17 : Les conditions

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"Répétons les conditions, insistait Agathe."

Je soupirai bruyamment, tout de même consciente que je ne pouvais refuser. J'observai une dernière fois mon reflet dans le miroir que j'avais préparé pour la soirée de Lili. J'avais mis un jean mom déchiré qui était suffisamment taille haute pour cacher le ventre que mon crop top menaçait de dévoiler, avec mes Dr Martens tachée de peinture. Un collier ras-du-cou ornait ce dernier et l'eye-liner ajouté au mascara rendait mon visage convenable. J'avais abandonné l'espoir de cacher les quelques boutons qui s'étaient logés sur mon visage.

"Arrête de t'admirer, me charria Agathe avec un sourire narquois.
- Je ne m'admire pas ! protestai-je."

Je vérifiais simplement que ma tête était potable. Je sais, c'était ridicule d'accorder tant d'importance à son physique, il n'empêche que je ne pouvais m'en empêcher. Ce qui était pour de me déplaire.

Alors qu'Agathe m'emmenait chez Lili, elle me répéta encore et encore les "conditions".

"Interdiction formelle et non négociable de boire, fumer, ou faire quoi que ce soit d'autre d'illicite. Sous peine de grave répression. De plus,...
- Interdiction formelle de rentrer le lendemain "la tête dans les choux". Bien sûr, obligation formelle de poursuivre les efforts à l'école. Récitai-je, blasée."

Agathe hocha la tête d'un air angoissé. Je me sentais coupable qu'elle se fasse tant de mourons pour moi. Alors, une fois arrivées, je me penchai vers elle et lui déposai un baiser sur la joue.

"Tout va bien se passer.
- Envoie-moi des messages pour me tenir au courant, ma chérie."

Je me sentis défaillir devant tant d'émotion venant de ma maman adoptive. Se pouvait-il qu'elle m'aime autant ? Je mourrai d'envie d'y croire. Mais, inconsciemment, je doutais de la sincérité d'Agathe. C'était indescriptible... comme si elle me mentait, en permanence. Chassant ces mauvaises pensées, je sortis de la voiture en lui offrant un ultime sourire.

"Thylou, tu es arrivée ! s'écria Lili."

Je haïssais que l'on m'appelle Thylou. Tout cela ne me ramenait que trop bien à elle. Pas question de te relaisser aller comme l'autre fois ! m'ordonnai-je, furieuse contre moi-même. Je devais reprendre le contrôle de ma personne et chasser les mauvaises ondes qui l'avaient dévastée. C'est donc avec un grand sourire que je saluai tout le monde. Lili rayonnait devant tout ses invités, comme d'habitude. Ses cheveux épais et bouclés étaient ramenés en un imposant chignon et ses yeux verts d'eau ressortaient sur sa peau parsemée de magnifiques tâches de rousseur quasi imperceptibles. Tout le monde cherchait à attirer son attention.

Qu'elle ne fut pas ma surprise en découvrant successivement Matth et Olenka ! Je serrai Farah fort dans mes bras, heureuse de revoir mon amie que j'affectionnais tant. Je remarquai avec amusement que Léo avait passé ses bras musclés autour du cou de sa petite amie, qui se débattait en grommelant qu'elle n'avait pas besoin d'être pouponnée. Je restais longtemps à les observer, envieuse. Alors que mes pensées dérivaient vers un certain rouquin, une voix s'écria :

"Sam !"

Je me retournai aussitôt avant de me racler la gorge. Une fois de plus, mon rouquin faisait une entrée remarquable. Sans en faire des tonnes, dans un simple t-shirt noir et un sarouel marron, il fit la bise à tout le monde. Je lui accordai un immense sourire qu'il me retourna.

"Tu es super jolie, Thy'.
- Tu n'es pas trop mal non plus ! Riai-je."

Mais, l'instant d'après, Lili s'avança vers Sam et commença à lui taper la discute en m'ignorant royalement. Pas question que je boude comme à la dernière soirée ! Je suis là pour profiter.

Je m'avançai donc vers Matth, qui discutait avec un certain Nasrin. Nous parlions un peu, mais je ne pus m'empêcher de lui demander :

"Je ne savais pas que tu appréciais Lili.
- Je te retourne la remarque, lâcha plus que froidement Matth."

Un peu blessée par son ton, je rétorquai d'un ton léger pour le rassurer :

"Finalement, ça va. Je me suis trop vite fiée à mes premières impressions la concernant.
- Mouais.
- Et toi ? insistai-je doucement.
- Je me suis pas venue pour Lili."

Alors que je fronçai les sourcils, Matth désigna Olenka d'un mouvement de menton. Cette dernière, dans un t-shirt oversize très décolleté et une jupe noire, parlait avec Anna et Zoé. Matth avait l'air obsédé par sa personne et ne cessait de la dévisager. C'est vrai qu'Olenka était jolie. Elle n'avait peut-être pas les formes de Lili, mais sa silhouette longiligne lui donnait un certain charme. Sa crinière blonde foncée et ses yeux verts froids lui donnaient d'autant plus un air attirant. Mais la belle blonde ne semblait pas se préoccuper de Matth.

"Tu l'aimes ? demandai-je brutalement pour guetter sa réaction à chaud."

Ses yeux écarquillés ne me trompèrent pas.

"Et c'est réciproque ? ne pus-je m'empêcher d'ajouter.
- Ça l'était, soupira Matth."

Je compris qu'il ne se confierait pas plus à moi. Lili s'avança soudain vers nous, dans sa démarche assurée et irrésistible. Je ne pus m'empêcher de reculer un peu. Cette fille m'intimidait énormément, et je craignais ses actes à envers moi.

"Tu as pu venir, Matth.
- Comme tu le vois...
- Mais je devine que tu n'es pas venue pour le plaisir de me regarder."

Matth se figea. Lili poursuivit en souriant d'un air sincère :

"J'espère que les choses vont s'arranger, avec elle.
- Moi aussi, balbutia Matth. Merci beaucoup.
- C'est normal. Je ferai tout pour rendre les gens heureux."

Elle nous décocha ensuite un ultime sourire débordant de chaleur, et je lui rendis. Elle rejoignit alors Sam, qui l'observait d'un air fier et approbateur.

Quant à moi, ma tête tournait. Plus je la découvrais, plus Lili me paraissait généreuse et appréciable. Et si j'avais eu faux sur toute la ligne, sur son compte ? Peut-être était-elle la fille la plus honnête d'entre nous... Un peu chamboulée, j'allais me servir un verre, sans penser à l'avertissement d'Agathe.

Se détruireWhere stories live. Discover now