Chapitre 2 - Les sorties entre mère et fils

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  Ce n'était pas la première fois qu'Emeric posait le pied dans le Grand Théâtre de Varsovie, mais il en avait perdu tous ses souvenirs, car la dernière fois qu'il était venu remontait à ses trois ans. L'immense bâtiment à colonnades d'inspiration grecque, surplombé d'un char en bronze, le fascina. L'endroit était vide, l'après-midi, si ce n'était les rares touristes qui déambulaient devant en prenant des photos. Il se fit tirer par sa mère, un peu plus pressée, et qui fut accueillie en grande pompe par le directeur de l'établissement. Ce dernier s'adresse à elle en polonais et Amy lui répondit dans la même langue. Sa faculté d'apprendre des langues n'avait cessé d'impressionner son fils, qui espérait avoir hérité de cette facilité.
Puis, le directeur s'exprima en anglais pour se faire comprendre :

— Et je suppose que ce petiot qui vous ressemble comme deux gouttes d'eau est votre fils ! Il a bien grandi ! Comment t'appelles-tu déjà ?

Un temps timide, il ne parvint à répondre, mais sa mère l'y encouragea :

— Il ne va pas te manger. Enfin, je ne crois pas... !
— Je m'appelle Emeric, balbutia-t-il d'une voix basse, le menton baissé.
— Emeric ! C'était ça. Tu étais haut comme trois pommes la première fois que je t'ai vu.
— Ce n'est pas possible, répliqua le garçon. Sachant qu'une pomme mesure dix centimètres et qu'un bébé mesure en moyenne cinquante centimètre à la naissance, je n'ai jamais pu être grand comme trois pommes !
— C'est une expression, Emeric ! le rattrapa sa mère, toute embarrassée.

Le garçon se tut, tout de suite plus embêté par sa bourde. Amy préféra alors le mettre en valeur d'une autre manière :

— Emeric est en train d'apprendre à jouer du piano, lui aussi. Il est très doué !
— Je n'en doute pas ! Peut-être qu'un jour, toi aussi, tu viendras jouer comme ta mère sur le piano du Grand Théâtre !

L'hypothèse était savoureuse, cependant, Emeric préférait toucher du doigt l'espoir d'un avenir dans le monde des sorciers. Mais cela, il le tut.
Il fut ensuite présenté à l'orchestre et au chef qui allait diriger les pièces de ce soir, entrecoupées des solos d'Amy. Emeric restait cependant très réservé, n'osant discuter avec les adultes, si ce n'était pour partager des salutations courtoises. Il émut beaucoup de musiciens quand il partit s'asseoir sous le piano, installé sur la scène, pour écouter sa mère qui révisait une dernière fois ses morceaux. C'était là où il se sentait le mieux. Dans cet abri de bois verni, où résonnait les notes exécutées par sa mère et reflétant les états d'âmes passés d'un compositeur de talent.
Quand vint le moment du concert, Emeric resta en coulisses, derrière le rideau. Certains avaient redouté au départ que sa présence ne dérange, mais le garçon était tellement discret que personne ne lui reprocha de rester là. Il écouta avec attention la présentation des œuvres et gardait les yeux fixés sur sa mère, de dos, le rai de lumière du projecteur braqué sur elle. Amy avait l'air d'un ange, dans sa grande robe de soirée, bleu ciel. Ses longs cheveux restaient attachés bien haut, mais la coiffeuse avait arrangé ses derniers de manière à ce que des cascades de boucles d'or retombent sur son dos décolleté. Puis, Amy s'était défaussée de ses lunettes, au profit de lentilles de contact afin de mettre en valeur son visage fin.
Quand résonnèrent les premières notes, accompagnées d'un lot de violons, tous les cœurs de la salle soupirèrent à l'unisson. Pour Emeric, ce n'était qu'un voyage quotidien de plus. Il s'assit en tailleur et écouta le concert, sans détacher son attention de sa mère. Là où beaucoup d'enfants se seraient endormis, bercés par la douceur des sonates et des nocturnes, Emeric laissait voguer ses rêves sur les mélodies sans jamais donner victoire au sommeil.
Et quand la prestation de l'orchestre fut terminée, il joignit ses applaudissements à la pluie bruyante de la salle de concert. Qu'est-ce qu'il était heureux de voir sa mère ainsi radieuse face à la foule, alors qu'elle saluait pour les remercier de cet accueil chaleureux. Mais lui distinguait plus loin de sa performance : il admirait son courage. Celui de ne pas s'être laissée abattre par sa situation de Cracmolle et prendre sa revanche sur la vie grâce aux arts, grâce à la musique. Elle était devenue plus célèbre que de nombreux sorciers. Et sans nul doute qu'elle aurait été la plus fameuse d'entre eux si elle avait pu pratiquer la magie.
Amy s'était battue pour en arriver là. Contre le destin, contre les préjugés, contre elle-même.

— C'était incroyable, maman !
— Merci mon chéri ! le remercia-t-elle, un bouquet de roses blanches à la main, tandis que beaucoup de monde tentait de capter son attention.

Elle se contenta de quelques salutations, paroles de gratitude et autres remerciements, avant de s'éclipser avec son fils. Amy aurait pu jouer de sa célébrité pour jouer les mondaines, mais ce théâtre ne lui plaisait pas. Elle préférait largement passer du temps aux côtés de son fils :

— Tu as aimé ?
— J'ai adoré !
— Tu n'as pas remarqué ma bourde, j'espère !
— Ah non, non ! C'était parfait, maman !
— Ouf ! Pas trop fatigué ?
— Non. Pourquoi ?

Elle lui adressa un sourire en enfilant son long manteau.

— Il est tard, mais je te proposerai bien d'aller boire un petit verre en ville. Un Coca Cola, j'entends !
— Tu es sûre ?
— Promis, on dira rien à papa ! Ni à personne !
— J'ai pas l'habitude de me coucher tard !
— Ca sera notre petite exception ! Allez, viens !

Le temps de déposer le bouquet à l'hôtel et de retirer ses lentilles pour récupérer ses lunettes, ils repartirent juste ensuite en direction de la vieille ville animée de nuit, s'arrêtant dans un petit restaurant familial bas de gamme. Amy commanda deux sodas en polonais avec une portion de frites qu'ils partageraient.

— C'est bien le truc que ton père ne boirait pas ! Il a peur d'avaler les bulles... !
— Moi j'aime bien. Ça fait un peu magique.
— Oui ! Pareil.

Ils rirent doucement pour ne pas éveiller l'attention de leurs voisins.

— Mais je te souhaite d'en connaître davantage que le soda, mon chéri.
— Tu as déjà bu de la Biéraubeurre ?
— Je n'aime pas ça. Je préfère le Whisky Pur-Feu. Les boissons un peu nobles, tu vois. Bon. Sauf le soda moldu, c'est mon joker !
— C'est chouette que tu puisses quand même profiter du monde magique, même si tu n'es pas une sorcière !
— J'ai grandi là-dedans, tu sais... Quand j'ai appris que j'étais une Cracmolle... ça a été une sacrée douche froide !
— Tu avais quel âge ?
— J'y ai cru jusqu'au bout. Même si ma magie n'apparaissait pas. Mais quand je n'ai pas reçu de lettre pour mes onze ans... J'ai su que c'était définitif. Oui... Je n'ai jamais reçu ma lettre pour Poudlard.

Un voile de tristesse se posa sur ses verres correcteurs, rendant son regard plus peiné.

— Mais tu avais Meg ! sourit Emeric, qui n'aimait pas la voir comme ça.
— J'avais Meg. Ah, Meg, Meg, Meg... Qu'est-ce que j'aurais fait sans elle ?

Megane, de son nom complet, était une autre Cracmolle, de la même génération qu'Amy. Leur handicap leur avait permis de se forger une amitié si forte qu'elle perdura des décennies. Car elles se comprenaient mieux que quiconque. Privées de Poudlard, de magie, elles avaient ensemble trouvé la force de surmonter ces obstacles. Ce fut tout naturellement qu'Amy demanda à Meg de devenir la marraine d'Emeric quand ce dernier vint au monde.

— Elle se met toujours dans des situations pas possibles...
— Tu te rappelles la fois où elle a mis feu à ses cheveux ? rit Emeric.
— Ou celle où elle s'est coincée dans une poubelle.
— Oh ! Le coup du placard qui lui est tombé dessus !
— Elle est incroyable. On s'ennuierait sans elle. Heureusement que je ne suis pas aussi malchanceuse qu'elle ! Bon... un peu maladroite, certes. Pas de la même manière qu'elle, je pense. Enfin, tu ne lui diras pas ça. Hem. Je crois que je vais me taire avant de dire une boulette !
— En parlant de maladroite... tu t'es fait une grosse tache de ketchup sur ta robe, maman !
— Quoi ? Oh, mince ! C'est pas possible ! Comment j'ai pu faire ça encore...

Face à l'embarras de sa mère, qui tentait, tant bien que mal, d'essuyer la grosse tâche rouge tout en maugréant, Emeric ne put s'empêcher d'en rire. Amusée par sa réaction, Amy décida de se venger et plongea le doigt dans la coupelle de ketchup avant de l'étaler sur le tee-shirt de ton fils :

— On ne se moque pas des adultes, petit garnement ! s'exclama-t-elle, victorieuse.
— Mon tee-shirt !
— Pas grave ! C'est papa qui le lavera. C'est pratique, quand même, la magie !
— Attaque de mayonnaise !
— N'essaie même pas, j'ai de la moutarde en réserve !

Ils préférèrent rire de leur mésaventure, tâchés de sauces. Peu importaient les concerts classieux, les problèmes du quotidien. C'étaient ces petits moments anodins qui rendaient leur vie plus belle.

*** *** ***

Dans un juste retour des choses, Amy avait donc accepté d'accompagner la classe d'Emeric en sortie scolaire. Tous les jeunes élèves étaient armés de calepins et de stylos pour prendre des notes sur les oiseaux marins qu'ils allaient observer dans la crique. Pour Emeric, il lui semblait que c'était le plus beau jour de sa vie, alors que le bus s'éloignait du centre-ville, assis tout devant, sa mère à côté de lui.

— Pourquoi tu ne vas pas jouer avec tes camarades ? lui demanda Amy, en profitant pour échapper aux sollicitations de la maîtresse.
— Je ne comprends pas leurs jeux. Et je trouve ça bête. De toute façon, le fond du bus, c'est pour les perturbateurs ! Et je ne suis pas un perturbateur.
— Tu devrais être plus tolérant.
— Je préfère rester avec toi, de toute façon !

À ses mots, il colla sa joue contre le bras de sa mère, à la fois touchée et embarrassée, qui lui caressa la tête en retour.

— Je sais, mon chéri. Mais tu dois aussi apprendre à fréquenter les gens de ton âge.
— Techniquement, ils n'ont pas mon âge. Ils sont tous plus grands que moi.
— Certes. Mais tu as moins d'écart avec eux qu'avec les adultes.

Le bus s'arrêta sur la fin de la route, qui terminait en chemin piéton fait de sable. Mrs Krammer descendit en première, tandis qu'Amy resta dans le bus pour compter les enfants qui descendaient :

— 8... 9... 10...
— Bonjour, madame !
— Bonjour ! 11... 12...
— Bonjour ! C'est vrai que vous êtes la maman d'Emeric !
— Eh oui, c'est moi ! Allez, descendez, ne tardez pas trop, votre maîtresse va partir sans vous. J'en étais à combien ?
— 12, maman. Donc là, 13, la rattrapa son fils derrière elle.
— Ah oui ! Alors, 13... 14...

Il fallait admettre qu'Amy attirait les regards des enfants. Personne n'aurait jamais imaginé, en voyant Emeric, que le premier de la classe avait une maman aussi remarquable. Beaucoup commentaient dans des murmures.

— Oh, elle a des piercings dans les oreilles ! Ça doit faire mal... !
— Tu as vu son rouge à lèvres ?
— On pourrait la voir à des kilomètres avec ça !
— J'espère que je serai aussi grande qu'elle, plus tard.
— Les enfants, tous en groupe ! réclama Mrs Krammer. Je vais vous donner les consignes. Tout le monde a son calepin ? Tout le monde a sa feuille de référence ? Parfait. Nous allons nous répartir en trois groupes et partir dans trois directions différentes. Chaque groupe devra trouver et identifier un maximum d'oiseaux, selon la feuille. Personne ne s'éloigne de son groupe. Personne ne va dans la mer. Si j'en trouve un seul d'entre vous mouillé, il finit dans le bus et y restera ! Est-ce que c'est clair pour tout le monde ?

Sans surprise, Emeric rejoignit le groupe de sa mère, qui se dirigea vers l'Ouest, longeant la plage vers les rochers. Les élèves trouvèrent bien vite un groupe de mouettes qu'ils commencèrent à analyser. Certaines filles commencèrent même à les dessiner grossièrement.

— Oh, c'est très ressemblant ! les félicita Amy.
— Merci, madame ! rougit l'une d'entre elles.
— N'oubliez pas de remplir votre fiche. Je crois que votre maîtresse va les ramasser.
— Madame, à votre avis, c'est quelle espèce ?
— Alors... hm, laisse-moi voir.
— Maman ! Maman !

Le petit Emeric interrompit la conversation sans se soucier des commodités.

— J'ai aperçu une Thalasseus sandvicensis ! se réjouit-il. Je le sais ! Elle a le bout du bec jaune, pas comme les autres sternes !
— Oh, c'est bien, mon chéri !
— Viens voir, viens voir ! s'empressa-t-il de lui tirer le poignet.
— Emeric, attends ! Je n'ai pas fini ici.
— Mais maman ! On va la louper !
— Il y en aura d'autres !
— Je suis sûr que tu vas l'aimer. Allez viens !
— Emeric !

La voix plus ferme de sa mère le médusa, mais Amy sentait qu'elle devait tout de suite recadrer les choses avant qu'il n'accapare entièrement son attention. Elle le prit à part, tandis que les autres enfants continuaient de prendre des notes sur les mouettes, et s'accroupit devant lui pour être à sa hauteur.

— Je suis chef de groupe, Emeric. Tu comprends ? Parent accompagnateur. Je ne suis pas là seulement pour toi. Je dois m'occuper des autres aussi. Je sais que tu es très fort dans l'identification et que tu adores ça, mais tu n'as rien à me prouver. D'accord ? Profites-en plutôt pour aider tes camarades.

Mais cette alternative ne plut pas totalement à Emeric, qui préféra en bouder, convaincu qu'un groupe de mouettes ne valait certainement pas une sterne comme celle qu'il avait aperçue.
Le groupe avança vers les rochers et fut vite accaparé par un magnifique goéland qui profitait du soleil, en position de ponte. Emeric, de son côté, s'éclipsa de l'attention des autres de sa mère pour partir s'aventurer sur les rochers. Il aurait bien plus de chance ainsi de trouver des oiseaux plus rares, plus discrets. Un peu à son image. Il détestait désobéir aux règles, mais les remarques de sa mère l'avait peut-être plus blessé qu'elle ne l'aurait pensé et seule le recherche des oiseaux lui permettait de ne pas trop y penser.
Il sauta de roche en roche, enjambant des écarts de pierres et observant les trous d'eau remplis d'eau de mer, où nageaient quelques petites crevettes. Le garçon prenait garde de ne pas écraser les crabes qui gambadaient. Mais Emeric n'était pas le seul de sa classe qui avait eu l'idée d'escalader les rochers.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Face à ses trois harceleurs réguliers, Emeric préféra jouer la prudence :

— Je cherche des oiseaux ! Comme vous.
— Des oiseaux ? On s'en fiche des oiseaux !
— C'est moche, un oiseau.
— Surtout les mouettes. Hé, tu nous fais la mouette, Emeric ?

Face à l'imitation de Kyle, ses deux acolytes en rirent, devant un Emeric, un peu désarçonné par la pitrerie qu'il ne comprenait qu'à moitié.

— Je vais peut-être descendre, décida-t-il. Ils doivent nous attendre, en bas.
— Oh ! Bébé Emeric va retrouver sa maman !
— Elle te donne encore le biberon ?
— N'importe quoi ! se défendit Emeric. Pourquoi, la tienne te le donne encore ?

Mais sa tentative de réplique ne fut pas accueillie avec bienveillance et Kyle le poussa. Emeric tomba dans une flaque d'eau de mer, dans un creux de roche, son calepin serré contre lui pour ne pas le mouiller.

— Ca va pas ? Tu aurais pu me faire très mal !
— Sinon quoi ? Tu vas te mettre à pleurer ? Tu vas appeler ta maman ? Ouiiin, maman ! Je me suis fait bobo !
— Arrête !
— Ca se trouve, c'est pas ta maman. Ils t'ont adopté. Parce qu'elle est vraiment trop jolie pour être la mère d'un truc comme toi !
— Elle a quand même des lunettes d'intello, fit remarquer Jared. Comme lui.
— Arrêtez de parler de ma mère comme ça !
— Bébé Emeric n'aime pas qu'on parle de sa maman ! Après la sortie, elle t'emmènera manger une glace ? Puis elle te mettra sur le pot ? Areuh-areuh ! Elle n'a que ça à faire ! De s'occuper d'un gros bébé comme toi. Qui arrête pas de se la péter.
— Ouais, de se la péter !
— Et de cafter aux maîtresses ! Lèche-bottes !
— Ta mère, elle doit même pas t'aimer. Elle t'accompagne juste parce qu'elle sait que tu es un gros bébé !
— Arrête de parler de ma mère !

Cette fois, Emeric se leva, sans s'occuper de son calepin, et se rua, fulminant, vers Kyle, qu'il poussa de toute la force de ses petits bras. Une force qui ne s'accordait pas à son petit gabarit. L'impulsion fut si forte que le garçon trébucha en arrière et tomba dans un grand trou d'eau, d'un bon mètre de profondeur.
Entièrement plongé dans l'eau, Kyle chercha aussitôt à s'en extraire. Mais un phénomène étrange se produisit. Car la surface mouvante de l'eau était aussi solide qu'une vitre à travers laquelle il voyait l'image ondulante d'Emeric, au-dessus de lui. Pris de panique, il tenta de forcer, mais rien n'y fit. Il restait coincé dans l'eau. Il observait, affolé, le visage d'Emeric, espérant qu'il le voie. Et qu'il lui vienne en aide. Mais le garçon ne cillait pas. Il lui semblait même discerner un sourire. Peut-être était-ce un effet du soleil bas, mais ses yeux lui renvoyaient des reflets orange...

— Emeric !

Il y eut un grand cri aigu que le garçon sous l'eau ne put percevoir, mais il aperçut une grande ombre tirer le petit blond. Aussitôt, l'enchantement fut levé et sa tête perça la surface.

— Tu vas bien ?! s'affola Amy qui s'était précipitée vers lui pour le sortir de la crevasse, tandis que Kyle toussait et crachait.

Derrière sa mère, Emeric observait, avec un air presque hébété, tandis que les deux autres jeunes spectateurs tremblaient d'effroi, refusant de croire ce qu'ils avaient vu.

— Qu'est-ce que vous faites ici ?! Et qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— C'est Emeric, madame !
— Il a poussé Kyle dans l'eau et... et...
— Descendez tout de suite de ces rochers et allez rejoindre les autres ! Emmenez-le avec vous.

Ils accompagnèrent le pauvre Kyle, qui se remettait de ses émotions, et Amy resta seule avec son fils, dont la peur oscillait avec une indicible joie :

— Maman... je crois... je crois que je fais de la magie !

Mais Amy ne se montra pas aussi enjouée, dévisageant son fils avec une expression presque horrifiée, qui n'échappa pas à Emeric :

— Qu'est-ce qu'il y a, maman ?
— Pourquoi tu as fait ça ?
— Je ne l'ai pas fait exprès... !
— Il aurait pu mourir ! Tu aurais pu le tuer, Emeric ! Te rends-tu compte de la gravité des choses ?
— Je ne l'ai pas fait exprès ! répéta-t-il en criant. Je... je... C'était un accident, je ne sais même pas comment j'ai fait ! Il m'a embêté ! J'ai réagi ! J'ai fait comme papa m'a dit !
— Arrête, Emeric ! Arrête !

Amy s'était mise également à crier, sa voix se répercutant en écho dans les rochers, faisant fuir les oiseaux.

— Ne refais plus jamais ça ! Tu m'entends ? Plus jamais !

Face à la colère de sa mère, des larmes apparurent dans les yeux d'Emeric, qui ne pouvait même pas se réjouir de sa magie.

— Oui, maman. Je suis désolé... Je ne le referai plus.
— Plus de magie.
— Plus de magie...

Malgré tous les sentiments qui faisaient trembler ses membres, Amy s'approcha et étreignit son fils, qui commença à pleurer dans ses bras.

*** *** ***

Toute la soirée durant, Amy resta assise au tabouret de son piano, sans y jouer. Eugene rentrerait tard ce soir, mais elle voulait l'attendre pour discuter des événements de la journée. Elle n'avait cependant pas le cœur à pianoter d'ici son retour...

— Maman ?

Amy sursauta en entendant la voix aigüe d'Emeric, qui se tenait, en pyjama, dans l'encadrement de la porte. Le garçon, qui n'était ni bête ni dupe, lut une émotion particulière et bien reconnaissable dans les yeux bleus de sa mère. Il couina alors :

— Je... est-ce que je te fais peur, maman ?
— Quoi ? Je... non ! Non, non ! Emeric, tu devrais être couché... Il est tard.
— Je n'arrive pas à dormir. Je pense trop à ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Je ne veux pas faire de cauchemars...
— Viens me voir, lui proposa-t-elle en tendant une main vers lui.

Le jeune garçon ne se fit pas prier, mais approcha à pas lents. Sa mère le porta pour le prendre sur ses genoux.

— Je suis désolé, marmonna-t-il, tandis qu'Amy dégageait des mèches de cheveux blonds d'Emeric en caressant les courbes de son visage. Je ne voulais pas faire ça à Kyle. Même s'il est stupide...
— Je sais, ne t'inquiète pas. Quand on est enfant, on ne contrôle pas la magie. C'est ton instinct qui a répondu pour te défendre. Je sais qu'il n'a pas été tendre avec toi. Mais tu ne dois pas répondre de cette manière. Surtout pas avec la magie...
— Je sais, maman. Je suis désolé.

Puis, il tourna vers elle un visage plus ravi :

— Mais maintenant, je sais que je suis un sorcier !

Amy ne sut si elle devait s'en réjouir. Ils allaient être séparés par ce monde dont elle n'avait pas pu profiter.

— Et quand j'aurai onze ans, je recevrai ma lettre de Poudlard ! J'ai tellement hâte ! Plus que quatre ans ! Même moins !
— Tu as de la chance, sourit Amy, amusée par l'innocence de son fils.
— J'aimerais bien t'y emmener !
— T'es chou.

Elle déposa un baiser sur sa tempe.

— Alors, cette nuit, rêve de Poudlard. Ça sera plus agréable.
— Oui ! Tu as raison ! Et ça veut dire que bientôt, je n'irai plus à l'école des moldus. Je serai avec d'autres sorciers. Et ils auront mon âge ! Et puis, j'aurai ma baguette ! Bon, par contre, je pense que j'aurai peur de monter sur un balai. De toute façon, j'aime pas le Quidditch. C'est pas logique. Puis c'est pas du vrai sport. Les joueurs, eh bien, ils s'embêtent à lancer des balles dans des anneaux, mais s'ils attrapent le vif d'or, ça servait à rien !
— Allez, mon petit sorcier. Va te coucher.
— Oui, maman !

Emeric bondit et se remit sur ses pieds, trottant dans la pièce au piano. Cependant, il marqua une pause à la porte et se retourna :

— Maman ?
— Oui, mon chéri ?
— Même si je suis un sorcier, tu continueras à m'aimer ?

Amy lui renvoya un sourire touché :

— Bien sûr, mon chéri. Je t'aimerai qui que tu sois et quoi que tu deviennes.

Rassuré, Emeric retourna à sa chambre le cœur léger. Ce n'était pas le cas d'Amy, laissée seule dans la pièce circulaire, face au piano. Elle s'assura que son fils était bien parti, guettant le silence, avant de ramener sa main devant sa bouche et de cesser de retenir ses larmes.  

Estuant interius ira vehementiWhere stories live. Discover now