1. Le 31 foireux de Noé

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—    Dégage Noé, lance simplement Rose d'un ton sec, les bras croisés.

De la poche de ma parka, je sors mon paquet supra populaire d'UNO.

—    Allez, juste une partie !

Une partie et j'aurais le temps de me bourrer la gueule durant ce réveillon pourri. Je ne tiens pas très bien de tout façon, quelques shots et je serai assez pompette pour oublier ma rupture.

—    Dégage, répète l'organisatrice de la soirée en refermant la porte une fois l'ordre prononcé.

—    Vieille harpie ! Connasse ! craché-je énervé et offusqué par ce non si bref.

J'ai dû traverser toute la ville pour venir m'incruster chez elle. Et ma bouteille d'Ice Tea a déjà été liquidée lors du trajet. Misérable, il ne me reste plus que quelques centimes.

Un soupir, puis deux, puis trois. Je suis désespéré. J'ai besoin d'alcool et j'ai la tête d'un mec de 14 ans ce soir avec ma tenue. Comment pourrai-je passer pour un mec de mon âge auprès des vieilles caissières aux regards perçants à cran sur les lois ?

—    Bon bah, mon vieux, tu rentres chez toi, me marmonné-je en sortant de son jardin.

Mais flemme. Sincèrement, grosse grosse flemme. Qui a envie de rentrer chez soi, passer son 31 décembre dans sa chambre à bader sur sa vie ? Pas moi. Et puis après une rupture, je n'ai vraiment pas besoin de me retrouver seul face à moi-même. Non, surtout pas. Hors de question. Je ressemble déjà à une merde. Pas question que je commence à analyser toutes les erreurs que j'ai faites pour que mon couple foire. Et puis, je n'ai pas non plus envie de voir les posts et publications des ados de mon âge en train de s'amuser. OK, moi aussi j'ai envie de m'amuser, d'être superficiel en étalant ma vie parfois. Et puis ce n'est pas ma faute si tous mes potes y sont invités sauf moi. Tout ça parce que Rose n'a pas aimé que je lui foute un râteau en 6ème. Et bah écoutez, je savais pas encore que j'étais gay à l'époque mais j'étais déjà sûr à 200% qu'elle ne me plaisait pas, cette pimbêche !

Le petit quartier pavillonnaire me glacerait le sang sans les lampadaires rouillés qui éclairent la route. Parfois, j'ai l'impression de distinguer des masses flottantes environnantes. Ma paranoïa veut que je vois des fantômes à chaque coin de rue. Cool.

Une station de bus. OK, rassurant et logique. Peut-être que si je fais la manche, je ne frauderai pas le dernier soir de l'année. Rapidement, je repère une silhouette vers celle-ci et me rapproche le plus vite possible de la personne pour récupérer le plus de pièces possibles. Croisons les doigts pour que ce ne soit pas un ado paumé comme moi.

—    Bonsoir... débuté-je avec enthousiasme avant de m'arrêter net devant l'inconnue.

Une nana. Qui chiale. Peau caramel, crâne presque entièrement rasée en train de larmoyer. Lorsqu'elle relève son visage, un filet de morve coule de son nez. Elle est obligée de sortir un paquet de kleenex pour tout nettoyer.

Mon dieu, elle pourrait être si jolie si elle ne pleurait pas avec cette tête. On aurait dit que des forces invisibles tiraient sur ses beaux traits. Les gens qui trouvent l'humain beau quand il pleure... Foutaises, on est tous moche quand on expire notre âme dans nos larmes. Paroles de mec expérimenté.

Elle a posé ses yeux gris hypnotisant sur moi avant d'éclater en larmes de plus belle.

—    Tu ressembles à mon copain putain de bordel de merde.

L'inconnue s'est remise à sangloter et j'ai affiché une grimace, mal à l'aise.

—     Fin... mon ex-copain, se corrige-t-elle.

Le 31 des cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant