-Le temps presse. La mort est sur nos têtes, elle approche en grandes enjambées et ne nous fera guère de caresse. Lancez les signaux de détresse et larguez les canaux de sauvetage. Priez Dieu, Marie, Allah, Bouddha ou je ne sais quel saint, l'océan nous a ouvert en ce maudit jour sa bouche, déterminé à nous avaler tout cru telles des noisettes.
Regard évasif, avec un visage froissé d'amertume, car habité par un profond sentiment de désespoir, le capitaine Flint venait de donner ses dernières consignes à son équipage. Le porte-conteneurs australien dont il avait pour mission de mener à Sydney Harbour a été percuté de plein fouet par un sous-marin de la Navy américaine en exercice dans les eaux du Pacifique.
Il est des jours où la Nature vous livre bataille, des jours où même le génie et la dextérité vous abandonnent, des jours de malchance et d'impuissance. Ce jour en était un pour le KOALA et son capitaine.
Navigateur chevronné avec trente années d'expérience de navigation en mer, du haut de ses 55 ans, le capitaine Flint ne tenait plus sa survie ainsi que celle de son équipage qu'au miracle, au surnaturel, voyant impuissant son navire faire naufrage dans un océan Pacifique en rogne. Dans le grandement de l'océan mêlé au hurlement métallique du KOALA en pleine défragmentation, une voix soudaine imbue de compassion, mais submergée par le désespoir, jaillit des entrailles d'un matelot pour atterrir aux oreilles de Flint dont le visage ruisselait déjà de sueur.
-Vos consignes pour les clandos, mon capitaine ?
- Aucune! Nos chances de survie sont les mêmes, à bâbord ou à tribord. Poséidon finira tous par nous avaler. Telles étaient les dernières paroles du capitaine Flint, résigné à tutoyer la mort dans la cabine de commande de son navire.
Le vent ne cessa de souffler, les eaux quant à elles de monter puis de descendre atteignant des hauteurs inhabituelles. Le Pacifique était déterminé à prouver à toute la surface de la terre sa suprématie et sa férocité océaniques. La nuit, drapée de sa soutane de noirceur, était au rendez-vous contribuant à rendre plus terrifiant et macabre le sinistre. Bientôt du KOALA aucune silhouette de ferraille, aucun fragment de métal, ni même la belle moustache de son capitaine, ne sera plus visible, engloutie par l'océan.
Un cigare au coin des lèvres, un verre de champagne à la main, torse nu, short flottant à l'eau, le Général Nongvété rafraichissait son imposant corps dans la somptueuse piscine de sa richissime villa de Cape Town. Prendre un bain seul, depuis qu'il avait comme par enchantement gravi une après une les plus hautes sphères de la société sud-africaine, n'était plus inscrit dans son agenda. Six belles pépites aux couleurs raciales des cinq continents et aux traits à peine sortis de l'adolescence l'accompagnaient dans ce rafraichissement corporel : des bombes charnelles parmi les plus sensuelles de la contrée mais aussi celles importées de Rio de Janeiro et des Caraïbes pour agrémenter les torrides soirées du Général.
Tandis que la fumée du cigare survolait les tempes de Nongvété, et que les mains de ses convives caressaient en toute délicatesse son immense poitrine et farfouillaient sous son short imbibé d'eau, Pius un gorille au regard terrifiant s'approcha et lui tendit avec promptitude un téléphone portable satellitaire Iridium.
-Tenez patron ! La liaison a été établie avec Londres.
-Allô Hibou ! Ici Python. Nous avons perdu tous les signaux GPS sur nos écrans. Que se passe-t-il ? grogna le Général.
- Un drame est survenu cette nuit dans le Pacifique, et notre navire a coulé. C'est ce qui justifie sans doute la perte des signaux GPS sur vos écrans, leurs capteurs ont dû être endommagés par les eaux.
- Putain de merde ! Mes diamants ! fit le Général Nongvété, affolé.
- Vos diamants, engloutis dans les eaux avec le bateau ainsi que le reste de la cargaison.
