, j'enfile ma veste et m'apprête à sortir quand je me ravise pour prévenir Sam de mon départ. Je toque doucement à sa porte, il ne répond pas.

- Je sors, j'ai un truc à faire dehors. Je ne devrais pas en avoir pour longtemps.


La maison est sympathique. En pleine campagne, ils doivent être tranquilles. C'est surement le cadre idéal pour une famille. Je m'avance en roulant doucement sur le chemin de caillasse et m'arrête sur l'une des places de parking, à côté de la demeure des Reed. Après avoir calmer ma respiration, car oui je stresse malgré moi, je descends de ma voiture, et vais toquer directement à la porte.

- Bonjour, il y a quelqu'un ? Je m'appelle Aidan Baker, je suis venu vous parler de votre fils, Samuel ! Crié-je.

Après un court instant de silence, j'entends la porte se déverrouiller puis elle s'ouvre sur Patrick Reed, le père de mon ami.


Pdv Samuel

Lorsque la porte d'entrée se referme doucement, je pousse un léger soupir. Aidan a le don d'abaisser mes défenses sans que je ne m'en rende compte. Sans parler de ce satané cœur, qui bat sans cesse la chamade quand il se rapproche de moi. Ma chambre est mon refuge, et aujourd'hui je l'ai laissé y pénétrer. Je me sens bien ici, et je ne me suis jamais senti autant à ma place que lorsque je monte Panther. Pourtant, il est indéniable que l'absence de ma famille laisse un trou béant dans ma poitrine. J'ai envie de les voir... J'aimerais que mes sœurs voient mon cheval, je suis sûr qu'elles l'adoraient. Malgré tout, Aidan arrive à me faire penser à autre chose. D'ailleurs, il suffit qu'il me sourît pour que je perde instantanément la mémoire. Il est beau à en crever... Mais je ne peux pas le lui avouer... Non, si je devais lui apprendre que ma famille m'a jeté dehors non seulement à cause de l'équitation mais aussi et surtout par rapport à... mes goûts, il me foutrait dehors instantanément lui aussi à son tour !

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Je vous offre ce nouveau chapitre plus rapidement que prévu, pour vous remercier pour les 100 vues. C'était un petit objectif que je voulais atteindre, et grâce à vous, c'est fait ! Merci encore et bonne lecture !

Des bisousss

AlyEmKara <3

Un Amour InattenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant