3.3 Oze : Apparences

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Ce fut angoissée qu'Oze marcha à la suite d'Eve. Elle avait longuement hésité avant prendre la décision de la rejoindre. Aucun bruit n'émanait du reste de la petite maison, si bien qu'Oze la crut partie. Mais la curiosité était la plus forte, jamais de sa vie elle n'avait vu une femme à la chevelure si originale, les rares étrangers qu'elle avait pu rencontrer ne lui ressemblaient pas. Quant aux hommes et femmes de la cité, ils étaient fiers de leurs crinières plus sombres que la nuit. Cette caractéristique insulaire se transmettait de génération en génération.

Eve était là, elle l'attendait patiemment, une tasse de thé à la main. Oze ajusta sa manche, troublée d'être aussi débraillée devant cette femme à l'allure parfaite. Chaque pli de sa robe de bronze était ajusté, en harmonie avec les autres, en ordre. L'adolescente sourit, cette femme lui rappelait sa grand-mère, d'une grande bonté également, mais dissimulée sous une armure stricte de perfection. Mais elle n'avait plus cette aura dorée, elle semblait moins... paisible.

— Comment ai-je pu respirer sous l'eau ? demanda Oze en s'asseyant à genoux en face d'Eve qui lui offrit à boire.

— J'ai bien peur de n'avoir aucune raison à te donner, répondit calmement Eve, il existe des choses qui nous dépassent, de loin.

La femme accentua son sourire, un petit peu trop au goût d'Oze.

— C'est vous qui avez fait cela non ? insista la jeune femme après une gorgée de thé brûlant.

Eve laissa les secondes s'écouler sans quitter Oze des yeux, elle la détailla longuement, s'arrêta sur ses épaules frêles, sa peau teintée par les heures passées à bord de son bateau, les petits yeux sombres. L'adolescente se sentait analysée, jugée.

— Tu es très particulière jeune fille, tu le sais non ?

Eve pencha légèrement la tête sur le côté et, d'un geste calculé, ôta une miette invisible qui traînait sur la table.

— Une déesse t'a choisie, poursuivit-elle, ce n'est pas rien, les dieux sont rarement généreux en termes de dons. Ils procurent souvent bien plus de peine que de joie. Je me demande bien pourquoi. Je n'arrive pas à saisir cette raison.

Un frisson parcourut l'échine d'Oze, quelque chose, son regard avait changé. Eve paraissait beaucoup plus froide, différente. L'adolescente se leva dans le but de partir et Eve l'imita.

— Viens avec moi, jeune fille, proposa-t-elle. J'ai beaucoup de choses à t'enseigner.

— Où donc ?

Eve sourit et la félicita d'être curieuse à ce point. Le questionnement était le début de la connaissance, seuls les ignares ne se posaient aucune question. La femme blonde lui assura qu'elle lui donnerait toutes les réponses souhaitées une fois arrivées à leur destination.

— Où allons-nous ? Ma famille doit s'inquiéter après cette tempête, il vaudrait mieux que je les prévienne.

— Assurément, concéda Eve, mais un long voyage nous attend, la route de Yaminokuni est sinueuse et ardue. Ce n'est qu'un chemin de pierres qui arpente la falaise. La cité des dieux est située au sommet du mont, seuls les élus y ont accès.

Une autre cité des dieux. Takamanohara, la ville d'Oze, appartenait à la déesse Ereyne. Oze savait que sa déesse, celle qui l'avait bénie par son nom à sa naissance, protégeait plusieurs cités, les anciens en parlaient parfois, entre eux. Mais jamais ils n'avaient dit qu'une autre de ces cités étaient aux alentours. Par contre, d'après les légendes, d'autres dieux y avaient leurs fiefs, et tous n'étaient pas aussi protecteurs.

Eve sortit et fit quelques pas sur la plage, suivie par Oze toujours hésitante.

— Est-ce vous la déesse protectrice de Yaminokuni ? demanda l'adolescente tout en marchant vers la mer.

Elle regarda autour d'elle, pas d'âme qui vive à l'horizon, le petit village semblait désert.

— Non, celui qui dirige la cité se nomme Izanagi. Il règne depuis des millénaires sur Yaminokuni et veille sur les siens.

— Et lorsque nous serons en chemin, vous m'expliquerez ce que vous m'avez fait ? Pourquoi j'ai pu respirer sous l'eau ?

— Certes non, répondit Eve avec un petit rire, je te l'ai dit, le chemin est ardu, il me faudra toute ma respiration pour réussir à atteindre la cité. Je n'en ai pas l'air mais je suis très âgée.

Sur ces paroles joyeuses Eve frappa dans ces mains et décréta qu'il était temps de partir.

— Tu as reçu un don très précieux jeune fille, il ne faut pas le négliger. Et ne désires-tu pas explorer de nouvelles cités ? Découvrir d'autres mondes que celui dans lequel tu as grandi ? Takamanohara me paraît toujours si triste, si chaotiques, tous ces humains qui vivent et meurent sans s'arrêter, sans prendre le temps d'observer. Ils courent d'activité en activité, négligent les arts, et même leurs règles si strictes ne leur permettent pas d'atteindre la perfection. Viens jeune fille, laisse-moi te montrer les splendeurs de Yaminokuni.

— Mia, mentit Oze, je m'appelle Mia.

— Bien Mia, répondit Eve, allons-y, à moins que tu ne préfères repartir dans ta famille, à Takamanohara. Je ne t'oblige à rien.

-- Partir vers Yaminokuni ou bien retourner à Takamanohara ? --

Merci d'avoir lu ce chapitre ! 

Axel. 

PS : lecteur d'Immortels, cela t'a t-il rappelé des souvenirs ? ;-)

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 31, 2017 ⏰

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