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12 juillet 2015, 16h03, Paris.
Pdv Sahar

Le restaurant était simple. Pas très grand. Un voile de paroles ou même de rires tombait sur la pièce. Les multiples cadres au mur rendaient l'endroit, presque, oppressant. Une boucle autour du doigt, je glissai mon pouce sur l'écran du smartphone endommagé. Des multiples fissures l'habiller. Mes converses au pied, je tapais une rythmique saccadée.

"T'es là toi?"Cria Sneaz' attirant plusieurs regards désobligeants.

"Bonjour Mohamed, comment vas tu ?"

"Salam aleykoum, ça va hamdoulilah et toi?" Dit-il en tirant la chaise en bois. Une légère musique résonnait dans le restaurant. Le ventilo' qui était à son maximum étouffait celle-ci.

"Ça va, ça va." Soufflai-je, les yeux rivés sur la carte du restaurant. Des mèches de cheveux me collaient au frond. Un débardeur sur le dos, je suffocais. La chaleur était insoutenable malgré le grognement mécanique du ventilateur.

Un petit blond se pointa devant nous. Un sourire, purement, professionnel scotché aux lèvres. De sa main droite, il faisait tourner son stylo quatre couleurs.

"Vous vouliez ? " Demanda-t-il, son calpin en cuir dans la main gauche.

"Un Ice Tea pour moi s'il vous plaît." Demandai-je accompagné d'un sourire compatissant. Le pauvre semblait mal à l'aise dans sa chemise blanche.

"Rien pour moi." Dit Mohamed sans un regard pour le jeune garçon.

Je le dévisagais. Son teint mate avait coulé pour une couleur plus pâle. Des cernes se creusaient sous ses yeux sombres. Il avait un mince sourire. Son tee-shirt à l'effigie d'un de ses collectifs.

"Frère, ton compte est à découvert ou quoi?" Rigolai-je en secouant la tête pour dégager cette mèche qui barrait ma vue.

"N'importe quoi." Il deverouilla son cellulaire."C'est le Ramadan, hagouna."

"Ah oui c'est vrai." Ma paille au bord des lèvres, je grimaçai sous le son que diffusait faiblement les haut-parleurs.

"Je déteste cette musique." Avouai-je écoutant les paroles plus ou moins vides de On verra. Le son que les radios s'obstinaient à passer tout l'été.

"C'est la plus merdique de son album."

"Vrai."

Ses yeux toujours sur son téléphone, je jouais avec un bracelet en tissus qui entourait mon poignet. Je souriais à la vue de celui-ci. Il était d'un bleu dégueulasse et le logo Sfr se répétait. Le temps avait coulé, déjà un an que je cotoyais cette diva aux cheveux sombres. C'était bien plus qu'une amitié à deux balles.

"Faut qu'on bouge." Lâcha-t-il finissant de taper son message.

"Hein ? Quoi? Où?" Bégaillai-je laissant la paille glisser de mes lèvres.

"Lèves toi, on y va."

17h59

"Sahar, ça fait grave de temps que j'voulais t'ramener à un concert."

Je m'écrasais sur le canapé de sa loge. Une petite pièce où gisaient des boîtes de pizza et des bouteilles de soda entamés. Des vêtements trouvés aussi place au sol.

"C'est bon." Cédai-je une clope dans la main. "J'serais là."

Un sourire vainceur sur les lèvres, il attrapa son micro. Il semblait retrouver quelques couleurs.

"J'vais aux répèt', j'reviens." Il s'avança vers la sortie. Son short d'une équipe de football flottait sur sa taille. "Si quelqu'un te demande t'es qui, dis que t'es avec moi." Finit-il avant de quitter définitivement la pièce, me laissant seule dans le silence.

Je glissais deux fois mon pouce sur la roulette avant d'apercevoir une étincelle. La nicotine dans les poumons, j'allongeais mes jambes sur le canapé. Les écouteurs dans les oreilles. Je laissais mes yeux se fermer.

"Pour les interview, faut attendre dehors." Lâcha un brun en envoyant un regard vif vers moi.

"Pardon ?"

Je retirais mes écouteurs et le fixai un sourcil levé. Son visage était bronzé et ses cheveux décoiffés. Un épi sur le tête et une légère barbe sur la gueule, il me dévisageait cherchant mon visage dans sa mémoire. Ma cigarette au bout des lèvres, je le fixai.

"J'suis là avec Sneaz'."Dis-je simplement. Une fumée à l'odeur écoeurante glissait de mes lèvres avec mes mots.

"Ah!" Finit-il par dire en se grattant le menton."C'est toi Sandra?"

"Non, moi c'est Sahar."

"Tu restes pour le concert?" Demanda t-il, un petit rictus aux lèvres.

"Ouais, askip."

Regards dans le blanc des yeux. Ma clope consumait enfumant la pièce. Je relevais du revers de la main les boucles qui tombaient sans cesse sur mon front. Un sourire à travers les yeux, il marmonna qu'il devait partir.

"À plus Sandra."

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