Chapitre 1 : Quelle vie...

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Il est 6h30 du matin, lorsque Billie Jean de Mickaël Jackson retentit dans une petite maison de banlieue parisienne. Avec difficulté, Julian parvient à saisir son téléphone et a arrêter au moment où Mickaël apprend le nom de cette fille. Il s'assoit un instant au bord de son lit. Il entend encore la respiration de sa femme, encore groggy de la nuit. Les yeux encore collés par plusieurs heures sans les ouvrir, il les frotte avec ses mains afin de faire un effort qui lui semble surhumain, celui de se mettre debout. Il s'étire, et se dirige vers la cuisine. Il n'est pas question de faire quoi que ce soit avant le premier café. Il allume sa machine à dosettes, parvient à trouver l'une des dernières dans le placard juste en dessous tout en grommelant qu'il n'arrive pas à les attraper tellement elles sont cachés dans le fond, et fait couler ce divin nectar. Enfin du moins ce qu'il pense être un bon café. Une fois il en a bu un torréfié mais à ton vraiment le temps de préparer son café le matin de cette façon ? Le semblant de caféine qui est présent dans les dosettes souples du supermarché d'à-côté fera bien l'affaire. Il regarde par la fenêtre les premiers défilés de voitures du matin. Pour l'instant les routes sont plutôt calmes, la plupart des  gens ne partiront qu'en même temps que lui, et c'est là que la douce quiétude de la matinée sera rompu. 

Il se dirige vers la salle de bain. Il se regarde dans le miroir. Il croit voir son père l'espace d'un instant, et réalise que c'est bien lui l'ahuri avec les cheveux châtains décoiffés, avec un épi récalcitrant sur l'arrière du crâne, et les yeux marrons agressés par la lumière jaunâtre de la petite salle de bain. Après le rituel rasage, brossage de dents, douche et enfilage de costume bon marché, il se dirige dans sa chambre afin de réveiller sa femme qui va être une nouvelle fois en retard à son travail. Il va ensuite dans la chambre de sa fille, l'embrasse sur le front, et se dirige vers la porte d'entrée. Il attrape sa mallette posé sur le sol, ses clés dans le fameux bol fourre-tout présent dans chaque maison, et se dirige vers son monospace de la fin des années 90 qui tient encore malgré le peu d'entretien qu'il reçoit. 

Comme d'habitude, l'A86 est bouché. Bien normal à 7h30 du matin, tout le monde part pour gagner un semblant d'argent pour survivre dans cette région aux prix de l'immobilier assassin et au coût de la vie exorbitant. Plusieurs fois Julian rêve de partir loin, dans une ville voir même un pays où ce genre de souci ne serait que du passé. Il a bien failli d'ailleurs il y a plusieurs années, mais bon, sa vie est ici. 

Il arrive à la banque où il travaille. Après avoir cherché vainement à ses garer le plus près possible, il parvient à se trouver une petite place dans une rue parallèle à la grande avenue. Il rejoint son comptoir, et se prépare à recevoir ses premiers clients. Après avoir reçu M. Dumont, il se dit qu'il a bien besoin d'un café. Foutu pseudo-riche qui se croit tout permis sous prétexte qu'il a quelques actions bien placés et qui te prend pour le dernier des abrutis. Ah il y a quelques années, Julian lui aurait volontiers mis un direct du droit et lui aurait cassé le nez juste pour voir le sang tâcher sa belle chemise Lacoste. Mais c'est bel et bien fini ce temps-là et pour se calmer, il décide de prendre son troisième café de la matinée. "Vivement la pause déjeuner" se dit-il. Il regarde l'heure sur sa montre. 10h34. Il lève les yeux au ciel. Il a l'impression d'avoir passé 3 heures assis derrière son comptoir à se faire incendier pour des rejets de prélèvements ou encore parce que les frais bancaires sont beaucoup trop élevés et que c'est un escroc. Comme si la banque lui appartenait. Si la banque lui appartenait, vous croyez vraiment qu'il serait vêtu d'un costume bleu de qualité douteuse, et assis sur une chaise dont le socle se dévisse à chaque mouvement qu'il fait, et dont il est obligé de les revisser au moins deux fois par jour ? Les gens sont naïfs. Il retourne à son bureau, et s'arrête un instant. Lorsqu'il voit Mme Valin, il sait bien que les quelques minutes qu'il va passer avec elle va lui sembler encore des heures...

12h30. Enfin! La libération! Il va pouvoir aller manger son sandwich poulet-crudités chez son ami. Ah oui son ami. Il est un peu spécial, mais il n'habite pas très loin de la banque, alors que si Julian rentrait chez lui, il ne serait pas là à temps pour la réouverture. Pas de cafétéria dans la petite agence où il est employé, et manger seul à une table dans un fast-food n'est pas tellement sa tasse de thé. Il se rend donc chez Charles. Charles est, disons, inventeur. Il habite dans un atelier plus qu'une maison, rempli de bric-à-brac et toujours un tournevis à la main en train de démonter et remonter des bidules, ou encore de fabriquer un machin qui finira transformer en un truc. Julian s'est toujours demandé comment il gagnait sa vie avec ce genre d'activité dévorant aussi bien son espace que son temps. 

Julian ouvre le portail, et entend Charles pester.

"Foutu scie, elle me lâche en plein moment décisif!" 

Ce genre de phrases peut terrifier quand on a un aperçu du devant de sa... demeure. Un vieux portail en fer fait semblant de garder la propriété, rouillé par le temps et malmené par son maître. L'atelier se trouve un peu plus haut, une allée de pavé en brique rouge le connecte à la civilisation. Sur tout le long, des amas de ce qui ressemble à des robots, ou encore des frigos aménagés en cabane à rongeurs, des pneus à clous (oui vraiment à clous!), un coffre découpé de voiture pour servir de malle dont on ne voudrait absolument pas connaître le contenu, et enfin des vélos à quatre roues directionnelles. A force, Julian s'est habitué à ce spectacle de décharge municipale. Il entre par la petite porte et trouve son ami en plein effort pour découper ce qui ressemble à un banc public en fer. 

- Salut Charles,

-Julian, s'exclame Charles en se tournant vers Julian, le visage caché par un masque de soudeur, Comment vas-tu ?

- Pas mieux qu'hier mais mieux que demain, lui rétorque t'il

-Roh allez viens donc t'asseoir, lui dit Charles en lui montrant le banc, ah non pas là par contre, il doit être brûlant.

Il se dirige vers un canapé dans le fond de l'atelier qui sert de couchage à Charles. Tout en mangeant, il raconte à Julian ses dernières idées d'innovation, et lui demande un service.

- Tu vois là bas, il y a une chaise avec un ordinateur, lui montre Charles, c'est un simulateur, mais pas n'importe lequel. Il suffit d'entrer quelques données sur ta vie, les choix que tu as du faire, et selon ceux que tu as fait, l'ordinateur, par une série d'algorithmes plutôt complexes que je mettrais un certain temps à t'expliquer, te montre ce que ta vie pourrait être.

Julian parait surpris. Il a en gros inventé les sims en vrai ?

- C'est un peu ça, lui répond Charles amusé, mais en plus poussé quand même. Voudrais-tu l'essayer ?

Julian lui fait un non de la tête. Son truc à l'air dangereux, la chaise ressemble à celle dont on se sert aux Etats-Unis pour exécuter un condamné à mort. Il préfère décliner poliment. Ils discutèrent encore quelques minutes, et Julian se remis en route pour sa morne banque.

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⏰ Last updated: Jun 25, 2018 ⏰

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