Parchemins

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Clae't arrive cette fois dans une pièce dont les murs sont faits de bois. Tout est en bois ou presque ici d'ailleurs. L'ameublement est spartiate mais confortable. Un fauteuil fait face à une cheminée au   foyer de pierre rouge, un écritoire sous la fenêtre à petits carreaux de verre trouble supporte un beau nécessaire à écrire et une pile de parchemins. Ceux ci ont été grattés pour enlever le texte et pouvoir à nouveau s'en servir. Dans un coin, une baignoire de cuivre attend le réveil du dormeur. Une tapisserie au dessus du lit à baldaquin représente une scène de guerre brodée. 

Le dormeur lui, seulement vêtu d'une culotte de lin blanche, a remonté sa couverture jusqu'à son menton. Entendant du bruit dans le couloir, le Tahc se coule dans son âme juste à temps.

- Monsieur Jean ? Je peux entrer ? Un grognement répond à la voix féminine, qui ouvre la porte et vient déposer un petit déjeuner solide, composé de charcuterie et de pain bis, accompagné d'un verre de vin rouge pour réchauffer le sang en cette saison fraîche.

Dans un demi sommeil, l'homme regarde la camériste attiser le feu et ouvrir les volets.

-Monsieur Jean, voulez vous prendre votre bain immédiatement ou dois je mettre l'eau de coté au chaud ?

-Humph... Laissez moi me lever par pitié... Revenez donc dans quinze minutes ma belle.

- Bien Monsieur. Autre chose ?

- Non, disposez.

Il s'étire, se gratte la barbe fournie et brune qu'il porte fièrement. Son esprit se rappelle alors où il est. Chez son ami le Seigneur Dach, propriétaire de terres à la frontière prusse.

"Une semaine que je suis ici, et je n'ai toujours rien écrit..." pense-t-il en regardant l'écritoire d'un œil morne. Il se dresse sur son lit, enfile rapidement une tunique épaisse et attaque la nourriture de bon train. Il attend ensuite la venue de la jeune femme, en sommeillant à nouveau sur son lit, laissant ses pensées divaguer. " Cette commande ne m'inspire pas... Comment puis-je écrire une ode à sa promise ? Le seigneur me paie grassement, me loge... Mais cette femme est tellement... Sotte et... Son esprit est bien trop corrompu par ses péchés. Une gourgandine, voilà tout! Ah mon ami, dans quelle situation m'as tu mis..."

-Monsieur, puis-je?

- Oui oui, venez me chauffer le bain ma chère, et ensuite je vous libère.

- Dois-je faire préparer votre cheval ? La journée est belle, et vous êtes tout pâle...

Elle rougit soudainement et se concentra sur la préparation du bain, tout en bafouillant.

- Oh pardon, je ne voulais pas, veuillez m'excuser...

- Ne vous peinez pas, vous avez raison. Un peu de cet air printanier me fera sûrement le plus grand bien. Que le cheval soit prêt dans deux heures.

Ayant fini, la camériste s'éclipse, laissant le poète seul. Il se lève enfin pour de bon, se déshabille et se glisse dans l'eau chaude bienfaisante.

" Peut être, si je pense à cette jeune servante à la mine si accorte... Oui,celle-ci est belle, avenante... Peut être même devrais-je l'inviter à... Oh non, ce n'est pas correct... Oh et puis nous verrons bien, terminons d'abord cette ode."

Clae't trouve soudain que l'homme est trop réveillé à son goût pour rester encore. Il espère qu'il trouvera ses rimes, et son bonheur. Il sort de cette âme, embrasse la pièce du regard, et prononce le mot.

-Derpap.

Il disparaît.

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