Partie 3

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Sans regarder en arrière, ils continuèrent à courir vers le château. Sur leur route, ils retrouvèrent les destriers qui, paniqués, étaient allés se réfugier dans la vallée.

Les deux cavaliers sautèrent en selle sans même s'arrêter et dirigèrent leurs montures vers la noble demeure.

De retour au camp, ils mirent pied à terre et furent accueillis par des applaudissements, mais Samuel les fit cesser d'un simple regard mauvais. L'heure n'était pas aux réjouissances, loin de là. Ils se retournèrent vers ce qui restait de Darhen et virent le dragon qui se couchait en boule au centre du village, prenant possession des ruines. Avec un peu de chance, les villageois survivants avaient réussi à s'enfuir dans les galeries du souterrain. Dans le pire des cas, ils n'auraient pas eu le temps de s'échapper et le tunnel se serait effondré pour les ensevelir. Ils ne le sauraient que lorsque les combats auraient cessé, s'ils pouvaient reprendre Darhen au nécromant et libérer l'entrée de la mine.

Brine et Samuel échangèrent un regard. La rousse crut y lire des reproches à son intention, comme si ce qui arrivait à la famille royale était de sa faute, comme si, par miracle, lui le prince guerrier, avait pu empêcher cela. La jeune femme préféra mettre ça sur le coup de la peur et de la colère contre les dragons. L'homme tenant encore son cheval par la bride, traversa le camp en distribuant ses ordres, constituant un groupe qui le suivrait au château. Brine l'escorta et rassembla armes et soldats sur leur route.

Les choses sérieuses étaient sur le point de commencer.

Les reptiles avaient continué leur avancée, obligeant l'armée à reculer toujours plus. Pris en étau entre le roi dragon et ses nombreux fils et filles rampants, Samuel et ses hommes n'eurent d'autre choix que de suivre le chemin menant au pont-levis baissé. De part et d'autre, les douves où coulait une rivière de sang, étaient remplies de cadavres de soldats qui s'étaient vaillamment battus pour défendre leur monarque. Le prince guerrier se jura de faire payer aux reptiles toutes ces morts cruelles.

Mais alors qu'il pénétrait dans la cour du château aux murs éboulés, il s'arrêta net, horrifié par le spectacle qui s'offrait à eux. Amunar était le roi-dragon, le père de tous les dragons actuels depuis plus de mille ans, une créature de feu si gigantesque que la forteresse paraissait presque trop petite pour lui. Les hommes pouvaient percevoir la chaleur que dégageait son corps et se mirent à transpirer dans leur armure de cuir. S'ils eurent envie d'ôter leur heaume, leurs gants et les différentes couches de tissus enveloppant leur visage, leur cou et leurs mains pour lutter contre le froid mordant de l'hiver, ils n'en firent rien, car toutes ces épaisseurs étaient leur frêle protection contre leurs terribles ennemis. Toutefois, en d'autres circonstances, Amunar aurait été le bienvenu pour les réchauffer.

—Amunar ! cria Samuel à l'intention du dragon. Quitte ces lieux et nul mal ne te sera fait, ni à toi ni à tes rejetons.

Pour seule réponse, la créature se mit à rire, secouant son imposante carcasse rougeoyant d'un feu intérieur. Sa gueule s'ouvrit sur des crocs rouges de sang. Entre ses griffes Samuel discerna des corps. Son cœur manqua un battement quand il reconnut ses fils et un des enfants de son frère.

— Samuel ! entendit-il à sa droite. Le prince tourna vivement la tête dans cette direction et accourut. Son roi, son frère, était retenu à plusieurs mètres au-dessus du sol par des liens invisibles contre un mur à moitié écroulé de la muraille. Samuel, je t'en prie. Sauve-les ! Guérand porta son regard vers les petits.

Samuel sentit alors une main lui attraper doucement le bras. Brine s'était approchée de lui et lui désignait d'un index tremblant deux corps inanimés aux pieds de la créature de feu. Il y avait un enfant étalé de tout son long, immobile, gisant dans une marre de sang, au côté d'une femme à la longue robe rouge. Leurs vêtements étaient en lambeaux, mais les longs cheveux noirs éparpillés de l'enfant ne trompaient pas. Il s'agissait de Lucie.

SacrificeWhere stories live. Discover now