Chapitre 1

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«Mon nom est Eliot. Je suis un fils des faubourgs, comme elle le dit si bien. J'ai grandi à Port-Royal, et passé le reste de ma vie sur les flots. Enfin sur un bateau sur les flots, j'marche pas sur l'eau. J'ignore ma date de naissance exacte. On l'a faite en septembre, selon l'humeur. Dans mon cœur, je serais toujours un gamin de toute façon, donc peu importe mon âge. Je ne connais pas mes parents de sang. Je ne même suis pas sûr d'avoir les mêmes parents que mes frères. Mais ce sont quand mes frères. Pourquoi ? Je ne sais pas. J'ai grandi avec eux. Je me suis laissé cogner à leur place. Je pense que je ne l'aurais pas fait s'ils n'avaient pas été mes frères. Nous avons grandi ensemble, on s'est soutenu. Nous nous sommes partagés les denrées que l'on volait, même quand un seul d'entre nous avait ramené ne serait-ce qu'un petit morceau de pain. Nous avons survécu, mon jumeau Edgard et notre cadet Tyler. Jusqu'à ce qu'une gentille dame d'un orphelinat nous ramasse tous les trois. Et quand je dis ramasser, c'est vraiment comme on récupère une pomme gâtée par terre. On nous a vaguement appris à lire, à écrire et compter là-bas. C'était à peine mieux que dans la rue, ça dépend de la manière dont on le voit. Certes il fait plus chaud dans leur entrepôt à marmots qu'ils appellent un dortoir mais dans les faubourgs, on veillait tard dans la chaleur de l'alcool avec les copains. C'est une fausse chaleur mais l'amitié, c'est la meilleure des chaleurs. Dans ce fichu institut, il y a des règles strictes, pour mieux nous mâter et qu'on dégage vite. Je n'aime pas les règles qu'on ne m'a pas expliquées. Les « fais pas ça, pose-toi là et tais-toi », ça m'emmerde. Combien de fois j'ai voulu détaler de là ! Je ne voulais pas rester coincé là-dedans à entendre des histoires de voyage ou de héros, je voulais vivre tout ça. Y a des jours où je me dis que j'étais sacrément con de rêver de ça, on oublie trop souvent que les héros sont reconnus comme des héros quand ils sont morts et que de leur vivant, ces gars-là se traînent dans un tas de galère. On fait pas exprès de devenir une légende en fait...Ils sont bien cruels de nous raconter tous ces beaux contes sans vouloir qu'on les vive. Mais Edgard et Tyler se plaisaient là. Enfin, surtout Edgard qui a toujours été coincé du pantalon, et Tyler hésitait entre lui et moi. Je ne le sentais pas déterminé : il y a des jours où je regrette de ne pas l'avoir emmené avec moi quand j'en avais eu l'occasion.

     Nous sommes arrivés ensemble mais le destin nous a séparés. Edgard a été adopté par un haut gradé compatissant (et surtout intéressé par l'intelligence d'Edgard, car bon Dieu qu'il était intelligent même illettré comme nous l'étions) et était entré dans la compagnie des Indes britanniques. Ils avaient l'œil, tous les deux. Edgard était une sorte de stratège militaire si j'ai bien saisi. En revanche, il ne montait pas sur les planches d'un rafiot. Oh non ! Il allait se mouiller le costume, le pauvre ! C'est bien un intellectuel, ça : commander, oui, agir, non ! Un poltron, ça sûrement ! Ca a toujours été ainsi. Il voulait toujours donner des ordres stratégiques machin comme ça mais au final il était rien foutu de faire. Il n'a même pas essayé de nous faire emmener avec lui et n'ai jamais venu nous revoir. Ceci dit, s'il avait voulu, il se serait sûrement cassé le nez...Pas beaucoup de temps après qu'il soit parti, Tyler et moi sommes partis. On a réussi à s'échapper un jour en pleine nuit et on a décampé si vite qu'ils ne nous ont jamais rattrapés. Nous pensions profiter de la situation pour rejoindre Edgard à l'extérieur, mais nous n'avons pas pu le retrouver. On a dû admette qu'il n'avait rien prévu pour nous aider. Nous sommes retournés dans nos ruelles sales avec les copains qui étaient encore là. En fait, notre bonne samaritaine en avait ramassé un tas d'autres comme nous pour « endiguer la progression de la vermine qui sévit dans nos rues et entache le paysage». Ce que j'ai compris, c'est que c'était une salope. On avait un toit troué au-dessus de la tête et pas toujours de feu dans le foyer mais ça n'empêche d'être heureux, tous serrés les uns contre les autres à ripailler en racontant n'importe quoi. Et dans tout ce qu'on a balancé comme âneries, on adorait insulter la compagnie des Indes. J'sais pas trop pourquoi, sûrement le conflit riches-pauvres façon lâche. Si j'avais su que j'y rentrerais, et que c'est ça qui m'aura permis de vivre cette incroyable vie...Pourtant, à part les matelots et leurs chefs, j'connais pas bien la compagnie ; on m'en a sauvé à temps en fait. Edgard, lui, il est resté longtemps dans leurs filets, sans se débattre. C'était devenu un bourgeois. Un cul-sur-chaise, comme je les appelle. Et je n'aime pas ça. Il n'a jamais rien fait pour Tyler et moi. Il n'a même pas essayé de nous retrouver, ben non, hé, pas dans les rues, pas au milieu des maladies.

Hai finito le parti pubblicate.

⏰ Ultimo aggiornamento: Aug 02, 2017 ⏰

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