Prologue

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De ma vie, je ne me souvenais que de peu de moments heureux.

Il y avait bien eu le jour où j'avais rencontré Thea, de son vrai nom Anthea. Ma meilleure amie, qui m'accueillait chez elle lorsque ça devenait trop compliqué chez moi, que mes parents étaient trop énervés pour que je prenne le risque de rester dans les parages. C'était une fille géniale, qui voyait le bon côté des choses et essayait toujours de me remonter le moral. Depuis notre rencontre, nous passions la plupart de notre temps ensemble.

Et puis sinon ? De petits moments, par-ci et par-là. Regarder le coucher de soleil avec Thea, se glisser dans le jardin du voisin et voler quelques pommes puis s'enfuir à toutes jambes en riant lorsqu'il nous repérait, réussir à approcher un louveteau ou un renard pour le caresser avant qu'on ne l'effraie et qu'il parte, une baignade au clair de lune avec Thea. Je cultivais ces petits moments avec attention puisque je n'en avais pas du côté de ma famille.

Mon père et ma mère voulaient un garçon. Un garçon fort et courageux, capable de leur ramener de l'argent en travaillant, ce qu'eux-mêmes ne faisaient pas. Et par-dessus tout, un garçon capable de gagner le Cache-Cache.

Le Cache-Cache. Depuis que la majorité de la population avait été exterminée par un mystérieux virus auquel personne n'avait pu trouver de remède, il n'y avait que certains chanceux qui avaient été sauvés, les gagnants de la "loterie génétique". Depuis, tous vivent à Rosealt, une cité idéale et « parfaite ». En apparence.

Le treize avril de chaque année, une sélection a lieu. Un logiciel additionnait les fautes effectuées par les adolescents fêtant leurs dix-huit ans cette année. Plus vous aviez commis de crimes – vols, petits larcins... plus vous aviez de chance d'être choisi. C'était une manière de contrôler la population, pour que les jeunes, les fauteurs de troubles, se tiennent à carreau.

Revenons-en au Cache-Cache. A chaque sélection, huit filles et huit garçons par an, étaient choisis pour participer à ce jeu barbare. Le principe était simple : les seize jeunes devaient se débrouiller pour survivre dans une grande ferme où la nourriture était dissimulée : on ne pouvait la trouver qu'en résolvant des énigmes. Non seulement il y avait le fait de risquer de mourir de faim si on n'était pas assez intelligent pour comprendre les énigmes, mais il y avait aussi une autre partie.

Tous les soirs, à seize heures, les adolescents avaient quinze minutes pour se « cacher » le mieux possible. Une personne, un adulte, se mettait à déambuler dans la ferme pour les débusquer, et le premier trouvé était tué. Et c'était la même rengaine tous les soirs, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un. C'était quelque chose de sadique, instauré par les dirigeants de Rosealt afin de « maintenir la paix ».

Cette année, je fêtais mes dix-huit ans. Cette année, j'avais une chance d'être choisie parmi la centaine de jeunes à présents majeurs.

Cache-CacheWhere stories live. Discover now