Chapitre 2

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Les larmes déferlèrent sur mes joues. C'en était trop. La tristesse m'envahit de sa lueur glaciale et m'enroba dans sa toile cristallisée de pleurs. Mais à ce moment-là, sans recul, je ne pouvais évidemment pas me rendre compte de la violence que ses propos m'avaient infligé et avait décidé de sombrer dans une culpabilité sans bornes. La colère ne pouvait pas si brutalement faire surface dans ma tête. Finalement, je finis par mourir de honte, alors que je savais très bien au fond de moi que cela n'avait pas raison d'être.

Le claquement de porte. Le jeté de sac à travers l'appartement. Les sens aiguisés de mon père les avaient remarqués. Il s'approcha à pas de lynx de ma chambre avant de se glisser à l'intérieur. S'asseyant dans le fauteuil situé devant mon bureau, il me regarda d'un air interrogateur tout en se doutant de ce que j'allais lui annoncer.

- Que ce passe t'il ma chérie ?

Le suppliant de me laisser me murer dans le silence, je me liquéfiais dans mon lit. Mais sentant toujours sa présence à l'odeur de cigarette, je levai les yeux pour m'apercevoir qu'il me posait un regard suppliant.

- J'ai été renvoyé des cours de Pedro... Il m'a jugé inapte à pouvoir continuer la musique, tu te rends compte Papa ?!

Saisissant la gravité de la situation, mon père joua la cartouche de la défense.

- Personne n'a le droit de te juger juste par rapport à ton handicap. Si Pedro le fait, c'est qu'il est incapable de juger la performance du moindre artiste. Tu sais, d'autres sont passés par cette case avant de pouvoir s'épanouir pleinement dans leurs passions malgré leur handicap. Tu sais ta doctoresse dirait la même...

- Oh épargne moi ses paroles savantes !

La violence avec laquelle je tins ces propos le laissa perplexe. C'est pourquoi je me permis d'ajouter :

- Ecoute, ce n'est pas contre toi mais j'ai besoin de rester seule.

Désormais, je ne comptais plus les minutes, les heures et les jours. Le temps me paraissait inutile à l'existence mais mon corps lui le ressentait. En effet, ce dernier commençait à se flâner et se décomposer sur son lit de mort. L'appétit ne venait plus en mangeant, je n'avais plus la force de penser ni de souhaiter la moindre chose. Des cauchemars. Le noir. Le vide. Plus rien. J'avais l'impression de sombrer dans une folie semi-consciente et de m'embourber dans une tristesse qui ne finirait jamais. Juny était passée plusieurs fois mais malgré cela, je restais obstinément dans ma torpeur sans vouloir en sortir.

Un jour, cependant, mon corps commença à se sentir étouffé par la chaleur de la pièce close et voulut se lever. Il se redressa donc à la manière d'un automate et se dirigea vers la cuisine machinalement. Ma mère m'observa avec inquiétude et se précipita vers moi en pleurant :

- Iris, tu sais ce n'est pas parce que j'ai eu une carrière de violoniste prestigieuse que tu dois en faire autant. Même si tu arrêtes je ne t'en voudrai pas tu sais...

Ses yeux clairs trahissaient ses véritables émotions. En effet, ces derniers reflétaient sa grossesse qui avait mis fin à sa carrière prestigieuse et les espoirs qu'elle avait placés en moi. C'est pourquoi, je me mis à détourner le regard, tout en lui racontant des âneries selon lesquelles je le savais très bien. Elle le devina et d'un air horrifié me lança :

- Réponds moi Iris ! Parle-moi ! Je suis ta mère !

En guise de réponse je la regardai droit dans les yeux d'un regard meurtrier, dévoilant les abysses profonds de mon âme. Elle me regarda avec horreur et recula de trois pas avant de sortir brusquement de la cuisine pour aller pleurer dans les bras de Morphée.

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⏰ Last updated: Jul 30, 2017 ⏰

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