- Des signes de lutte ? S'est-il défendu ?

- Il a le côté droit du crâne enfon...enfoncé, mais aucune autre fracture.

- Vous êtes absolument sûr que c'est une victime de  ce "Mystery" ?

- Qui s'amuserai à arracher les yeux des gens ?, marmonna le sergent Myers.

Anna lui intima le silence avec un regard sévère.

- Les autres victimes n'avaient que des yeux manquants, reprit la jeune femme. Pourquoi celui-ci aurait une blessure au cou et un crâne enfoncé ?

- Il n'y a aucune trace de poi...poison, la victime était en parfaite santé, continua le petit homme. D'après n...nous, il est mort à une heure avant la découverte du co...corps.

- Pouvez-vous m'envoyer le bilan complet de l'autopsie à mon bureau ? Merci encore pour votre coopération, Mr...

- Illian, ajouta le scientifique. Je vous en pris Mademoiselle Smi...Smith.

Le Dr. Illian retourna à sa besogne, soit celle d'étudier avec minutie le corps froid de Sir Murdock. Anna regarda autour d'elle ; les policiers, les scientifiques, toutes ces personnes paraissaient étrangement calmes. Quand on avait découvert le premier corps du mois, celui de Stanislav Ivaneski, tout le monde était paniqué. « Le cadavre sans yeux » : ce titre apparut dans tous les journaux de Londres. Puis, quand le deuxième cadavre aux yeux arrachés fut découvert, neuf jours après le premier, les Londoniens prirent peur. Certains parlaient du descendant de Jack l'Eventreur, d'autre mentionnaient un tueur en série.

Quand elle eut fini son observation des lieux, Anna demanda sèchement à Hopper :

- Un de tes agents a fait un compte-rendu ? Ou je dois le faire moi-même ?

- L'agent Carter s'en est chargé, répondit-il sur le même ton. Carter ! CARTER !

Un autre homme, élancé, blond aux yeux bleus, approcha et se mit au garde-à-vous devant le sergent.

- Le compte-rendu pour la demoiselle, grogna ce dernier.

- Oui, chef, dit le prénommé Carter d'un ton officiel. Hier, soit le dimanche 27 mars, à exactement vingt-deux heures trente-trois, Mrs. Murdock appelle le commissariat, et annonce qu'elle a retrouvé son mari mort, dans son jardin, les yeux arrachés. Nos équipes arrivent là-bas ce lundi 28 mars, à cinq heures précises et commencent la fouille des lieux, l'autopsie, la prise des témoignages et la liste des potentiels suspects.

- Parfait, dit Anna, réellement impressionnée par la précision des informations. Pouvez-vous m'en dire plus sur la famille Murdock, s'il vous plait ?, ajouta-t-elle en sortant son carnet de note.

- Mais certainement, Mademoiselle. La famille Murdock est une très ancienne famille londonienne, très riche et très influente. La banque tenue par Sir Murdock est la troisième puissance financière mondiale. Ils ont emménagé ici, dans cette maison, à la naissance de leur fille, donc il y a quatre ans. Souhaitez-vous une présentation complète de la victime et de ses proches ?

Anna acquiesça ; elle était soufflée par tant de précision. Cet agent serait une parfaite recrue dans son cabinet d'investigation. Elle se prépara à écrire et écouta attentivement :

« Sir Alfred Murdock, trente-quatre ans, né dans la banlieue londonienne. Il a un frère et une sœur, les deux plus jeunes que lui. Son frère, Alejandro Murdock, trente et un ans, travaille dans une grande agence immobilière en Floride ; sa sœur est Lula Raquin, mariée à Emile Raquin. Elle est plus connue sous le pseudonyme de Lula Moop's, en tant qu'actrice.

Mrs. Elisabeth Murdock, née Elisabeth Landry, trente-deux ans. Elle est née en Suisse ; elle est fille unique. Elle travaille en tant que secrétaire à la direction dans une agence de spectacle, mais elle est en arrêt afin de pouvoir s'occuper de sa fille, Marylin. »

Tandis qu'Anna griffonnait sur son petit calepin rouge, elle se demandait intérieurement si la fracture sur le crâne de la victime n'était pas une malformation de naissance. C'était un infime détail, mais cette information cogitait dans la tête de la jeune femme.

- Aucun suspect ?, demanda-t-elle.

- Non, reprit le jeune agent, aucune personne susceptible de meurtre.

- Aucun ?, insista Anna. Pas même un voisin, un ami ?

- Il a dit qu'il n'y avait personne, la coupa Hopper. Je sais bien que tu es « inspectrice » et que tu dois toujours avoir réponse à tous, mais c'est mon agent, et je te dis qu'il a raison. Sur ce, continua-t-il en voyant Anna ouvrir la bouche pour rétorquer, nous avons du travail et toi aussi. Donc vas chercher tes petits indices et laisse la police s'occuper du reste.

Il fit signe à l'agent Carter de le suivre et s'en alla vers la maison d'un pas lourd ; l'agent bredouille un léger « au revoir », puis suivi son chef. Fulminante, Anna se dirigea telle une furie vers la gare la plus proche, bousculant toutes les personnes se trouvant sur son passage. Quand elle entra dans le métro, elle adressa à tout le monde des regards meurtriers. Anna longea la grande rue, puis pénétra dans la petite rue sombre où se trouvait son bureau et où l'attendait sa secrétaire, et amie, Atara. C'était son amie de la fac et, depuis, elles étaient inséparables. Quand Anna décida de créer son cabinet d'investigation, son amie se porta aussitôt volontaire pour l'aider à la tâche.

Quand Anna entra dans le bureau et balança son sac sur le canapé, Atara ricana et, d'un ton narquois, ajouta :

- Ton meilleur ami pour la vie t'a encore embêté ?

- Ferme-la, Ataranaïskaya, rétorqua vivement Anna.

- Arrête de m'appeler par mon prénom en entier, c'est pénible.

Anna ricana à son tour et alla se préparer un thé. Une fois son petit plaisir du matin préparé, elle s'assit à son bureau et ouvrit son carnet de notes. Elle checka ses mails et aperçut le mail du Dr. Illian et celui de l'agent Éric Carter. Elle observa les nombreuses photos envoyées et, enfin, elle entra dans sa Bulle.

« La Bulle »... Chaque personne qui voyait Anna entrer dans ce qu'elle appelait « sa Bulle » ne comprenait pas le phénomène qui se passait sous ses yeux. La jeune femme elle-même ne comprenait pas cette réaction, mais elle ne pouvait le contrôler. La Bulle était un endroit, dans sa tête, où elle pouvait réfléchir en paix ; le tableau des suspects et des indices s'y remplissait au fur et à mesure. De nombreuses voix entraient dans sa tête, lui parlaient, la conseillaient... Elle restait dans cet endroit aussi longtemps qu'elle le désirait. Mais cet échappatoire avait des effets néfastes : dès qu'elle arrivait dans « cet endroit », ses yeux se figeait brusquement et devenait d'un noir d'encre insondable. Quand elle restait trop longtemps dans sa Bulle, des veines de couleurs noires apparaissaient sous sa peau. Seul Atara pouvait comprendre ces effets surnaturels sans juger Anna. Cette dernière se faisait souvent charrier par son amie, qui l'appelait « Dark Phoenix », comme la mutante des X-Men.


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