22 juin

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Il s'est enfin décidé.
Au départ, comme l'autre fois, de son pas hésitant on pouvait entendre sa tête criait de faire demi-tours.
Son coeur lui, lui donnait la force de venir s'assoir à cette terrasse, à la même table, là où un café froid l'attendait.

« Désolé d'avoir mis autant de temps. »

Il tourne la tête de chaque côté pour vérifier que personne ne puisse l'entendre.

« J'aime pas fréquenter ce genre d'endroit. La prochaine fois je préfèrerai le quartier, c'est mieux, depuis que je suis rentré, je me sens un peu mieux. Pas totalement. Mais vite fait, tu vois. Enfin on s'en bat les couilles pas vrai ? T'es pas là pour entendre mes chichis à deux balles. Ouais, ça t'en a rien à foutre. »

Il sort alors de la poche de son jean, un paquet de cigarette et en attrape une entre ses lèvres le temps de chercher un briquet dans les multiples poches de sa veste.

« Tu vois, je suis obligé de fumer une cig' comme tous le monde parce qu'ici, on fume pas de joint. Putain. »

Il semble agacé comme si on l'avait forcé à être là. Il allume sa cigarette et boit une gorgé de son café froid.

« La prochaine fois te donne pas tant de mal. J'aime pas le café de toute façon... Quoi ? J'aime plus. Bon ok, j'aime mais voilà il est pas bon. T'aurai pu choisir le bar du coin, les terrasses zehma soleil plein et tout. Non, c'est pour les rencards, les plans, tu vois. Quand t'essaie de gérer une gonz' tu sors le grand jeu ; de belles sappes, un parfum à la mode qui les fait chaviré, des lunettes Dior qui passent crème et pour finir une belle grosse montre pour lui montrer que tu la traiteras comme une princesse si jamais elle se laisse emporter. »

Il baisse la tête et sourit.

« Elle, elle avait pas besoin de tout ça. »

Sa cigarette à moitié consumé, son regard fuyant reflétait l'état de ses pensées à ce moment-là.

« Y'a un an, j'aurai pas su te dire ce que c'est qu'un oxymore, j'en savais que dalle niveau littérature et compagnie. Mais aujourd'hui, avec le temps et l'expérience, j'ai compris tout son sens. C'est chelou un peu, je sors un mot comme ça à la cité ils vont m'demander quelle connerie je raconte encore. On est pas trop cultivé, on préfère penser avec la queue qu'avec la tête. C'est moche je sais mais c'est la vérité. Qu'est ce qu'on s'en bat les couilles de la littérature. C'est pas ça qui va ramener le pain, pas vrai ? »

Il écrase sa cigarette et soupire.

« Je sais pas, depuis tout à l'heure j'dis de la merde et j'sais pas ce que tout ça veut dire. Pas c'que je raconte non, mais tout, tout ce qui se passe en ce moment. Tout ce qui me parait dingue et tout ce qui me parait comme un putain de cauchemar éveillé. Et puis tu sais, j'aime pas parler d'habitude. Mais là c'est différent. »

Il regarde autour de lui, frotte son oeil avec sa main droite et baille.

« J'ai pas dormi, j'suis faya. »

Etait-ce une excuse pour filer sans pour autant avoir l'air con ?

« Tout parait différent, et tellement réel. Ouais, c'est le réel qui me fait devenir parano comme ça. Crois pas que je suis entrain de me confier là, j'suis pas dans ces délires. Je t'ai vu, je voulais te tenir compagnie c'est tout. »

Mais bien-sûr.

« Je sais pas où tu seras demain, qu'est-ce que tu feras. Je sais même pas pourquoi je suis là et pourquoi j'arrête pas de te voir partout. Mais peut-être que demain sera un autre jour. Mais il se fait tard et les affaires n'attendent pas, alors salut, à la prochaine. »

Il jette un dernier coup d'oeil à sa montre avant de sortir de sa poche un billet de vingt euros. Il part sans se retourner, il part sans rien dire de plus. Comme si, cette rencontre n'avait jamais eu lieu.

OXYMOREWhere stories live. Discover now