Chapitre 13

Depuis le début
                                    

Le directeur était encore plus imposant en vrai, il semblait tellement vieux. Sauf qu'il n'y avait en lui aucune trace de la misère qu'impose cette condition aux hommes. C'était comme ci, sur lui, la vieillesse ne pouvait créer quelque ride de plus d'un jour à l'autre, des rides de sagesses. La fatigue,  les rhumatismes, la faiblesse n'existait pas pour lui.

Il traversa la pièce d'un pas lent et souple, elle le suivit tout en continuant de se maudire, elle était incorrigible. Ils se tenaient maintenant tout les deux vers la grande fenêtre, elle occupait presque tout un pan de mur. D'ici elle vit Legeadon comme jamais, elle voyait tout, sa vue semblait s'être décuplé. Jamais une personne normalement constitué ne devrait être capable de distinguer une chouette effraie d'un hibou a cette distance, ni même le voir ! Pourtant l'oiseau aussi la regardait, elle était captivitée par ce regard, les deux pupilles ne semblait pas plus être animale que les siennes.

Elle vit alors Mr Eowiesen recommencer de marcher, il s'avança jusqu'à ce coller à la vitre pour finir par la traverser, comme un enfant passerait son doigt à travers une bulle. Marry faillit s'étrangler, il était devant elle avec un léger sourire aux lèvres qui l'invitait à le suivre mais elle était terrorisée. Elle ne savait pas marcher dans le vide. Sans un mot toujours il lui tendit une main. Elle ne voyait pas ses pieds, juste le sommet de quelques arbres qui dépassait du brouillard qui s'était à présent levé.  Alors elle franchit la vitre. En fait il n'y avait pas de vitre, elle avait la sensation d'avoir cligné des yeux et de les avoir réouvert sur un autre monde.  Elle était pied nu sur de la terre battue, quelques feuilles jonchaient le sol, le brouillard à présent était tellement opaque qu'elle ne voyait pas à un mètre devant elle. Il se séparait en deux sur environ une allée de trois mètres de large et continuait loin, elle ne savait pas où mais le pressentiment la repris.  Elle se retourna vers son directeur qui du même geste de la main l'invita à suivre le chemin.

- C'est ton chemin. Dit-il avant de s'évaporer.

Seule. Voilà ce qu'elle était,  seule et perdue en prime. Sans se presser elle se retourna, elle s'inquiétait de ne pas être elle même inquiète.  Où était passé la Marry froussarde qu'elle connaissais si bien ? Elle resta à l'affût quelque instant, guettant une vague de panique,  une attaque surprise mais rien.

Tout était calme, pas tout à fait silencieux mais paisible, c'était le mot. Elle écoutait le murmure de la nature tout en savourant une liberté qu'elle découvrait,  le sol sous ses pieds était meuble et froid mais elle avançait, son corps lui semblait svelte, elle croyait flotter sur l'air.

Le brouillard ne la dérangeait plus au contraire il l'appaisait. Elle ne se sentait pas seule, mais pas non plus menacé.

Sans l'avoir vu au loin, elle tomba face à face avec un arbre,  le plus imposant qu'elle n'ai jamais vu. Il était très ancien, c'était certain,  le tronc était foncé et l'écorce grise, craquelée, c'était comme si au moindre touché elle allait s'effriter et disparaître. Un léger frémissement attira l'attention de Marry, après un long moment elle crû rêver lorsque le phénomène se répéta.  C'était comme si l'arbre vivait,  qu'il avait un coeur qui battait,  certe doucement mais qui le faisait vivre. Lentement comme si l'arbre dormait, le poul s'adaptait aux vibrations de l'air, Marry sentait l'infime souffle traverser ses cheveux. Une nouvelle sensation grisante naissait en elle,  jamais elle n'avait eu l'impression d'être aussi en accord avec le monde, elle comprenait les énergies, son énergie.

Doucement elle approcha sa main du tronc, sous ses doigts l'écorce était tout, douce et rêche, froide et sèche...

L'arbre sembla reprendre vie, sortir de sa torpeur,  il semblait s'étirer, se mouvoir,  sous ses pieds Marry sentait la terre rouler,  glisser, couler. Une immense racine émergea de la terre,  s'énroula autour de la taille de Marry et délicatement la souleva du sol. Marry montait doucement vers le sommet de l'arbre, elle savourait les courants d'énergies qui emplissaient l'air,  pour la première fois elle les goûtait. Lorsqu'elle rouvrit les yeux Mr Eowiesen la regardait avec son habituel sourire énigmatique,  celui qui voulait dire douze choses à la fois.

Le Cueilleur De RêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant