Chapitre 21

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Nous arrivâmes au village. Je vis que tout le monde s'activait autour d'une grande table, dressée près de la rivière. Un grand repas se préparait. Tom m'expliqua qu'il était temps que je rencontre un peu le reste de la tribu et qu'il avait organisé un dîner dans ce but.

On mangea dehors tous ensemble, Cham, Delsin et Bly, Sakari, son époux Jolan et Sora leur fille, Ehawee et son frère Anoki qui était allé à la chasse avec Bly aujourd'hui et j'avais également fait la connaissance d'Amarok, le mari de Migina. Ils avaient la vingtaine, je dirais. Migina nous annonça qu'elle aurait un garçon, et je me demandai comment elle pouvait en être sûre sans échographies ni cliniques dans le coin. Mais la transe permettait de se voir de l'intérieur, elle avait donc pu vérifier ce matin avec l'aide de Delsin que le bébé était en bonne santé et que ce serait un petit homme. J'étais étonnée qu'elle soit venue après son attitude chez Delsin. Elle resta collée à son mari et garda ses distances, mais elle était quand même là. C'était une belle soirée d'été indien et les deux cerfs chassés aujourd'hui étaient en train de cuire à la broche. Une compote de pommes airelles avait été confectionnée par les cueilleuses et Ehawee avait rapporté des carottes et des oignons pour nous concocter une sauce succulente.

Je remarquai que les personnes que je ne connaissais pas gardaient leurs distances et ne me parlaient pas. Je me sentis tellement gênée et peu à ma place que j'eus l'envie de rentrer me coucher, sauf que, me rappelant ma grotte, je me dis que je n'étais pas plus mal ici, assise parmi ces inconnus. Et puis, Tom ne me lâcha pas d'une semelle et si les gens désiraient lui parler, ils étaient obligés de s'approcher. Delsin, Bly, Sakari et même le chef vinrent papoter avec moi, histoire de me mettre à l'aise et de prouver que je ne mordais pas, mais ça empirait encore mon sentiment de gêne tant j'eus l'impression qu'ils se forçaient par politesse. Déjà qu'en temps normal, je n'étais pas douée pour créer des liens. En ce moment, je crois que je serais plus à l'aise au milieu d'une meute de loups !

J'en étais là dans mes idées noires quand Sora vint tirer sur ma manche et réclama son histoire avant d'aller se coucher. C'est soulagée que je la suivis pour la lui conter. J'avais enfin une excellente raison de m'éclipser ! J'allai m'adosser à un arbre un peu à l'écart, assise par terre, comme la première fois et Sora vint tout naturellement s'asseoir entre mes jambes et me tendit le livre. Je pouvais enfin me détendre et relâcher la pression. Je me plongeai dans la lecture de l'histoire d'une petite fille perdue, qui cherche son chemin et rencontre plein de personnages différents qui tous lui apportent quelque chose. Le livre était en anglais et si j'avais fait des progrès indiscutables, mon accent était toujours très perceptible et de temps en temps, la petite me reprenait sur un mot qu'elle prononçait à peine mieux que moi, mais, moqueuse, elle éclatait de rire à chaque fois que je tentais de reprononcer le mot difficile. C'est donc entre deux éclats de rire de ma petite fée, qui tintaient joyeusement dans la forêt, que je tentai de lire l'histoire, ayant bien du mal à arriver au bout.

Quand le livre se referma, je relevai la tête et je surpris des regards curieux qui glissaient vers moi. Toutes traces de peur et de méfiance avaient à présent disparu et la bienveillance et l'amabilité les remplaçaient. Jolan vint récupérer sa fille pour la mettre au lit et me remercia avec un sourire. Et c'est Ehawee « celle qui rit » qui s'approcha doucement et me tendit la main pour me relever.

— Merci, murmurai-je en tendant le bras.

Apparemment, ici comme chez nous, la vérité sort de la bouche des enfants... Et les adultes avaient décidé de faire confiance à Sora.

— Je m'appelle Ehawee, me dit-elle. Tu peux m'appeler Ewy. Et, pour tout te dire, tu n'es que la deuxième étrangère à qui je parle. La première était...

Un oiseau en cageWhere stories live. Discover now