Partie une, Amaël

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à Keytan,

Je me souviens t'avoir salué brièvement ce soir-là, tout en sachant qu'on se reverrait le lendemain midi, à l'anniversaire de papa.

Et puis la nuit était déjà tombée, c'était un janvier plus froid que les précédents et papa m'a appelé. J'ai sentis un immense vide dans sa voix, comme si elle ne lui appartenait plus et à l'autre bout du fil, je l'imaginais pâle comme un nuage de printemps. Lui qui est si dur et parfois blessant, se nichant dans le mal pour ne jamais souffrir, j'ai pourtant ressenti le souffle froid des montagnes de peine qui le menaçaient de lui tomber dessus, et qui ont dégringolées, d'un seul et même coup. Alors j'ai bien cru moi aussi chialer sans même savoir le motif. Et j'aurais voulu ne jamais décrocher ce foutu téléphone.

Alors papa m'a annoncé, entre une voix brisée et les tremblements d'une lèvre, que t'étais partie.

Ensuite tout s'est écroulé petit à petit. Un peu comme une cascade au ralenti, d'abord doucement puis dangereusement, sauf que c'était de ma vie, de nos vies dont il était question.

Fanny est intervenue alors, avec sa jolie bouche, en me susurrant que l'amour triomphe de la tristesse, que tu étais comme une bougie qu'on ne laissait jamais allumée, qu'on éteignait sans cesse jusqu'à ce que ton corps se consume, intégralement. J'ai pleuré. J'ai pleuré car elle me disait cela d'une dureté ahurissante, comme si elle m'accusait, moi, ton frère ainé, de t'avoir tué.

Et j'avoue que depuis ces mots-là, ce n'était plus une cascade qu'était ma foutue vie, mais une putain d'explosion, sombre et ravageuse, qui m'entraînait tout au fond, là où le noir n'est plus une teinte,mais une vision, le miroir d'une âme.

d'Amaël

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