1- L'Oiseau

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Hiver 3150

Je me sens tomber. Lentement et sûrement. Tout autour de moi, les ombres se mélangent pour former une masse étrange et sombre. L'obscurité m'enveloppe comme pour m'enfermer ou me protéger ? À ce stade là, je ne sais plus.

Je voudrai tant que ce soit un rêve, à l'image de tous ces cauchemars que je traverse chaque nuit. Je voudrai être soudainement réveillée, tout de suite, et me rendre compte que je suis à l'abri, dans mon lit, le front perlé de sueur et les yeux à moitié ouverts sous les rayons de lune. Mais non, pas cette fois. Je suis à peu près certaine que ce n'est pas une de mes épopées nocturnes et surtout imaginaires.

Je ne suis pas dans un rêve, où mon esprit flotte entre l'inconscience et l'éveil brut de mon inconscient. Non, je suis totalement consciente de ma chute mais il se peut que je sombre dans le coma une nouvelle fois, si je m'écrase sur le sol. Je prie pour que ce soir plutôt une perte de conscience et non d'essence, je ne me vois pas mourir ce soir. Ce serait tellement ridicule ! Je ne mourrai pas en héros comme dans les films, je le sais, mais bon, je songeais à une sortie un peu plus spectaculaire que celle-ci !

Mon dos percute soudain le rebord d'une fenêtre ce qui me permet une marge de quelques secondes pour ne pas finir en crêpe. Avec la plus grande rapidité, je m'accroche à la rambarde de l'étage du dessous. Sous le choc, j'entends un horrible craquement. Vu que ma main est toujours bien agrippée au métal de la barrière, il n'y a sûrement pas d'os cassés. Je souffle de soulagement, exempt de la peur qui m'avait habitée depuis mon dérapage sur le toit.
Je me suspends alors par les deux mains, la gauche étant un peu plus résistante que la droite, elle me permet donc de me hisser sur le minuscule balcon.

J'ai bien dû descendre une vingtaine d'étages, ça va être difficile de tout remonter. Mais je ne m'avoue pas vaincue. Je me suis déjà aventurée dans des endroits un peu plus insolites que sur la façade d'un gratte-ciel.

Mon souffle blanc se dessine dans la nuit, la température a bien baissé depuis tout-à-l'heure. Je devrais rentrer avant de finir en stalactite. La fenêtre à laquelle je fais face est fermée par de longs volets roulants dernier cri en aluminium. Je ne pense pas que le résident de cet appartement soit très content que j'éventre son volet et sa vitre pour que je puisse remonter.
En révisant toutes mes options, monter vingt étages où en descendre une trentaine, je pense préférer la première option, je suis déjà assez descendue comme ça pour cette nuit.
Je me prépare donc à escalader la façade quand j'entends un cri dans la nuit. Il n'a rien d'humain et je me rends assez vite compte, qu'il s'agit d'un oiseau. Le petit être se montre alors à quelques centimètres de ma tête, il virevolte dans la nuit. Ces yeux nyctalopes me fixent d'un air nonchalant. Il y a quelques mois, j'ai cru rêver en le voyant pour la première fois. Je n'avais jamais vu un volatile de cette espèce avant ce jour-là. Il se détache de tout ce que j'ai pu apercevoir jusqu'à présent. J'ai même douté de son appartenance à notre pays. Il se peut qu'il est migré jusqu'ici après la destruction de l'Empire des Aesha, mais c'est peu probable. Il doit rester autant d'animaux que de mages à Gyda. La moitié est du continent, Gyda, a longtemps été occupé par des magiciens surpuissants mais ils ont été éradiqués depuis bientôt deux ans.

Alors que je suis envoûtée par la danse de cet oiseau magnifique, je ne fais pas attention au volet qui s'ouvre derrière moi. Le soleil commence à disperser ses premiers rayons dans le ciel, l'heure à laquelle se réveille la personne qui vit à cet étage-ci, apparement.

Je me ressaisie juste à temps. En quelques secondes, j'arrive à m'accrocher à la façade et à grimper quelques mètres avant que le résident ne signale ma présence. Tout ce qu'il a dû voir de moi doit se résumer à une ombre furtive. Heureusement pour moi...

AeshaWhere stories live. Discover now