01 - IL est revenu

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Pourquoi ai-je accepté ?

Non... La vraie question est : Pourquoi ai-je proposé de venir lui chercher sa pièce de vélo ? Je n'y comprends rien parmi tous ses câbles. Rien n'est indiqué correctement. Ce magasin situé près de mon rendez-vous est pratique pour son emplacement et bien fourni, mais justement il est rempli de pièces diverses. Mon fils m'a assuré que je trouverai SON bonheur ici. Encore faudrait-il qu'un vendeur se libère, parce que moi toute seule, je n'y arriverai pas.

Je sens un corps se faufiler derrière moi. Un « Pardon Madame » a peine murmuré... il faut dire que les rayons sont si serrés les uns près des autres... qu'on a plutôt l'impression d'être dans un bazar.

Un bras se tend en dessus de ma tête, je lève les yeux et vois une manche kaki. Sans doute un militaire. Je lance un rapide coup d'œil, en effet... c'est un jeune soldat.

Je reprends ma fouille en règle, soulevant les paquets de câbles, lisant les données spécifiques, je secoue la tête, c'est pas ça !

Quand soudain je fronce les sourcils, me retourne rapidement et interroge :


- Adam ?


Le jeune militaire ne répond pas, mais se contente de me sourire.

Mon dieu ce qu'il est beau, ce qu'il a grandi, muri... Je ne réfléchis pas une minute, je m'élance à son cou. Il me serre dans ses bras, me soulève, mon visage se colle contre son épaule, près de son cou, le sien dans mes cheveux. Je le respire, je le serre... ça fait si longtemps !

Adam était un ami de mon fils. Ils étaient en classe ensemble. Sans être vraiment très proches, ils avaient quelques fois fait la fête ensemble. Ils avaient même choisi la même profession. Mais lorsque ses parents s'étaient séparés, la douleur avait été si grande pour Adam qu'il s'était renfermé sur lui-même. J'étais une des seules à qui il voulait bien parler.

Il avait enchaîné les conneries d'adolescents, jamais très grave, mais pénible à entendre pour la maman que j'étais.

Tous les deux, nous avions toujours eu un lien différent. Une sorte de complicité à demi-mots. Un sourire de ma part et il semblait apaisé. Un regard perdu et je l'accueillais pour discuter, rire ou délirer.

Souvent, longtemps même, j'avais pensé qu'il idéalisait la mère que j'étais.

Mais aujourd'hui, ce n'était plus l'adolescent mal dans sa peau, c'était un beau jeune homme, grand, solide et au regard étincelant.

Je reposai les divers câbles sur l'étagère et l'entrainais à l'extérieur loin de ce brouhaha qui devenait insupportable. Je le voulais que pour moi, au moins quelques minutes. Juste lui et moi, loin des autres.

Une fois sur le trottoir, je me permis de le contempler de longues minutes.

Je posai ma main sur sa joue et le caressais comme je l'aurai fait avec mon fils. J'avais encore envie de le sentir près de moi, de sentir son corps serrer le mien. Et je ne résistai pas. Je glissai mes mains dans son dos, sous son manteau, alors qu'il entourait ma taille de ses mains larges. Il était si grand qu'il devait se baisser, se plier en deux.

Et à nouveau, il me souleva du sol pour que nos visages se cachent dans le creux l'un de l'autre.


- Où étais-tu ? murmurai-je.

- A la guerre, Madame !


Un conte pour une rencontreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant